Sœur Saint-Barthélemy, devant les deux hommes à l’attitude fort peu amène, chercha à fuir en se réfugiant dans la buanderie, mais ils la suivirent.
Semelaigne
tendit une lettre à la carmélite qui lui prit des mains en le suppliant :
« Laissez-moi ! »
Mais,
en lui montrant le couteau qu’il tenait dans sa main, Semelaigne
répliqua :
« Si
tu t’en vas, je te tue ! »
Le
couteau brillait dans la main du malfaiteur.
Cette
arme n’avait-elle pas été affûtée dans la matinée par un rémouleur rencontré
sur le chemin ?
Ainsi
remis à neuf, le couteau s’avérerait être d’une grande efficacité.
Tremblante,
sœur Saint-Barthélemy, vit par la petite fenêtre de la buanderie approchée sœur
Saint-Joseph qui inquiète de son absence prolongée venait à sa rencontre.
Désirant la prévenir du danger, elle lui fit un signe qui, malheureusement, ne
fut pas compris.
Lorsque
sœur Saint-Joseph arriva près de la porte de la buanderie, Le Roy qui s’était
muni d’une bûche, lui en asséna un coup violent à la tête. La pauvre femme
s’effondra sous le choc.
Sœur
Saint-Barthélemy voulut se précipiter pour lui porter secours, mais elle fut
interceptée par Semelaigne qui la saisit par le bras, lui mettant la pointe de
son couteau sur le cœur.
« Fais
ta prière ! hurla-t-il.
—
Oui, répondit calmement sœur Saint-Barthélemy,
reprenant un peu de détermination, je vais prier le Bon Dieu pour vous.
Seulement, laissez-moi !
Le
couteau changea de main, car Le Roy l’avait arraché de la main de son complice et
aussitôt en sa possession, il renversa la sœur et, la maintenant au sol à
l’aide d’un de ses genoux, abattit la lame sur la religieuse qui essayait de
parer autant qu’elle le pouvait les coups, les bras en avant. Blessée, elle se
sentit défaillir et perdit connaissance, alors que chancelante, sœur
Saint-Joseph se relevait, la tête ensanglantée.
Par
miracle, Gendron, un des jardiniers employé au Carmel, alerté par des bruits de
voix et de bagarre arriva sur les lieux. Il ne perdit pas son sang-froid, et
malgré son grand âge, empoigna Semelaigne, le renversa violemment, avant
d’attraper Le Roy au collet.
Devant
la force décuplée par la colère du vieil homme, les deux voyous demandèrent
grâce et s’enfuirent par où ils étaient arrivés.
Gendron
venait de sauver les deux carmélites, laissant filer les voleurs, n’ayant plus
l’âge de les poursuivre.
N’était-il
pas préférable de porter secours aux deux blessées ?
Lui-même
avait une plaie à un bras, œuvre de la lame du couteau utilisée par Le Roy et
terriblement bien affûtée par le rémouleur qui avait assurément fait, hélas, de
la belle ouvrage.
Le
docteur Bidaut, appelé d’urgence constata que sœur Saint-Barthélemy présentait
six entailles aux bras. Une chance que la carmélite avait eu la présence
d’esprit de se protéger à l’aide de ses bras, car si la lame avait atteint la
poitrine, elle n’aurait pas survécu.
L’état
de sœur Saint-Joseph était plus inquiétant en raison du coup violent qu’elle
avait reçu à la tête et qui l’obligea à garder le lit plusieurs. Vertiges et
douleurs l’assaillaient sans répit.
Aussitôt
prévenu de l’agression au Carmel, Monseigneur l’Evêque d’Evreux se rendit
immédiatement sur place.
Quant
aux deux brigands, ils avaient filé, mais pas bien loin. La police ne mit pas
longtemps à les retrouver dans un des cabarets du faubourg Saint-Léger. Ils
n’opposèrent aucune résistance face aux forces de l’ordre, car Semelaigne et Le
Roy étaient fin saouls.
Direction
la prison d’Evreux où ils purent dessoûler au calme et au frais dans une
cellule.
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