mercredi 12 juillet 2023

La destinée de Charles Nicolas Valentin Chauvet - Septième partie

 


Aussitôt le jugement aboutissant à sa condamnation à la peine de mort, Marie Éloïse Chauvet demanda audience aux magistrats.

Pour quelle raison ?

Pour préciser que, bien évidemment, elle avait mis le poison dans la nourriture de son père, mais qu’elle ne l’aurait pas fait, si son époux Alexandre Frédéric Brard, ne lui avait pas procuré les dits poisons, à savoir, l’acide chlorhydrique et l’arsenic.

 

De ce fait, cet époux n’avait-il donc pas été la main armée de ce meurtre ?

N’était-il pas complice de ce parricide ?

 

Ce revirement était-il une manœuvre demandée par son avocat ?

 

Et voilà, en ce 28 février 1877, Alexandre Frédéric Brard assis sur le banc des accusés de la cour d’assises de Rouen, face à ses juges.

Brun et de haute stature, il avait une attitude humble et modeste et un regard vif et expressif. Il répondit aux questions d’une voix claire.

 

Alexandre Brard expliqua  qu’il avait épousé Marie Éloïse Chauvet le 16 mai 1870 et qu’il vivait en bonne intelligence avec son beau-père. Il ne cacha pas que l’argent manquait souvent dans son foyer et que son épouse attendait le décès de son père afin de pouvoir hériter.

Elle évoquait souvent cette disparition qui tardait à venir et pensait, de ce fait, à donner un petit coup de pouce au destin.

Il avoua s’être lui-même procurer les deux poisons, mais sans croire que son épouse pourrait s’en servir.

« Ils étaient là, en haut d’un placard. J’ les avais apportés pour avoir la paix, mais je ne pensais pas que Marie s’en servirait. Pour moi, c’était paroles en l’air.

-          Pourtant, vous avez demandé à plusieurs personnes de se charger de faire disparaître votre beau-père. Des témoins l’ont confirmé, comme M. Michel[1]... qui tient le Mont-de-Pitié où vous laissiez régulièrement divers objets en gage. Votre femme avait aussi contacté un de vos cousins éloignés, vivant à Fontaine-le-Bourg, lui proposant de l’argent pour faire le coup.

-          Je pensais que tout cela était paroles en l’air..... j’ voulais la paix, que les plaintes de ma femme s’arrêtent. J’ voulais qu’elle se taise et j’ pensais qu’avec les poisons, là, à portée de main.....

-          Mais sans le poison que vous avez apporté dans votre maison, ce désir de voir disparaître Monsieur Chauvet père ne serait resté que paroles à l’air, justement....

 

Louise Julien, la dernière fille de Marie Éloïse Chauvet, belle-fille de l’accusé, vint témoigner à la barre, elle dit simplement :

« Le père Chauvet, il était pas toujours de bonne humeur. La femme Brard ne l’aimait pas et souhaitait sa mort. C’est elle qui menait le ménage !»

 

Un témoignage bref dont les paroles révélèrent un total détachement vis-à-vis de son grand-père et aussi de sa mère qu’elle nomma « femme Brard ». La dernière phrase « c’est elle qui menait le ménage » n’était-elle pas une manière d’innocenter son beau-père qui face à sa mère n’avait pas droit au chapitre ?

Montrait-elle aussi, Louise, que le ménage de sa mère et son beau-père n’allait pas vraiment bien ?

 

Monsieur Chrétien, substitut du procureur général, réclama au jury une condamnation exemplaire.

Maître Henri Vermont, avocat de l’accusé, plaida l’acquittement.

Chacun sa mission.

 

Alexandre Frédéric Brard fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.

 

-=-=-=-=-=-

 

Deux documents donnent quelques renseignements supplémentaires concernant Alexandre Brard :

·         la fiche individuelle du registre d’écrou de Rouen

·         la fiche de bagne

 

Commençons pas la fiche du registre d’écrou. Elle nous apprend :

 

Brard Alexandre Frédéric

Fils de Victor et Clémence Ancourt

Né le 3 janvier 1841

Domicilié à Déville-lès-Rouen

Charpentier

37 ans – 1 m 73 – cheveux châtain – front découvert – yeux gris.

Une tache de rousseur sur le nez – une cicatrice annulaire de la main droite – une cicatrice poignet gauche.

 

Entré le 25 janvier 1877.

Ce jour-là, il était vêtu de :

Un chapeau de soie – un pardessus en drap bleu – un gilet de velours noir pointillé de vert – un pantalon de drap gris – une chemise en toile - une cravate noire – des bottes.

 

Il est noté que le 25 janvier 1877, il avait été remis par le sieur Pinguet, gendarme.

« Remis », comme un objet....

 

Puis les mentions suivantes :

Accusé d’empoisonnement.

Condamné le 28 février par arrêt de la cour d’assises 76 aux travaux forcés à perpétuité.

Transféré à la prison de Rouen.

 

Prenons connaissance de la fiche de bagne, à présent :

 

Condamné au bagne en Nouvelle-Calédonie.

Embarqué sur le Navarin en octobre 1877.

Matricule 9512

 

Brard Alexandre Frédéric

Ecroué n° 3651

Fils de Simon Victor et Clémence Marie Rose Hancourt

Né à Mesnil-Panneville (76), le 8 janvier 1841

36 ans

Domicilié à Déville-lès-Rouen

Charpentier

Condamné le 28 février 1877 par les assises de Rouen pour complicité d’empoisonnement aux travaux forcés à perpétuité.

Rejet au pourvoi le 23 mai 1877

Ecroué le 11 avril 1877

 

Autres mentions :

1 m 75 – cheveux bruns – yeux gris – visage ovale – teint frais.

Signe sur la joue gauche et sur la droite – une cicatrice au-dessous du téton gauche – une grande cicatrice sur le bras droit.

Marié à Héloïse Chauvet

Catholique.

Illettré.

 

 

En ce qui concerne l’état-civil, ce n’est pas très rigoureux.

Peu précis également la taille du condamné.

Quant aux signes particuliers, ils ne sont absolument pas identiques.

Alexandre Brard avait donc fait appel, puisqu’il y avait eu « rejet au pourvoi ».

 

Dernier renseignement concernant Alexandre Frédéric Brard :

Décédé le 18 janvier 1899.

 

 

 

 



[1] Dans le compte-rendu du procès du Journal de Rouen, il n’est mentionné que le prénom « Michel », sans nom de famille.

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