Chapitre 5
Les loups qui ont fait parler d’eux.......
A la Chandeleur, l’hiver passe ou prend vigueur
A la Chandeleur, grandes douleurs
En effet, depuis les temps
anciens, très anciens, chacun sait qu’à partir du 2 février surviennent,
d’ordinaire, les froids les plus vifs et les plus cruels de l’année.
Ce fut le cas pendant cette longue
période de la Guerre de cent ans qui a duré en réalité cent-seize-années de
conflits, guérillas, échauffourées, embuscades et batailles acharnées, mettant
face à face de 1337 à 1453, les armées françaises et anglaises. Epoque guerrière
entrecoupée de périodes de paix, parfois toute relatives car elles n’excluaient
pas le pillage des villages par quelques soldats revanchards et imbibés
d’alcool.
Le peuple, en raison des guerres
était accablé d’impôts. Les vivres manquaient en raison des fortes chaleurs,
l’été, et du froid intensif, l’hiver, mais aussi en raison des troupes qui
chevauchaient à travers champs, dévastant les cultures.
Le froid était tellement intense
qui le vin gelait dans les tonneaux. Il fallait casser l’eau des mares pour
abreuver le bétail, et les fleuves et ruisseaux charriaient d’énormes glaçons.
Comme un malheur ne vient jamais
seul, la famine, la misère et les épidémies s’ajoutèrent au tableau déjà
catastrophique de la météo et des conflits armés.
L’hiver 1438-1439 fut un des plus
terribles. La ville de Paris était prise dans un étau de glace. La capitale, en
ce temps-là, était cernée d’une banlieue de champs et de bois où vivaient des
malfrats et des miséreux. Les bois regorgeaient d’ordinaire de petits gibiers,
mais les grands froids les avaient décimés, ce qui n’était pas l’affaire des
loups qui se voyaient privés de nourriture. Les hurlements de ces carnivores
résonnaient dans la nuit, et il n’était pas rare de voir une ombre au coin
d’une rue..... Loups ? Chiens errants ?
La faim fait sortir les loups du
bois, disait le proverbe.
Aussitôt, les peurs ancestrales
resurgirent, aux cris de : « Les loups ont envahi la
ville !! »
Une peur irraisonnée qui fut
alimentée par un fait atroce.
En effet, les loups affamés
s’étaient introduits dans Paris par les brèches des remparts de la ville
laissés à l’abandon faute d’argent.
Une meute commandée par un grand
mâle vigoureux et audacieux, aux énormes canines. Ce loup, facile à reconnaître
en raison de l’absence de sa queue, perdue, sans doute, dans un piège ou au
cours d’un combat, avait reçu, en raison de cette particularité, le surnom de « Courtaud ».
La meute s’attaqua d’abord aux
chiens divaguant dans les rues, jusqu’au jour où elle s’acharna sur un enfant,
le déchiquetant effroyablement. Cette scène tragique se passa près des halles,
en décembre 1438.
La colère grondait.
La panique augmentait.
Les loups, à présent,
connaissaient bien la ville et ses recoins. Bien malin celui qui voulait les
débusquer.[1]
Un pauvre forgeron, père de quatre enfants, vivait à Paris. En raison de la prime promise pour tuer Courtaud, l’homme s’arma d’une hache et d’un couteau et, dans le froid et la neige, partit à sa recherche.
Il le trouva. Le chasseur occasionnel
voulait la peau du Loup. Le loup souhaitait garder sa peau.
Un corps-à-corps eut lieu,
terrible, effroyable.
Le forgeron triompha, mais fut
atrocement blessé par la bête.
Il avait vaincu et ramena
fièrement son trophée qui lui valut une besace remplie de monnaie.
Son acte téméraire lui permit de
nourrir sa famille.
Voilà ce qui s’est raconté... qui
se raconte encore aujourd’hui.
Fable ? Réalité ?
Ceux qui pourraient en témoigner
ne sont plus depuis bien longtemps.
Disons que dans chaque fable se
trouve un peu de réalité.
Selon la rumeur de l’époque, le
calme ne fut pas rétabli pour autant le 10 novembre 1439, jour de la mort de
Courtaud.
La meute de loups vagabondait
toujours la nuit dans les rues jusqu’au centre de la cité.
Plusieurs hommes courageux
décidèrent d’en finir avec ces bêtes diaboliques. Une battue fut alors menée
pour les rassembler à un endroit précis d’où ils ne pourraient s’échapper. Ce
fut sur le parvis de la Cathédrale Notre-Dame que se jouèrent les dernières
heures de la vie de la meute meurtrière qui fut massacrée à coups de pierres.
La voix du veilleur de nuit put
reprendre, dans le calme revenu :
« Tout va bien, bonnes gens,
dormez en paix. »
Si la peur de Courtaud disparut
rapidement, son nom resta dans les mémoires, notamment lorsque l’on croisait
quelqu’un s’éloignant de la ville.
En effet, en guise d’au-revoir, on
lançait à celui qui prenait la route :
« Garde-toi de
Courtaud ! »
Mise-en-garde ?
Clin d’œil humoristique ?
Va savoir !!
Les mères, elles-mêmes, se
servaient de Courtaud, le dévoreur d’enfants, comme du croque-mitaine, menaçant
leur progéniture en ces termes :
« Soyez sages ou j’appelle
Courtaud ! »
De tout temps, les mères eurent
recours à bien des stratagèmes pour se faire obéir.
Rien n’a changé aujourd’hui, si ce
n’est que les enfants, dans les villes modernes, ne craignent plus de
rencontrer un loup !!
[1] Septembre 1439, les loups firent
14 victimes dans la capitale, entre Montmartre et la Porte Saint-Antoine.
En décembre de la même année, une dizaine de femme fut tuée.
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