mercredi 3 mars 2021

HISTOIRE VRAIE – LA MAUVAISE REPUTATION DU LOUP

 

Chapitre 5

 

Les loups qui ont fait parler d’eux.......

 Paris en l’hiver 1438

 

A la Chandeleur, l’hiver passe ou prend vigueur

A la Chandeleur, grandes douleurs

 

En effet, depuis les temps anciens, très anciens, chacun sait qu’à partir du 2 février surviennent, d’ordinaire, les froids les plus vifs et les plus cruels de l’année.

Ce fut le cas pendant cette longue période de la Guerre de cent ans qui a duré en réalité cent-seize-années de conflits, guérillas, échauffourées, embuscades et batailles acharnées, mettant face à face de 1337 à 1453, les armées françaises et anglaises. Epoque guerrière entrecoupée de périodes de paix, parfois toute relatives car elles n’excluaient pas le pillage des villages par quelques soldats revanchards et imbibés d’alcool.

 

Le peuple, en raison des guerres était accablé d’impôts. Les vivres manquaient en raison des fortes chaleurs, l’été, et du froid intensif, l’hiver, mais aussi en raison des troupes qui chevauchaient à travers champs, dévastant les cultures.

Le froid était tellement intense qui le vin gelait dans les tonneaux. Il fallait casser l’eau des mares pour abreuver le bétail, et les fleuves et ruisseaux charriaient d’énormes glaçons.

Comme un malheur ne vient jamais seul, la famine, la misère et les épidémies s’ajoutèrent au tableau déjà catastrophique de la météo et des conflits armés.

L’hiver 1438-1439 fut un des plus terribles. La ville de Paris était prise dans un étau de glace. La capitale, en ce temps-là, était cernée d’une banlieue de champs et de bois où vivaient des malfrats et des miséreux. Les bois regorgeaient d’ordinaire de petits gibiers, mais les grands froids les avaient décimés, ce qui n’était pas l’affaire des loups qui se voyaient privés de nourriture. Les hurlements de ces carnivores résonnaient dans la nuit, et il n’était pas rare de voir une ombre au coin d’une rue..... Loups ? Chiens errants ?

 

La faim fait sortir les loups du bois, disait le proverbe.

Aussitôt, les peurs ancestrales resurgirent, aux cris de : « Les loups ont envahi la ville !! »

 

Une peur irraisonnée qui fut alimentée par un fait atroce.

 

En effet, les loups affamés s’étaient introduits dans Paris par les brèches des remparts de la ville laissés à l’abandon faute d’argent.

Une meute commandée par un grand mâle vigoureux et audacieux, aux énormes canines. Ce loup, facile à reconnaître en raison de l’absence de sa queue, perdue, sans doute, dans un piège ou au cours d’un combat, avait reçu, en raison de cette particularité, le surnom  de « Courtaud ».

 

La meute s’attaqua d’abord aux chiens divaguant dans les rues, jusqu’au jour où elle s’acharna sur un enfant, le déchiquetant effroyablement. Cette scène tragique se passa près des halles, en décembre 1438.

La colère grondait.

La panique augmentait.

Les loups, à présent, connaissaient bien la ville et ses recoins. Bien malin celui qui voulait les débusquer.[1]

 

Un pauvre forgeron, père de quatre enfants, vivait à Paris. En raison de la prime promise pour tuer Courtaud, l’homme s’arma d’une hache et d’un couteau et, dans le froid et la neige, partit à sa recherche.

Il le trouva. Le chasseur occasionnel voulait la peau du Loup. Le loup souhaitait garder sa peau.

Un corps-à-corps eut lieu, terrible, effroyable.

Le forgeron triompha, mais fut atrocement blessé par la bête.

Il avait vaincu et ramena fièrement son trophée qui lui valut une besace remplie de monnaie.

Son acte téméraire lui permit de nourrir sa famille.

Voilà ce qui s’est raconté... qui se raconte encore aujourd’hui.

Fable ? Réalité ?

Ceux qui pourraient en témoigner ne sont plus depuis bien longtemps.

Disons que dans chaque fable se trouve un peu de réalité.

 

Selon la rumeur de l’époque, le calme ne fut pas rétabli pour autant le 10 novembre 1439, jour de la mort de Courtaud.

La meute de loups vagabondait toujours la nuit dans les rues jusqu’au centre de la cité.

Plusieurs hommes courageux décidèrent d’en finir avec ces bêtes diaboliques. Une battue fut alors menée pour les rassembler à un endroit précis d’où ils ne pourraient s’échapper. Ce fut sur le parvis de la Cathédrale Notre-Dame que se jouèrent les dernières heures de la vie de la meute meurtrière qui fut massacrée à coups de pierres.

 

La voix du veilleur de nuit put reprendre, dans le calme revenu :

« Tout va bien, bonnes gens, dormez en paix. »

 

Si la peur de Courtaud disparut rapidement, son nom resta dans les mémoires, notamment lorsque l’on croisait quelqu’un s’éloignant de la ville.

En effet, en guise d’au-revoir, on lançait à celui qui prenait la route :

« Garde-toi de Courtaud ! »

 

Mise-en-garde ?

Clin d’œil humoristique ?

Va savoir !!

 

Les mères, elles-mêmes, se servaient de Courtaud, le dévoreur d’enfants, comme du croque-mitaine, menaçant leur progéniture en ces termes :

«  Soyez sages ou j’appelle Courtaud ! »

 

De tout temps, les mères eurent recours à bien des stratagèmes pour se faire obéir.

Rien n’a changé aujourd’hui, si ce n’est que les enfants, dans les villes modernes, ne craignent plus de rencontrer un loup !!



[1] Septembre 1439, les loups firent 14 victimes dans la capitale, entre Montmartre et la Porte Saint-Antoine.

En décembre de la même année, une dizaine de femme fut tuée.

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