Cela faisait combien de temps déjà ? Un an, deux ans ?
Pourtant, cela avait fait grand bruit
à l’époque !
Oui, cela devait faire deux années,
déjà ! Le temps passait si
vite !
Au fil du temps, sans résultat, les
recherches furent interrompues. Non que l’on était devenu indifférent à cette
étrange disparition, mais à quoi servait de repasser sans cesse aux mêmes
endroits, déjà minutieusement inspectés ?
Régulièrement, le nom de Pierre
Lefebvre revenait au fil des conversations, car cet ancien cantonnier était
très estimé de tous.
Chacun y allait à plaisanter, car
c’était bien là, selon leur humour un peu noir, un moyen radical de se débarrasser d’une personne encombrante.
« Hop, par-dessus bord, ni vu, ni
connu ! »
Penchés au-dessus de la margelle au
ras du sol, ils ne purent, tout d’abord, rien voir. Le fond du puits plongé
dans une obscurité intense ne voulait rien dévoiler. Leurs yeux s’habituant peu
à peu, ils distinguèrent ombres et formes.
« Et si il y avait un
trésor ? dit Botte qui se voyait ainsi devenir riche.
— Endroit idéal pour le dissimuler, confirma Lequeu, mais peu facile d’accès pour prélever
de quoi faire les achats au marché chaque semaine.
Tout à coup, Gibout qui avait gardé le
silence jusque-là, s’écria :
— Un
crâne ? répliquèrent étonnés les deux autres qui auraient nettement
préféré que leur compagnon ait aperçu un coffret au couvercle relevé laissant
apparaître des pièces de monnaie.
Il n’était alors pas question de
prendre quelque initiative avant de descendre à la ville pour prévenir le
maire, Jean Louis Lambert. Celui-ci, averti, se rendit sur place, mais
souhaita, l’affaire étant d’importance, en rendre compte au commissaire de
police et au procureur du roi.
Toutes les autorisations juridiques en
mains, les nommés Gibout, Botté et Lequeu, s’entourant de toutes les
précautions nécessaires à leur sécurité, installèrent poulie et chèvre de
cordages pour descendre, mais surtout pour remonter, puis une nacelle dans
laquelle un des trois hommes prit place tandis que les deux autres actionnaient
le système.
Grâce à leur audace et leur
ingéniosité, il put être mis au jour, comme indiqué dans le procès verbal :
« Plusieurs
os d’un cadavre, une tête et une mâchoire et différents effets tels que, une
paire de sabots, deux boutons d’un gilet avec quelques morceaux de celui-ci,
couleur rouge, une cravate de soie, un morceau de bonnet de laine gris où il
existait encore des cheveux châtains un peu rouge, plusieurs morceaux de grosse
toile qui paraissent être le reste d’une culotte et d’une blaude, d’autres
morceaux de toile moins grosse que l’on suppose être d’une chemise.»
Cela éclaircirait l’énigme de sa
disparition.
En effet, certains qui l’avaient bien
connu identifièrent dans les morceaux de tissus, les vêtements portés par le
pauvre cantonnier. Cette constatation établie, il n’y eut plus aucun doute,
Pierre Lefevre venait d’être enfin retrouvé après deux années.
Le 12 septembre 1834, un procès-verbal
fut alors établi en bonne et due forme, en présence de monsieur le Procureur du
Roi, monsieur le Maire de la ville de Louviers, monsieur Levigneux, Maréchal
des logis de la gendarmerie, du sieur Gasse, gendarme et d’un grand nombre
d’habitants de la ville dont Ferrand, Gibout, Botté et Picard. Tous signèrent
le document.
Les ossements du pauvre homme furent
ensevelis, au cimetière, après un moment de recueillement.
Pierre Lefevre, sans plus de renseignements pour faire un peu plus connaissance avec ce que tu as été, tu resteras immortalisé, ainsi que ta profession, dans les paroles et la musique de cette chanson populaire, attachée à la ville : « Sur la route de Louviers. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de votre commentaire. Il sera lu avec attention.