LES EMPOISONNEUSES
L'AFFAIRE LACOSTE
Chapitre 5
Vinrent
alors à la barre, imposant leur savoir :
·
M. Lidange, médecin,
·
L. Pons, pharmacien,
·
M. Bouton, médecin,
Tous
trois précisèrent que le 18 septembre, accompagnés de M. le juge d’instruction,
ils avaient prélevé des matières sur le cadavre de Henri Lacoste en vu de les
analyser.
Ce
fut ainsi qu’ils découvrirent dans le foie et les muscles des cuisses la
présence d’arsenic.
·
MM.Pelouze, Devergie et Flandrin, chimistes de Paris,
·
M. Filhol, professeuer de chimie à Toulouse,
·
MM. Champardon et Molas, médecins à Auch,
Lors
d’une contre-expertise, en étaient arrivés à la même conclusion.
Après
l’audition des experts, le juge se tournant vers la veuve lui demanda :
« Vous
dites, que votre mari ne consultait jamais de médecin ?
-
Il n’aimait pas les médecins, affirma-t-elle, il s’adressait
plutôt à un artiste vétérinaire.
A
cette réponse, des rires fusèrent dans la salle et le juge eut quelques
difficultés à imposer le calme.
« Bon,
passons ! poursuivit ce dernier. Donc, votre mari n’a jamais consulté de
médecin ?
-
Si une fois, je crois, il s’était fait saigner par le docteur
Vignes, à Tarbes.
Les
questions s’orientèrent ensuite sur le désir d’héritier qui taraudait le défunt
et des bruits, ici et là, affirmant
qu’il entretenait quelques relations extraconjugales avec des servantes,
dans ce but, justement.
Mme
veuve Lacoste démentit ce que colportaient les rumeurs, certifiant que son mari
était incapable de tels actes.
« Et
cette servante que vous avez renvoyée, n’était-ce pas en raison des relations
intimes qu’elle entretenait avec votre époux ?
-
Non, je l’ai renvoyée en
raison de son langage et de ses
manières, trop libres, qui ne me convenaient pas.
Concernant
la présence d’arsenic dans le corps de son regretté défunt, la veuve Lacoste
l’apprit en même temps que tout le monde. Elle en fut d’ailleurs la première
surprise.
M.
Lasmolles[1],
officier de santé, fut appelé à déposer.
« Le
samedi 20 mai, je fus appelé par Mme Lacoste pour son mari. Après examen, je
suis reparti sans rien lui prescrire. M. Lacoste qui avait eu beaucoup de
fièvre le mercredi, n’en avait plus et je n’ai rien trouvé de flagrant. Je
pensai qu’un grand repos était le seul remède. Je fus rappelé le samedi soir,
l’état du malade ayant empiré. En si peu de temps, je m’en suis étonné.
M.
Lacoste avait un bouton au-dessus de la lèvre et cela le préoccupait, alors je
lui ai prescrit une « pommade dessicative ».
- Avait-il d’autres maladies secrètes, demanda
le juge.
- Il en avait eu, il y a
longtemps, une bonne année environ, il avait pris des « antivénériens ».
- Croyez-vous à un
empoisonnement ?
- Je ne le crois pas.
M.
Devergie, chimiste de Paris, fut de nouveau appelé.
« Certaines
médecines prescrites contiennent-elles de l’arsenic ?
-
Eh bien, je ne les nommerais pas, mais dans ce cas, elles ne se
prennent pas par cuillerées. Si c’était le cas en ce qui concernait M. Lacoste,
les doses auraient été infimes et n’auraient pas provoqué de vomissements.
M.
Félix Dupouy, âgé de 50 ans, officier à la retraite et ami du défunt.
Henry
Lacoste lui avait confié, quinze jours avant son trépas, être dans un martyre[2].
Il lui avait également parlé d’un voyage qu’il souhaitait faire faire à sa
femme à Bordeaux, dans les Pyrénées ou encore en Suisse.
M.
G. Lespère, 74 ans, propriétaire à Bassones.
Il
avait reçu en confidence, le désir du sieur Lacoste de refaire le testament
déjà établi en faveur de son épouse.
Cet
homme assurait toutefois que le couple Lacoste faisait bon ménage.
M.
Laffon, percepteur à Caseaux d’Andresse, déclara :
« Le
jour de la foire de Riguepeu, le 16 mai, j’avais de l’argent à remettre à Henry
Lacoste. Nous nous rendions à la mairie et en chemin, Lacoste m’a dit qu’il
éprouvait des douleurs à l’estomac et des frissons. Il devait être deux heures
de l’après-midi. Il paraissait ne pas être bien. Il avait vraiment mauvaise
mine. Ce jour-là, je ne lui remis pas l’argent, il préféra rentrer chez
lui. »
Les
questions portèrent ensuite sur le couple Lacoste qui selon le percepteur
s’entendait bien, sauf une brouille pour une servante.
« Et
M. Meilhan, poursuivit le juge, avait-il bonne réputation ?
-
Pas trop bonne, répliqua le témoin, on a parlé d’une fille morte à
la suite d’un avortement provoqué par une potion donnée par Meilhan.
Pour
le sieur Laffon, un empoisonnement était impensable.
Puis
ce fut au Capitaine Mothe, un vieillard de 74 ans, de venir à la barre.
A
la question : « Connaissez-vous Meilhan ? »
Il
répondit avec un fort accent : « Meilhan ! Si je le
connais ? C’est mon meilleur ami ! »
Et
à partir de là, l’assistance présente apprit que le jour de la foire avait été
l’occasion aux deux très bons amis de passer du temps ensemble. Ils avaient
dîné en tête-à-tête et étaient allés se promener. Sur la foire, le
capitaine avait fait l’acquisition de deux chapeaux. Ce fut en fin d’après-midi
qu’ils s’étaient séparés, la pluie commençant à tomber.
Malheureusement,
il y avait quelques petites variantes entre la première déposition du capitaine
et celle qu’il venait de faire. Le juge le lui fit remarquer, à quoi le témoin
répliqua : « ça, c’est
la mémoire !!! »
Un
petit faux-pas qui pouvait, cependant, avoir des conséquences sur le verdict
final........
Joseph
Sabatier, 68 ans, chapelier.
Le
jour de la foire de mai, il s’était rendu au débit de boisson Lescure et
n’avait pas vu Meilhan, par contre Lacoste était présent.
Alors, pourquoi Lacoste avait-il
dit avoir bu un verre avec Meilhan ?
L’audience
s’acheva sur le témoignage du chapelier.
Le
public quitta la salle d’audience avec toujours en tête ce qui venait d’être
dit et notamment « les maladies cachées » du sieur Lacoste.
-
Des dartres sur lesquelles il appliquait une pommade, non
identifiée.
-
Une hernie provoquant des maux de ventre et assurément également
des vomissements.
-
Les remèdes pris en secret et dont l’épouse ignorait tout.
Enfin,
toute sorte de questionnements propres à animer les conversations de la soirée
dans les nombreux foyers de la contrée.
[1] On
trouve également dans les divers documents consultés l’orthographe :
Lasenolle.
[2] Rien
dans le témoignage de cet homme sur la cause du martyr, mais il s’agissait
sûrement de la « stérilité présumée » de son épouse. Le voyage prévu
étant une cure.
Chapitre 5
Vinrent
alors à la barre, imposant leur savoir :
·
M. Lidange, médecin,
·
L. Pons, pharmacien,
·
M. Bouton, médecin,
Tous
trois précisèrent que le 18 septembre, accompagnés de M. le juge d’instruction,
ils avaient prélevé des matières sur le cadavre de Henri Lacoste en vu de les
analyser.
Ce
fut ainsi qu’ils découvrirent dans le foie et les muscles des cuisses la
présence d’arsenic.
·
MM.Pelouze, Devergie et Flandrin, chimistes de Paris,
·
M. Filhol, professeuer de chimie à Toulouse,
·
MM. Champardon et Molas, médecins à Auch,
Lors
d’une contre-expertise, en étaient arrivés à la même conclusion.
Après
l’audition des experts, le juge se tournant vers la veuve lui demanda :
« Vous
dites, que votre mari ne consultait jamais de médecin ?
-
Il n’aimait pas les médecins, affirma-t-elle, il s’adressait
plutôt à un artiste vétérinaire.
A
cette réponse, des rires fusèrent dans la salle et le juge eut quelques
difficultés à imposer le calme.
« Bon,
passons ! poursuivit ce dernier. Donc, votre mari n’a jamais consulté de
médecin ?
-
Si une fois, je crois, il s’était fait saigner par le docteur
Vignes, à Tarbes.
Les
questions s’orientèrent ensuite sur le désir d’héritier qui taraudait le défunt
et des bruits, ici et là, affirmant
qu’il entretenait quelques relations extraconjugales avec des servantes,
dans ce but, justement.
Mme
veuve Lacoste démentit ce que colportaient les rumeurs, certifiant que son mari
était incapable de tels actes.
« Et
cette servante que vous avez renvoyée, n’était-ce pas en raison des relations
intimes qu’elle entretenait avec votre époux ?
-
Non, je l’ai renvoyée en
raison de son langage et de ses
manières, trop libres, qui ne me convenaient pas.
Concernant
la présence d’arsenic dans le corps de son regretté défunt, la veuve Lacoste
l’apprit en même temps que tout le monde. Elle en fut d’ailleurs la première
surprise.
M.
Lasmolles[1],
officier de santé, fut appelé à déposer.
« Le
samedi 20 mai, je fus appelé par Mme Lacoste pour son mari. Après examen, je
suis reparti sans rien lui prescrire. M. Lacoste qui avait eu beaucoup de
fièvre le mercredi, n’en avait plus et je n’ai rien trouvé de flagrant. Je
pensai qu’un grand repos était le seul remède. Je fus rappelé le samedi soir,
l’état du malade ayant empiré. En si peu de temps, je m’en suis étonné.
M.
Lacoste avait un bouton au-dessus de la lèvre et cela le préoccupait, alors je
lui ai prescrit une « pommade dessicative ».
- Avait-il d’autres maladies secrètes, demanda
le juge.
- Il en avait eu, il y a
longtemps, une bonne année environ, il avait pris des « antivénériens ».
- Croyez-vous à un
empoisonnement ?
- Je ne le crois pas.
M.
Devergie, chimiste de Paris, fut de nouveau appelé.
« Certaines
médecines prescrites contiennent-elles de l’arsenic ?
-
Eh bien, je ne les nommerais pas, mais dans ce cas, elles ne se
prennent pas par cuillerées. Si c’était le cas en ce qui concernait M. Lacoste,
les doses auraient été infimes et n’auraient pas provoqué de vomissements.
M.
Félix Dupouy, âgé de 50 ans, officier à la retraite et ami du défunt.
Henry
Lacoste lui avait confié, quinze jours avant son trépas, être dans un martyre[2].
Il lui avait également parlé d’un voyage qu’il souhaitait faire faire à sa
femme à Bordeaux, dans les Pyrénées ou encore en Suisse.
M.
G. Lespère, 74 ans, propriétaire à Bassones.
Il
avait reçu en confidence, le désir du sieur Lacoste de refaire le testament
déjà établi en faveur de son épouse.
Cet
homme assurait toutefois que le couple Lacoste faisait bon ménage.
M.
Laffon, percepteur à Caseaux d’Andresse, déclara :
« Le
jour de la foire de Riguepeu, le 16 mai, j’avais de l’argent à remettre à Henry
Lacoste. Nous nous rendions à la mairie et en chemin, Lacoste m’a dit qu’il
éprouvait des douleurs à l’estomac et des frissons. Il devait être deux heures
de l’après-midi. Il paraissait ne pas être bien. Il avait vraiment mauvaise
mine. Ce jour-là, je ne lui remis pas l’argent, il préféra rentrer chez
lui. »
Les
questions portèrent ensuite sur le couple Lacoste qui selon le percepteur
s’entendait bien, sauf une brouille pour une servante.
« Et
M. Meilhan, poursuivit le juge, avait-il bonne réputation ?
-
Pas trop bonne, répliqua le témoin, on a parlé d’une fille morte à
la suite d’un avortement provoqué par une potion donnée par Meilhan.
Pour
le sieur Laffon, un empoisonnement était impensable.
Puis
ce fut au Capitaine Mothe, un vieillard de 74 ans, de venir à la barre.
A
la question : « Connaissez-vous Meilhan ? »
Il
répondit avec un fort accent : « Meilhan ! Si je le
connais ? C’est mon meilleur ami ! »
Et
à partir de là, l’assistance présente apprit que le jour de la foire avait été
l’occasion aux deux très bons amis de passer du temps ensemble. Ils avaient
dîné en tête-à-tête et étaient allés se promener. Sur la foire, le
capitaine avait fait l’acquisition de deux chapeaux. Ce fut en fin d’après-midi
qu’ils s’étaient séparés, la pluie commençant à tomber.
Malheureusement,
il y avait quelques petites variantes entre la première déposition du capitaine
et celle qu’il venait de faire. Le juge le lui fit remarquer, à quoi le témoin
répliqua : « ça, c’est
la mémoire !!! »
Un
petit faux-pas qui pouvait, cependant, avoir des conséquences sur le verdict
final........
Joseph
Sabatier, 68 ans, chapelier.
Le
jour de la foire de mai, il s’était rendu au débit de boisson Lescure et
n’avait pas vu Meilhan, par contre Lacoste était présent.
Alors, pourquoi Lacoste avait-il
dit avoir bu un verre avec Meilhan ?
L’audience
s’acheva sur le témoignage du chapelier.
Le
public quitta la salle d’audience avec toujours en tête ce qui venait d’être
dit et notamment « les maladies cachées » du sieur Lacoste.
-
Des dartres sur lesquelles il appliquait une pommade, non
identifiée.
-
Une hernie provoquant des maux de ventre et assurément également
des vomissements.
-
Les remèdes pris en secret et dont l’épouse ignorait tout.
Enfin,
toute sorte de questionnements propres à animer les conversations de la soirée
dans les nombreux foyers de la contrée.
[1] On
trouve également dans les divers documents consultés l’orthographe :
Lasenolle.
[2] Rien
dans le témoignage de cet homme sur la cause du martyr, mais il s’agissait
sûrement de la « stérilité présumée » de son épouse. Le voyage prévu
étant une cure.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de votre commentaire. Il sera lu avec attention.