Après
cette petite toilette, Childéric décida d’aller prendre un peu l’air. Toute
cette poussière balayée par les multiples courants d’air, rendait quelque peu
les lieux irrespirables. L’air frais de la nuit ne pouvait lui faire que le
plus grand bien. Pour ne pas froisser sa tenue, il prit le temps de passer par
les ouvertures. Passer au travers des murs était plus rapide, certes, mais
avait l’inconvénient d’élimer, par le frottement occasionné, le tissu des
vêtements.
Dehors,
la lune, brillant de tous ses éclats, donnait au parc à l’état de friche, un
aspect inquiétant. Tous ces fourrés épineux, toutes ces herbes folles
projetaient des ombres démesurées et fantasmagoriques. Le vent, en ce milieu
d’automne, piquait le visage et annonçait un hiver précoce et rigoureux.
Pourtant,
des lustres auparavant, le parc, entretenu par plusieurs jardiniers, faisait
l’orgueil des maîtres des lieux, et l’admiration de tous les visiteurs qui le
parcouraient nonchalamment, uniquement pour le plaisir des yeux.
Childéric
se remémora l’odeur des buissons de roses et de lilas, les couleurs vives des
massifs fleuris au printemps qu’aucune herbe parasite n’aurait osé envahir, les
arbustes taillés à la perfection. Et aussi, les haies, plantées ici et là et derrière
lesquelles des bancs avaient été disposés, devenaient des cachettes idéales aux
jeux des enfants, protégeaient des regards les baisers des amoureux et
engageaient aux causeries badines. Ce fut ainsi, qu’il avait surpris, bien des
fois au cours de sa vie de fantôme, des secrets d’amour, des conversations
intrigantes et des conspirations ténébreuses.
Childéric
soupira et ferma les yeux, à ses oreilles lui arrivaient les rires, les cris,
les exclamations, les discussions animées, les chuchotis, les froissements d’étoffes des longues robes des femmes, les
cavalcades des ribambelles d’enfants. Le perron et la terrasse foisonnaient de
monde et de lumières. La fête battait
son plein. Une multitude de laquais en livrées s’activaient au bien-être de
tous.
Rien
à voir avec le triste silence actuel, le délabrement de l’édifice et
l’envahissement de la végétation qui avait, au fil du temps, repris ses droits.
Childéric,
les yeux toujours clos, essayait de prolonger en lui la vision du faste
d’antan.
Depuis
combien de temps était-il songeur, dans le jardin ? La lune s’était voilée.
Il lui sembla avoir changé d’endroit tant les ombres avaient été transformées
par la nouvelle la lumière lunaire.
Divers
bruits, frôlements, souffles, cliquetis, le tirèrent de ses songes. Une
présence se manifestait. Childéric se sentit observé.
Qui
cela pouvait-il être ? Un humain ? Assurément non ! Alors, à
n’en pas douter, il ne pouvait s’agir que d’un de ces congénères.
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