dimanche 1 février 2015

A PROPOS DU SUJET DE JANVIER



Je viens de lire un courrier qui ne mettait pas destiné.
Un courrier, non, un hommage. Oui, un hommage à une vieille dame, car pour un enfant, une grand-mère est toujours une vieille dame, celle qui est née, il y a …. Oh la la !
D’ailleurs difficile d’imaginer que celle que l’on nomme, Mamy, Manou, Grand-mère ou Mémé ait pu, un jour, être une petite fille aux joues lisses et rebondies.
La notion des années, séparant les générations, ne s’amenuise-t-elle que lorsqu’on avance en âge ?

Pour les petits, les grand-mères ont souvent une grande importance. Ne sont-elles pas celles des petits secrets et confidences, des gâteaux à la saveur jamais égalée, des photos jaunies des albums de famille……
Que sais-je encore ? Chacun de nous ne garde-t-il pas, tout au fond de lui, « le » souvenir inégalable qu’il conserve jalousement ?

Alors, qui n’a pas le souvenir nostalgique d’une grand-mère au regard bienveillant, empli de tendresse.

Pourquoi ces grands-mères sont-elles si indulgentes, si aimantes ?
Peut-être parce que les enfants élevés, elles veulent profiter pleinement de ceux qu’elles considèrent comme les derniers petits qu’elles verront grandir. La vie passe si vite !
Peut-être aussi se disent-elles que l’éducation n’étant plus de leur autorité, leur rôle se borne, à présent, à écouter, consoler, câliner, aimer sans limite.
Ainsi, plus attentives, plus disponibles, elles prennent le temps, celui que leur condition de maman leur avait volé. Education oblige !
Alors, elles se rattrapent avec ces petits, qui sont les petits de leurs petits.

Les petits se glissent alors, avec bonheur, dans l’ouverture de leurs bras toujours là pour les accueillir, profitant, abusant même, se sachant, quoiqu’il se passe, pardonnés, d’avance.
Chacun y trouvant, bien évidemment, son comptant.
« Aller chez grand-mère », c’est un peu comme « aller en récréation ».

Même adulte, ne sommes-nous pas toujours les petits de nos grands-mères, même si celles-ci devenues plus fragiles ont besoin, à leur tour, de soutien par se déplacer.

Elles ont souvent guidé nos premiers pas, nous aidons souvent leurs derniers mouvements.

Ainsi va la vie !

-=-=-=-=-=-=-

Je vais me permettre de vous soumettre un texte révélateur de l’amour d’une aïeule, celui, si merveilleusement  rédigé par Marcel Pagnol dans «  Naïs ».


Toine est bossu. Les moqueries des autres le blessent. Un jour, il se confie à la femme de son patron, Madame Rostaing.

Voici ce texte qui, j’espère, vous plaira. Encore aujourd’hui, je ne peux pas le lire sans un certain émoi.

Je vais vous dire Madame Rostaing : quand j'étais petit, mes parents m'adoraient, et surtout ma grand-mère. J'étais déjà comme je suis, naturellement, mais moi, je ne le savais pas. Je veux dire que je ne savais pas la différence qu'il y avait avec les autres : la bosse c'est traître, ça vous vient par derrière, on la voit pas...  Chez les paysans, il n'y a pas d'armoire à glace, on ne se voit que dans les yeux de sa mère, et naturellement, on s'y voit beau.

Et puis, un jour, un voisin qui était très gentil m'a dit : "Oh! Le joli petit bossu!"
J'ai demandé à ma grand-mère : « qu'est-ce que c'est un bossu? »
Alors elle m'a dit: "C'est vrai que tu es un joli petit bossu, parce que tu as le dos un peu rond. Mais tu es beau quand même et c'est même à cause de ça qu'on t'aime bien plus que les autres."
Alors, je lui ai demandé : "Qu'est-ce que ça veut dire un bossu?"
Alors elle m'a chanté une vieille chanson. Je ne me rappelle pas la musique, mais les paroles ça disait comme ça :

Un rêve m'a dit une chose étrange,
Un secret de Dieu qu'on n’a jamais su :
Les petits bossus sont de petits anges
Qui cachent leurs ailes sous leur pardessus
Voilà le secret des petits bossus...


C'est joli, mais ce n'est pas vrai.

Moi, jusqu'à dix ans, je l'ai cru. Je croyais que les ailes me poussaient. Et souvent, ma grand-mère me chantait la chanson, qui était beaucoup plus longue que ça.

Seulement les grands-mères, Madame Rostaing, c'est comme le mimosa, c'est doux et c'est frais, mais c'est une fleur fragile.
Un matin, elle n'était plus là. Une bosse et une grand-mère, ça va très bien, on peut chanter. Mais un petit bossu qui a perdu sa grand-mère, c'est un bossu tout court.


Marcel PAGNOL.
Naïs – la Tirade du petit bossu
Haut du formulaire

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de votre commentaire. Il sera lu avec attention.