dimanche 22 novembre 2015

CHILDERIC, LE FANTOME - Chapitre 2 - partie 2




Soudain, un colosse à la barbe hirsute, d’un noir profond, apparut. Ses cheveux très fournis et légèrement ondulés lui tombaient sur les épaules. Il portait de hautes bottes recouvertes de poussières et un haut-de-chausse qui avait dû être, dans sa prime jeunesse, d’un rouge éclatant. Une longue veste vert-sombre, serrée à la taille par une large ceinture de cuir, complétait sa tenue.
Les deux fantômes se toisèrent mutuellement. Le regard de l’étrange visiteur était dur et se faisait menaçant. Quant à Childéric, il ne se laissa pas intimider. N’était-il pas le propriétaire des lieux ? Mais, malgré tout, devant l’attitude inqualifiable d’impolitesse de son visiteur, il se sentait de plus en plus mal à l’aise. Son assurance le quittait peu à peu et il avait l’impression de se liquéfier. Son image s’estompait, puis se clarifier, telle la flamme d’une bougie avant de s’éteindre, signe incontestable d’un manque d’assurance évident.
Un énorme éclat de rire retentit alors, résonnant en écho. Un vrai rire terrifiant de fantôme. Un rire comme Childéric aurait bien aimé émettre, au moins une fois dans sa vie d’errant.
Là, chapeau, c’était un rire qui aurait terrorisé tous les humains, s’ils avaient été présents, bien entendu !
Malgré ces considérations,  Childéric regardait bien en face son visiteur, en essayant de ne pas montrer à quel point il était impressionné par cette prestation.
Mais, à bien considéré l’individu devant lui, il fut tout à fait surpris.
L’attitude du bonhomme avait tout à fait changé.
Ce n’était plus un être terrifiant, là face à lui, mais un fantôme jovial, heureux de sa bonne farce. Dans ses yeux brillait de la malice et de la bonne humeur, et sa bouche grandement fendue d’un rire franc et sincère, découvrait des dents aux caries inquiétantes.
Et pour conclure, il lança :
« Je t’ai bien eu, hein ? »

Childéric restait sans voix.
« Je suis désolé, reprit le gros fantôme, mais il y a peu d’occasions de s’amuser, aussi, je n’ai pu résister….. Je me nomme Archibald ! Et toi ?
-        Chil…. Childéric, bredouilla notre ami. Puis il ajouta, enchanté ……

En fait, il n’était pas si « enchanté » que cela, mais politesse oblige !
N’y avait-il pas une loi s’adressant aux fantômes, stipulant l’interdiction formelle de s’effrayer mutuellement ? Childéric avait eu l’occasion d’en prendre connaissance dans le « code et règlement des fantômes en errance » - tome 2 – article 274E – alinéas 80 et 80A, mais il y a si longtemps ……

S’étouffant toujours de rire, Archibald donna une grande tape dans le dos du pauvre Childéric qui, sous l’effet du choc, alla s’aplatir dans les ronces. Quelle incivilité !
Ayant enfin retrouvé son souffle, Archibald aida Childéric à se relever et à ôter les brindilles accrochées à son kilt.

« Alors, lança Archibald, tu hantes ce vieux château ?
-        Oui ! Et toi, tu viens d’où ?
-        J’ai quitté mon manoir, au Nord d’Edimbourg. Ma vie devenait infernale. Tu comprends, à notre époque, plus personne ne croit aux fantômes, alors impossible de jouer réellement mon rôle. Lorsque j’apparaissais, plus personne ne criait, même pas les enfants. Quelle vie ! Par contre, les petits des humains s’affublent de déguisement hideux et pratiquent des jeux, vidéo comme ils disent, qui ces derniers temps me faisaient dresser les cheveux sur la tête. Tu imagines, à moi, un vieux routier …. C’est le monde à l’envers !

Après un long silence, Archibald poursuivit :

« J’ai donc, après mures réflexions, décidé de m’installer ailleurs. Sur mon chemin, j’ai aperçu ce vieux domaine à l’abandon. Je pensais qu’il n’était pas occupé. Depuis combien de temps hantes-tu ce château ?
-        Quelle question ! pensa Childéric, si seulement je le savais …..

Sans attendre la réponse, le géant demanda :
« On peut visiter ?

Et sur ce, le voilà déjà en haut du perron, face à la porte munie de lourdes ferrures, rouillées depuis bien longtemps.

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