jeudi 13 août 2020

HISTOIRE VRAIE ........

 


Nouvelle Histoire vraie

Chapitre 1

 

Le Roman de Jeanne Jamast

 

Jeanne était aux anges. Jamais, elle n’aurait cru retrouver l’amour !!!

Etait-ce, enfin, la fin de tous ses soucis, de cette solitude qui lui pèsait tant ?

 

En ce mois de février 1914, il faisait un froid sec, mais le soleil, au rendez-vous, donnait envie de flâner. Jeanne avait laissé ses pas la guider vers le jardin du Luxembourg et là, s’était assise sur un banc.

Un monsieur, fort bien mis, lui avait demandé si cela la gênait qu’il s’assoit sur le   banc qu’elle occupait.

« Nullement ! avait-elle répondu et le monsieur distingué s’était alors installé et avait ouvert un journal qu’il parcourait nonchalamment. Enfin, il faisait semblant de lire tout en observant sa voisine.

La conversation ne mit pas longtemps à s’engager entre ces deux personnes assises sur le même banc.

 

« C’est un monsieur fort comme il faut et plein de charme, avait-elle expliqué, pleine d’enthousiasme, le soir même à sa sœur, Philomène. Il est commis des postes et n’a pas eu de chance dans la vie. Il est divorcé et a deux fillettes. Au fait, je ne t’ai pas encore dit son nom. Il se nomme Raymond Diard. »

Bien sûr, Philomène ne pouvait qu’être heureuse de voir sa sœur sourire de nouveau, elle l’avait tant vu pleurer !

 

Natives toutes deux de Fresne-en-Tardenois dans l’Aisne, leurs parents Pierre Henry, dit Remy, Jamast et Philomène Bernauche étant décédés, elles s’étaient rapprochées l’une de l’autre. Philomène, en sa qualité de « grande sœur », avait un regard protecteur sur sa cadette.

 

Entendant les deux jeunes femmes discuter, Georges Meyer-Friedman, l’époux de Philomène s’exclama :

«  Trop poli pour être honnête assurément, ce Raymond Diard !

-       Oh toi ! avait rétorqué Philomène, tu vois le mal partout. Moi, je suis certaine que c’est un honnête homme. Tu ne vas pas lui enlever ses espérances.

 

 

Jeanne Jamast avait vu le jour le 11 mai 1875 à Fresne-en-Tardenois.

Tout comme sa mère, Philomène Bernauche, elle était couturière.

Le 3 juin 1897, elle avait mis au monde un garçon, issu d’une liaison qu’elle avait eue  avec Marie Martial Jules Cuchet.

La naissance du bébé fut déclarée à la mairie de Paris 4ème arrondissement par Marie Bernheim, la sage-femme ayant aidé à la naissance, au domicile de la jeune maman, 51 rue Saint-Louis à Paris.

L’enfant ne fut reconnu par ses parents que le 31 octobre 1898 et légitimé par mariage le 12 mars 1904.

En effet, à cette date, Marie Martial Jules Cuchet, né le 22 juin 1864 à Limoges dans la Haute-Vienne, voyageur de commerce demeurant 115, rue Lafayette à Paris et Jeanne Jamast avaient convolé en justes noces.

Un bonheur bien bref, puisque en 1910[1], Marie Martial Jules Cuchet décéda, laissant esseulée la jeune veuve dont le fils n’avait que treize ans.

La vie avait continué….. Jeanne Jamast n’avait pas eu d’autre choix que de faire face. Une seule consolation, son fils, Georges Antoine, dit André, un brave garçon qui en ce début d’année 1914 travaillait comme commis-vendeur en lingerie.

Bien sûr, elle n’était pas sans ressource, car elle possédait une clientèle fidèle, ainsi qu’un petit pécule d’économie d’un montant de 5 000 francs.

 

 

Malgré les mises en garde et les réticences de son beau-frère, Jeanne Jamast, veuve Cuchet, poursuivit sa relation avec le nommé Raymond Diard. Celui-ci loua alors une petite maison, près de Chantilly, à La-Chaussée-Gouvieux. Une date pour le mariage fut fixée.

Mais les projets se virent bousculer en raison de la déclaration de guerre en août 1914.

 

Ce fut quelque temps plus tard que Raymond Diard dut s’absenter, sans en préciser la raison. Mais  où se trouvait-il[2] ?

Jeanne en profita pour faire un peu de rangement et dans une malle appartenant à son futur, elle découvrit l’inconcevable.

 

Des papiers et des carnets. Un livret de famille sans aucune mention de divorce.

Raymond Diard …… ce n’était même pas son nom !!!

Et puis des courriers de femmes……. Des lettres enflammées. Il avait donc des maîtresses !!

Et par-dessus tout cela, une autre déception….. elle  s’aperçut que celui qu’elle croyait sincère et honnête avait vider tous ses comptes. En totalité 5 000 francs. Toutes ses économies !!

Tous ses rêves de bonheur retrouvés tombaient d’un seul coup !

 

Jeanne Jamast prit ses affaires et s’en retourna vivre chez sa sœur.

Il n’était plus question qu’elle restât un instant de plus dans cette maison qu’elle pensait être celle « du bonheur retrouvé ».

 

Devant la mine déconfite et les larmes de sa belle-sœur, Georges Meyer-Friedman ne se priva pas de railler :

« Je t’avais prévenue ! Trop gentil pour être honnête ! Maintenant, il ne te reste plus que tes yeux pour pleurer ! Ah, les femmes et leurs désirs d’amour ! Tu as tiré le gros lot assurément ! Un escroc ! Un aigrefin ! Une chance, il aurait pu te tuer……. »

Jeanne Jamast avait compris. Délestée de tout son argent, elle se méfierait, à l’avenir, ça elle pouvait le jurer !

 

 

Mais Jeanne Jamast ne voulait pas en rester là. Elle voulait comprendre.

Aussi commença-t-elle à suivre celui qui était pour elle, Raymond Diard.

Jeanne manqua-t-elle de discrétion ? Assurément.

Pour ne pas être pris au dépourvu, le sieur Diard se présenta de lui-même au domicile de son ex-conquête, en fait celui des Meyer-Friedman, après avoir échafaudé une histoire vraisemblable le faisant passer, lui, pour la victime.

 

Oui, il n’était pas encore divorcé….un mensonge pour ne pas  l’effrayer….. Le divorce ne devrait pas tarder, encore quelques semaines de patience.

Et ça avait marché, car après une colère bien  légitime en raison des événements, Jeanne céda.

D’autant plus que quelques jours plus tard, cet homme, fort habile, revint, et cette fois, accompagné de deux fillettes âgées de dix et onze ans[3].

Ses filles. Ses amours !!!

 

Comment résister aux excuses enjôleuses ?

Comment ne pas poser un regard aimant sur les deux charmantes fillettes ?

 

Et l’idylle reprit de plus bel, et afin de prouver sa sincérité, en décembre 1914, Raymond Diard loua une maison, à Vernouillet, sous le nom de « Cuchet ».

Seule condition, et pas des moindres, Jeanne devait couper définitivement les ponts avec sa sœur et son beau-frère.

« Tu comprends, avait-il expliqué à Jeanne, ils ne m’aiment pas et cette animosité rejaillira sur le bonheur de notre foyer ! »

Bah voyons !!!!

 

Pour visiter le futur nid d’amour, accompagné de Jeanne et de son fils, ce fut en train que Raymond Diard se rendit à Vernouillet……..

Ce dernier épisode concernant Jeanne Jamast, veuve Cuchet, se passa un samedi de février 1915, dans cette ville…..

La jeune femme et son fils  disparurent ce jour-là…….

 

Le lundi suivant, ce fut seul que Raymond Diard revint à Paris où il ne tarda pas à négocier des titres et déposer les meubles de la veuve Cuchet dans un entrepôt de Clichy[4].

 

 

Un peu plus tard, en 1915, cet homme, Raymond Diard, plus que louche, devint, sous le nom de Lucien Frémyet, locataire d’un appartement non loin de la gare de l’Est à Paris.

 



[1] Cette date apparait sur divers documents, mais aucune confirmation du jour, du mois et voire de l’année. Mes recherches  sur Paris et Limoges se sont révélées infructueuses.

[2] Cet homme, que nous appelleront donc Diard,  n’en étant pas à sa première escroquerie dut répondre à quinze plaintes. Quinze plaintes pour  la somme de 35 600 francs ! Mazette !!

Il fut alors condamné à quarante-huit mois de prison par défaut et mille francs d’amende.

Peine de prison qu’il ne fit pas…

[3] Encore une manigance. Le soi-disant père avait « emprunté » les deux fillettes. A qui ? Comment ? Pour quelle rémunération ?

[4] La totalité des meubles fut retrouvée en 1919.

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