lundi 9 mai 2016

Les Kihontous et les Toumouhiyés - Chapitre 4



Un matin, alors qu’ils avaient cessé toutes les recherches et qu’ils s’apprêtaient à fabriquer d’autres instruments, ils entendirent des sons provenant de l’autre côté de la rive. Des sons aigus, des dissonances plutôt…..

Il faut vous dire que de l’autre côté de la rive vivait un autre peuple venu s’installer là depuis de nombreux millénaires.
Semblables physiquement aux Kihontous, ils n’avaient pas leur joie de vivre, loin de là.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que sur l’autre berge du fleuve, le climat n’était pas identique. En effet, mais pour une raison inconnue de tous, sur cette berge-là, la pluie tombait, tombait, tombait chaque jour, chaque nuit et ainsi de suite, ce qui fait que ce peuple fut appelé les Toumouhiyés, et ces Toumouhiyiés étaient si déprimés qu’ils n’avaient jamais eu l’idée de chercher un autre endroit où vivre.


Donc, les Kihontous essayèrent d’analyser au mieux les sons qu’ils discernaient dans le lointain.

- Ne serait-ce pas nos instruments ? interrogea un Kihontou.
- Ce pourrait bien être cela, affirma un second.
- Mais jamais ils n’ont sonné de la sorte, lança un troisième, vous faites erreur.
Après conciliabules, il fut décidé d’aller sur l’autre berge pour en avoir le cœur net.
Oui, mai comment traverser le grand fleuve ? Les Kihontous n’avaient jamais franchi cette étendue d’eau. D’ailleurs pour quoi faire, car de l’autre côté ?……

Les Toumouhiyés, eux, avaient essayé une ou deux fois. Ne craignant pas d’être mouillés, car l’étant à longueur de temps, ils s’étaient « jetés à l’eau »…..

Les Kihontous cherchèrent et trouvèrent un moyen  assez rapidement. A califourchon sur un tronc d’arbre, trois Kihontous, les plus hardis n’ayant pas peur de l’eau, se lancèrent dans l’aventure. Heureusement, le courant n’était pas rapide et ils arrivèrent sur l’autre berge, sans trop  de problème.

Ce qu’ils virent en accostant était des plus déprimants. Le ciel, d’un gris horriblement sombre, déversait des trombes d’eau sur un sol détrempé à un point tel que l’on enfonçait jusqu’aux chevilles dans une boue noirâtre. Des huttes, ruisselantes, avaient été construites dans les arbres. Une forte odeur de pourri flottait dans l’air et les quelques végétaux plantés, ici et là, ne devaient pas donner beaucoup de nourriture.

D’une des huttes sortaient des sons horribles. Avec difficultés, à cause du sol boueux, les trois Kihontous se dirigèrent vers le tintamarre. Escaladant avec difficultés la plateforme de la hutte, ils y entrèrent au plus vite car ils étaient trempés. Cette sensation, étrangère car nouvelle pour eux, leur était très désagréable et ils grelottaient. Ils réalisèrent, alors, les bienfaits du  soleil.

Au fond de la hutte se trouvaient  quelques Toumouhiyés,  à la bien triste  mine. Ceux-ci furent bien surpris de l’irruption de leurs proches voisins dans leur case.
Ils s’arrêtèrent de jouer, ne sachant que faire, ne sachant que dire, pris en flagrant délit.
Les Kihontous, devant leur physionomie peu engageante et leur attitude  de chien battu (pour ne pas dire de chien mouillé !), eurent un mouvement de recul. Pour compléter la scène, l’endroit était plus que lugubre.

Les trois Kihontous comprirent, devant la désolation des lieux et la tristesse des Toumouhiyés, pourquoi les instruments sonnaient si faux, car même un débutant aurait fait mieux, à condition bien sûr d’être sous le soleil…..

Un silence s’installa, pesant, entre les deux peuples. On ne percevait que le plic-ploc monotone et continuel des gouttes d’eau sur le toit de chaume, et le ruissellement de la pluie sur le sol. Quelle situation consternante !

-      Nous sommes désolés, dit timidement un Toumouhiyé….
-      Il y a de quoi, lança mécontent un des trois Kihontous, en pensant surtout aux fausses notes.
-      C’était notre seul recours, tenta  de se justifier un autre Toumouhiyé.
-      Votre dernier recours ? interrogea le second Kihoutou, se rendant compte de sa colère et regrettant celle-ci, face au désœuvrement de ses voisins.
-      Vous comprenez, lança un troisième Toumouhiyé, ce n’est plus possible, et de son bras tendu, il dessina un demi-cercle devant lui, désignant ainsi les alentours.
-      Je comprends, reprit le second Kihontou, mais ce n’était pas une raison pour voler nos instruments de musique.
-      Ce n’est pas un vol, poursuivit le premier Toumouhiyé.
-      Alors, vous appelez cela comment ? s’enquit le troisième Kihontou.
-      Un emprunt…. Nous vous aurions restitué les instruments, nous voulions faire un essai. Et  la phrase resta en suspens.
-      Vous avez encore des progrès à faire, lança le troisième Kihontou d’une voix ironique.
-      Il est vrai que nous n’avons pas votre talent, mais nous ne cherchons pas à devenir des virtuoses.

A cette dernière phrase, les trois Kihontous se regardèrent interrogateurs. Alors, si ce n’est pour apprendre et progresser pourquoi voler des instruments de musique. Surtout, que ce peuple avait l’air pacifique.

-      Alors pourquoi ? lancèrent-ils ensemble.

Et c’était bien là la question. Pourquoi ?


La réponse vint aussitôt, et je vais vous la conter immédiatement.

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