jeudi 20 août 2020

NOUVELLE HISTOIRE VRAIE - CHAPITRE 2

 

 

Le Roman de Thérèse Laborde-Line – Turan

 

Thérèse Laborde-Line avait emménagé, depuis le mois d’avril 1914, dans un petit appartement au premier étage du 95 rue Patay, dans le  13ème arrondissement de Paris.

Elle se sentait bien seule.

Heureusement, elle pouvait toujours tailler une petite bavette avec la concierge de l’immeuble, madame Tréborel[1]. Il faut bien passer le temps…..

Il y avait aussi Madame Rozière, la gérante du dépôt de vin avec qui elle bavardait aussi de temps à autre.

Oui, mais tout cela n’y faisait rien, Thérèse Turan, veuve Laborde-Line souffrait de solitude.

 

Une veuve bien agréable et à la jolie tournure.

Ne disait-on pas d’elle, qu’elle portait bien son âge, malgré la cinquantaine approchante ?

Sa petite taille, ses cheveux bruns légèrement crêpés, son teint hâlé, son visage agréable et son corsage bien rempli faisaient que bien des hommes se retournaient sur son passage. 

Et puis, elle ne souhaitait pas, Thérèse, finir sa vie seule.

Ne pouvait-elle pas, encore à son âge, rendre un homme heureux ?

 

C’en était fini de cette solitude.

Depuis son installation à Paris, 72 rue des Gobelins, avec son fils,

Depuis le départ de son fils qui avait convolé le 19 février 1914, avec Adrienne Marie Louise Giroud, puis sa mutation à Nancy,

Et enfin, depuis son emménagement, dans le petit appartement  de la rue  Patay, elle avait fait le point sur sa vie et tout lui était revenu en mémoire, et cela depuis le jour de sa naissance.

 

Sa naissance !!! Elle avait vu le jour le 12 août 1868 à Chacornus, non loin de Buenos-Aires, en Argentine[2].

La mort de son père, le 7 septembre 1880 à Lay-Lamidou (Pyrénées Atlantique).

Son mariage avec Adrien Laborde-Line à Oleron-Sainte-Marie dans les Pyrénées, en juin 1886.

L’auberge familiale où il n’y avait aucun jour de repos.

La naissance de son petit, baptisé Vincent Laurent, dans  cette même auberge, le 22 octobre 1887. Un fils qu’elle n’avait pas vu grandir, tant la besogne était lourde.

Sa séparation d’avec Adrien, son époux et le décès de celui-ci[3].

Sa venue à Paris avec son fils et son installation rue des Gobelins. Ses multiples différends avec ce fils.

 

La vie était ainsi faite…

Avait-elle échoué dans cette vie ?

Elle ne pouvait le dire.

Un regret, assurément, celui d’avoir vu son fils partir au moment de la mobilisation générale d’août, sans avoir pu le serrer dans ses bras. Le voir, encore partir sous les drapeaux après avoir déjà effectué son service armé obligatoire d’octobre 1908 à septembre 1910, mais cette fois, face aux obus ennemis.

Le reverrait-elle ?

Si un malheur devait arriver, sa bru la préviendrait-elle ?

 

« Faut pas penser à tout ça, Madame Laborde, ça va vous ronger les sangs, lui répétait la concierge de l’immeuble. Y’a assez de malheur comme ça ! Et puis, vot’ fils, il est au télégraphe, il est pas en première ligne. »

 

Alors, comme  ses moyens fondaient comme neige au soleil, Thérèse Turan décida de chercher un emploi. Ce fut ainsi, qu’en consultant les annonces du « Petit Journal »,  son regard fut attiré par un petit encadré.

Un monsieur[4], esseulé lui aussi, chercher à rencontrer une dame……

« Pourquoi pas ! » pensa la veuve Laborde-line.

Elle répondit à l’annonce, courant mai, et début juin 1915, une rencontre, en tout bien tout honneur, fut programmée.

 

« C’est un monsieur très bien, sous tout rapport, affirma Thérèse Turan à sa concierge. J’ai l’impression d’avoir retrouvé mes vingt ans. Et prévenant avec ça, si vous saviez….. »

Et avec un sourire éclatant de bonheur, elle ajouta : « Nous allons nous mettre en ménage, en attendant les papiers que je dois demander en Argentine, pour que nous puissions nous marier. Nous allons nous installer dans une petite maison à la campagne. Je vous donnerai ma nouvelle adresse. »

 

Madame Tréborel s’étonna toutefois de cette précipitation et osa conseiller :

« Déjà ! Vous ne pensez pas que c’est un peu tôt, non ? »

 

Thérèse Turan, tout à son nouveau bonheur, haussa les épaules, pensant que cette réflexion n’était que jalousie de femme.

 

Et Thérèse Turan quitta son petit logement de la rue Patay. Le 15  juillet 1915, une voiture vint prendre tous ses meubles et effets.

Madame Rosière, dans son commerce de vin, fut étonnée que Thérèse ne fût pas venue la saluer avant son départ, elles avaient tant discuté de nombreuses fois.

« Les gens sont ainsi, pensa-t-elle, lorsqu’ils n’ont plus besoin de nous……. »

 

Vincent Laurent Laborde-Line trouva étrange de ne pas recevoir de réponse à ses lettres et de ne pas avoir eu un avis de réception de la somme de deux cents francs qu’il avait fait parvenir à sa mère, la sachant plus ou moins dans le besoin.

« Elle m’en veut encore », s’était-il dit avec une pointe de regret.

Et il ne chercha pas plus avant.

 

Le mystère du silence de Thérèse Laborde-Line, née Turan, depuis fin juin 1915, trouva son explication quelques année plus tard, au printemps 1919, dans la petite ville de Vernouillet.

 



[1] Dans certains journaux de l’époque la concierge de l’immeuble est aussi nommée : Thécharel…..

[2] Thérèse Turan avait vu le jour en Argentine. Je n’ai pu découvrir pourquoi ses parents, Jean Turan et Madeleine Laborde,  tous deux originaires du sud-ouest de la France, étaient allés dans ce pays. Avaient-ils émigrés comme beaucoup d’Européens à cette époque, espérant trouver en Amérique du Sud une vie meilleure ?

[3] Malgré des heures de recherches, je ne peux donner aucune information sur la date et le lieu du décès de Adrien Laborde-line.

[4] Aucun nom concernant le monsieur de cette annonce.

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