Un
jour, à son réveil, alors qu’une brume s’étendait en une couche fine au-dessus
de l’eau, Trotte-Menu crut distinguer, au loin, la silhouette d’une végétation.
Capitaine-Pingouin surgit sur le pont et
désigna quelque chose droit devant d’un geste du bras, car Capitaine-Pingouin
n’était pas manchot..« Regardez, une berge et des arbres ! Avec de la
chance, nous serions bien arrivés au
jardin-des-monstres-du-commencement-du-monde. »
Le
soleil commençait à pointer. Il n’y avait pas de vent. Le bateau accosta sans
peine. Trotte-Menu pensa qu’il fallait faire vite. Elle devait rencontrer les
monstres, poser sa question, en attendre la réponse. Oui, mais pas trop
longtemps !
Connaitraient-ils
la réponse, ces grands monstres ?
Puis,
soudain, une angoisse l’étreignit.
Etaient-ils
hospitaliers, ces grands monstres ? N’allaient-ils pas la dévorer ?
Cette
angoisse s’enfla en panique. Elle eut envie de fuir.
Non,
ce n’était pas possible : Non, elle n’y arriverait jamais !
Non !
Non ! Non ! Elle ne devait pas renoncer ! Si près du but, elle
n’allait pas faire demi-tour et revenir bredouille ! Elle avait sa
fierté !
Ce
fut donc, plus battante que jamais, qu’elle débarqua sur ce continent inconnu.
Capitaine-Pingouin
lui avait donné huit jours. Après ce délai, il serait obligé de reprendre la
mer.
Huit
jours ! C’était long et court en même temps !
En
avant pour l’aventure !
Ce
que découvrit Trotte-Menu était vraiment paradisiaque. Tout d’abord, une grande
étendue d’un sable doux et fin ; puis de grands arbres dont l’ombre
apportait une agréable fraîcheur ; des fleurs gigantesques aux couleurs
chatoyantes, des fruits pulpeux à l’odeur sucrée. Des oiseaux chamarrés volaient d’arbre en
arbre en chantant merveilleusement, des papillons diaprés voletaient de fleur
en fleur, repus de pollen.
Vivre
ici devait être le paradis.
Mais
pas de grands monstres dans les environs.
En
raison de leur taille, Trotte-menu avait pensé qu’elle aurait pu les repérer
facilement et rapidement. Mais rien, rien de rien !
Elle
s’enfonça plus avant dans les terres, attentive au moindre bruit, au moindre
frissonnement de la végétation.
Un
doute montait en elle. Etait-elle dans le jardin
des-monstres-du-commencement-du-monde ?
Le
cadre ressemblait pourtant bien à la description que sa grand-mère lui en avait
faite, mais, n’y avait-il pas une autre terre semblable, ou alors, les grands
monstres s’étaient-ils éteints de vieillesse ?
Une
journée passa, une journée infructueuse, puis une autre…..
A
l’aube du troisième jour, Trotte-Menu sentit le sol vibrer légèrement, puis les
vibrations s’amplifièrent. Que se passait-il ?
Etait-ce
un tremblement de terre ?
Etaient-ce
…… Hourra !
A
quelques mètres de notre petite amie se dressait majestueux, grandiose,
immense, gigantesque ……Les mots lui manquaient !
Là,
devant ses yeux, un monstre-du-commencement-du-monde !
Impressionnée,
sans voix, dans l’impossibilité de faire un mouvement tant l’émotion était
vive, Trotte-Menu resta un long moment sans bouger, contemplant la raison de
tant de kilomètres parcourus. En observant plus alentours, elle s’aperçut qu’il
y avait plusieurs monstres différents, mais qu’ils avaient l’air de vivre en
bon voisinage. Lequel choisir ? Quel était celui qui pouvait détenir la
réponse à sa question, ?
Elle
chercha celui qui semblait le plus pacifique. Son choix s’orienta vers un monstre
au long cou, à la petite tête qui, nonchalamment, mangeait des fleurs et des
feuilles qu’il arrachait à la cime des arbres. Elle s’avança vers lui et criant
fortement, les mains en porte-voix, elle
lança un « bonjour ! » tonitruant, afin d’attirer son attention.
L’animal,
interpellé, baissa la tête, courba son long cou, chercha sur le sol qui avait
pu rompre le silence, renifla et découvrit une Trotte-Menu terrifiée.
« Qui
es-tu ? demanda le monstre préhistorique. »
-
Je suis Trotte-Menu
-
Que fais-tu ici ? Je ne t’ai jamais vu auparavant.
Trotte-Menu
faisait la fière, mais devant ce géant, elle était, en réalité, terrorisée. Il
n’avait qu’à souffler sur elle pour la désintégrer. Une épreuve à avoir une
crise cardiaque. Rassemblant le peu de courage qui lui restait, notre petite
amie expliqua à son interlocuteur attentif son histoire, ses déboires, ses
péripéties, ses réflexions et son désarroi. Elle déballa tout, quoi !
Un
long silence suivit ce récit. L’animal l’avait-il oubliée ? Avait-il
compris le problème ? Réfléchissait-il, tout simplement ? Trouvait-il
ses préoccupations dérisoires ?
Elle
attendait patiemment. N’était-elle pas diplomate ?
« Oui,
je vois, finit par dire le monstre-du-commencement-du-monde. Il n’y a qu’une
seule solution à ma connaissance.
Suis-moi !
-
Suis-moi ! pensa la petite souris,
il en a de bonnes, il avance mille fois plus vite que moi ! Enfin !
Elle
le suivit en courant, n’osant s’arrêter une seconde afin de ne pas retarder sa
progression.
Soudain,
l’animal préhistorique stoppa. Trotte-Menu aussi, essoufflée, haletante, le
cœur battant à se rompre dans sa poitrine.
« Regarde,
dit le monstre en désignant à la petite souris, une plante verte sur laquelle fleurissaient
de petites boules blanches d’une extrême douceur. C’est une plante ancienne, si
tu prends ces petites boules et les mets dans les oreilles de ton jeune
protégé, celui-ci n’entendra plus rien. Essaie toi-même. Si tu es
satisfaite, prends tout ce dont tu as
besoin et repars vers ton pays. »
Après
ces mots, sans attendre les conclusions de l’observation de Trotte-Menu, ni ses
remerciements, le gigantesque animal s’en alla vaquer à ses occupations qui
n’étaient autres que manger, dormir et se laisser dorer au soleil. Une vie de
rêves !
Trotte-Menu
prit quelques boules blanches et les mit dans ses oreilles. En effet, les sons,
grâce à elles, étaient filtrés, ouatés…… C’était à coup sûr la solution !
Elle
prit autant de boules blanches qu’elle put, arracha même un pied de l’étrange
plante et se dépêcha de retourner sur la plage
pour embarquer au plus vite.
Combien
de jours s’étaient écoulés depuis qu’elle avait mis pied sur cette terre ?
Elle
n’en avait aucune notion, mais elle savait qu’elle n’avait que huit jours et
que son chargement ralentirait sa marche.
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