Nouvelle Histoire vraie
Chapitre 1
Le Roman de Jeanne Jamast
Jeanne était aux anges. Jamais, elle
n’aurait cru retrouver l’amour !!!
Etait-ce, enfin, la fin de tous ses
soucis, de cette solitude qui lui pèsait tant ?
En ce mois de février 1914, il faisait
un froid sec, mais le soleil, au rendez-vous, donnait envie de flâner. Jeanne
avait laissé ses pas la guider vers le jardin du Luxembourg et là, s’était
assise sur un banc.
Un monsieur, fort bien mis, lui avait
demandé si cela la gênait qu’il s’assoit sur le banc qu’elle occupait.
« Nullement ! avait-elle répondu et le monsieur distingué s’était alors installé et avait ouvert un journal qu’il parcourait nonchalamment. Enfin, il faisait semblant de lire tout en observant sa voisine.
La conversation ne mit pas longtemps à
s’engager entre ces deux personnes assises sur le même banc.
« C’est un monsieur fort comme il
faut et plein de charme, avait-elle expliqué, pleine d’enthousiasme, le soir
même à sa sœur, Philomène. Il est commis des postes et n’a pas eu de chance
dans la vie. Il est divorcé et a deux fillettes. Au fait, je ne t’ai pas encore
dit son nom. Il se nomme Raymond Diard. »
Bien sûr, Philomène ne pouvait qu’être
heureuse de voir sa sœur sourire de nouveau, elle l’avait tant vu
pleurer !
Natives toutes deux de
Fresne-en-Tardenois dans l’Aisne, leurs parents Pierre Henry, dit Remy, Jamast
et Philomène Bernauche étant décédés, elles s’étaient rapprochées l’une de
l’autre. Philomène, en sa qualité de « grande sœur », avait un regard
protecteur sur sa cadette.
Entendant les deux jeunes femmes
discuter, Georges Meyer-Friedman, l’époux de Philomène s’exclama :
« Trop poli pour être honnête assurément, ce Raymond Diard !
- Oh
toi ! avait rétorqué Philomène, tu vois le mal partout. Moi, je suis
certaine que c’est un honnête homme. Tu ne vas pas lui enlever ses espérances.
Jeanne Jamast avait vu le jour le 11 mai
1875 à Fresne-en-Tardenois.
Tout comme sa mère, Philomène Bernauche,
elle était couturière.
Le 3 juin 1897, elle avait mis au monde
un garçon, issu d’une liaison qu’elle avait eue avec Marie Martial Jules Cuchet.
La naissance du bébé fut déclarée à la mairie de Paris 4ème arrondissement par Marie Bernheim, la sage-femme ayant aidé à la naissance, au domicile de la jeune maman, 51 rue Saint-Louis à Paris.
L’enfant ne fut reconnu par ses parents
que le 31 octobre 1898 et légitimé par mariage le 12 mars 1904.
En effet, à cette date, Marie Martial
Jules Cuchet, né le 22 juin 1864 à Limoges dans la Haute-Vienne, voyageur de
commerce demeurant 115, rue Lafayette à Paris et Jeanne Jamast avaient convolé
en justes noces.
Un bonheur bien bref, puisque en 1910[1], Marie Martial Jules
Cuchet décéda, laissant esseulée la jeune veuve dont le fils n’avait que treize
ans.
La vie avait continué….. Jeanne Jamast
n’avait pas eu d’autre choix que de faire face. Une seule consolation, son
fils, Georges Antoine, dit André, un brave garçon qui en ce début d’année 1914
travaillait comme commis-vendeur en lingerie.
Bien sûr, elle n’était pas sans
ressource, car elle possédait une clientèle fidèle, ainsi qu’un petit pécule
d’économie d’un montant de 5 000 francs.
Malgré les mises en garde et les
réticences de son beau-frère, Jeanne Jamast, veuve Cuchet, poursuivit sa relation
avec le nommé Raymond Diard. Celui-ci loua alors une petite maison, près de
Chantilly, à La-Chaussée-Gouvieux. Une date pour le mariage fut fixée.
Mais les projets se virent bousculer en
raison de la déclaration de guerre en août 1914.
Ce fut quelque temps plus tard que Raymond
Diard dut s’absenter, sans en préciser la raison. Mais où se trouvait-il[2] ?
Jeanne en profita pour faire un peu de
rangement et dans une malle appartenant à son futur, elle découvrit
l’inconcevable.
Des papiers et des carnets. Un livret de
famille sans aucune mention de divorce.
Raymond Diard …… ce n’était même pas son
nom !!!
Et puis des courriers de femmes……. Des
lettres enflammées. Il avait donc des maîtresses !!
Et par-dessus tout cela, une autre
déception….. elle s’aperçut que celui
qu’elle croyait sincère et honnête avait vider tous ses comptes. En totalité
5 000 francs. Toutes ses économies !!
Tous ses rêves de bonheur retrouvés tombaient
d’un seul coup !
Jeanne Jamast prit ses affaires et s’en
retourna vivre chez sa sœur.
Il n’était plus question qu’elle restât
un instant de plus dans cette maison qu’elle pensait être celle « du
bonheur retrouvé ».
Devant la mine déconfite et les larmes
de sa belle-sœur, Georges Meyer-Friedman ne se priva pas de railler :
« Je t’avais prévenue ! Trop
gentil pour être honnête ! Maintenant, il ne te reste plus que tes yeux
pour pleurer ! Ah, les femmes et leurs désirs d’amour ! Tu as tiré le
gros lot assurément ! Un escroc ! Un aigrefin ! Une chance,
il aurait pu te tuer……. »
Jeanne Jamast avait compris. Délestée de
tout son argent, elle se méfierait, à l’avenir, ça elle pouvait le jurer !
Mais Jeanne Jamast ne voulait pas en
rester là. Elle voulait comprendre.
Aussi commença-t-elle à suivre celui qui
était pour elle, Raymond Diard.
Jeanne manqua-t-elle de
discrétion ? Assurément.
Pour ne pas être pris au dépourvu, le
sieur Diard se présenta de lui-même au domicile de son ex-conquête, en fait
celui des Meyer-Friedman, après avoir échafaudé une histoire vraisemblable le
faisant passer, lui, pour la victime.
Oui, il n’était pas encore divorcé….un
mensonge pour ne pas l’effrayer….. Le
divorce ne devrait pas tarder, encore quelques semaines de patience.
Et ça avait marché, car après une colère
bien légitime en raison des événements,
Jeanne céda.
D’autant plus que quelques jours plus
tard, cet homme, fort habile, revint, et cette fois, accompagné de deux
fillettes âgées de dix et onze ans[3].
Ses filles. Ses amours !!!
Comment résister aux excuses enjôleuses
?
Comment ne pas poser un regard aimant sur
les deux charmantes fillettes ?
Et l’idylle reprit de plus bel, et afin
de prouver sa sincérité, en décembre 1914, Raymond Diard loua une maison, à
Vernouillet, sous le nom de « Cuchet ».
Seule condition, et pas des moindres,
Jeanne devait couper définitivement les ponts avec sa sœur et son beau-frère.
« Tu comprends, avait-il expliqué à
Jeanne, ils ne m’aiment pas et cette animosité rejaillira sur le bonheur de
notre foyer ! »
Bah voyons !!!!
Pour visiter le futur nid d’amour,
accompagné de Jeanne et de son fils, ce fut en train que Raymond Diard se
rendit à Vernouillet……..
Ce dernier épisode concernant Jeanne
Jamast, veuve Cuchet, se passa un samedi de février 1915, dans cette ville…..
La jeune femme et son fils disparurent ce jour-là…….
Le lundi suivant, ce fut seul que
Raymond Diard revint à Paris où il ne tarda pas à négocier des titres et
déposer les meubles de la veuve Cuchet dans un entrepôt de Clichy[4].
Un peu plus tard, en 1915, cet homme,
Raymond Diard, plus que louche, devint, sous le nom de Lucien Frémyet, locataire
d’un appartement non loin de la gare de l’Est à Paris.
[1] Cette date apparait sur divers documents, mais aucune confirmation du jour, du mois et voire de l’année. Mes recherches sur Paris et Limoges se sont révélées infructueuses.
[2] Cet homme, que nous appelleront donc Diard,
n’en étant pas à sa première escroquerie dut répondre à quinze plaintes.
Quinze plaintes pour la somme de
35 600 francs ! Mazette !!
Il fut alors condamné à quarante-huit
mois de prison par défaut et mille francs d’amende.
Peine de prison qu’il ne fit pas…
[3] Encore une manigance. Le soi-disant père avait « emprunté » les deux fillettes. A qui ? Comment ? Pour quelle rémunération ?
[4] La totalité des meubles fut retrouvée en 1919.
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