mercredi 14 novembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - 1792 ........ la fin



1792  - Villettes

Fin possible numéro 3


C’était jugé ! Jean Jacques Philippe Signol allait donc voir sa vie prendre fin à Louviers.
Quand ?
Le temps à l’administration de faire imprimer et placarder l’annonce de son exécution et de faire venir l’exécuteur des hautes-œuvres et son outil de travail, la guillotine.
Il savait, lui, le condamné, que beaucoup allaient se déplacer des villages alentours pour assister à son ultime supplice. Un spectacle moralisateur, sorte de mise en garde par son aspect horrible et définitif, envers ceux qui s’égareraient du droit chemin de Dieu et des Hommes.
Voilà pourquoi, on venait en famille.
Voilà pourquoi, les mères, surtout, criaient leur haine, approuvant que l’on tuât celui qui avait tué.

Dans la grande salle commune de la prison de Louviers, Jean Jacques Philippe Signol songeait à sa fin prochaine, se résignant parfois, se révoltant le plus souvent. Son envie de vivre grossissait au fil des heures.
Non ! Il fallait qu’il s’évade de ce lieu, s’éloigne de cette ville, parte loin, très loin, dans un lieu où personne ne le connaîtrait.
Un seul et unique problème à ce projet. Il n’avait pas un sou vaillant, afin de soudoyer un des gardiens.
Comment faire ?
D’abord, observer les lieux, les horaires des gardiens, ceux des repas aussi, et des promenades, souvent mal surveillées, dans la petite cour de la prison.
Il y avait aussi les visites des familles. Qui venait ? Connaissait-il quelqu’un qui aurait pu prévenir sa femme ?
Une entreprise pour laquelle il fallait être prudent. Prudent, mais aussi rapide, car le temps pressait. Prudence et rapidité ne font pas toujours bon ménage !


Ce matin-là, un seul gardien dans la cour pour surveiller les prisonniers. Des groupes s’étaient formés. Jean Jacques Philippe Signol était resté à l’écart. Appuyé contre un des murs d’enceinte, il tirait sur sa pipe qu’il venait de bourrer de tabac. Aucune fumée ne sortait du fourneau, les allumettes étant interdites dans le lieu.
Le gardien s’approcha de lui :
« Un peu de feu, citoyen ? Allez, une p’tite exception, mais faudra l’éteindre après la promenade. J’ risque gros, si tu mets l’ feu ?

Jean Jacques Philippe Signol acquiesça de la tête. La première bouffée lui procura un plaisir immense. Il se sentit revivre.

« Ça fait point longtemps qu’t’ es là, toi ? poursuivit le gardien tout en jetant un regard sur les autres prisonniers.
-          Non, pis j’resterai point longtemps ! répliqua Jean Jacques Philippe.
-          Oui, j’ sais. Moi, j’ suis nouveau ici. La nation m’a donné c’ poste parce que j’ai été blessé pendant une bataille. J’ suis pas mal, ici, c’est pas trop dur ! Et pis, j’suis nourri-logé.


Le silence s’installa, puis le gardien, qui semblait avoir envie de parler reprit :
«  Y parait qu’ t’as tué ton père parce qu’il voulait pas aider la nation. C’est point mon affaire, pas vrai, et j’ai pas à juger, mais moi, citoyen, j’ t’aurais pas condamné, car t’as bin fait. »

Jean Jacques Philippe Signol hocha la tête sans rien dire. Il écoutait. Voilà un bavard qui pourrait bien l’aider. Mais prudence, il fallait y aller doucement. N’était-il pas employé afin de tirer les vers du nez des prisonniers ? Personne n’était à l’abri d’un espion.
Mais réfléchissant, il se dit qu’il avait sûrement tord. N’était-il pas jugé ? Alors, ce qu’il dirait à présent, ne changerait rien à sa situation.
Il fallait simplement qu’il sonde le personnage, mine de rien. Il semblait heureux de son sort et de se contenter de ce qu’il avait. Alors ? Si l’occasion se présentait, serait-il de ceux qui se laisseraient acheter ?

De discussions en discussions, une sympathie s’installa entre les deux hommes.
Le geôlier avait des idées très républicaines.
Jean Jacques Philippe Signol, se positionnait également comme fervent républicain. Mais ses idées avaient été fortement ébranlées, en raison de tous les évènements. Mais, il garda ses doutes et réticences face à son interlocuteur d’autant plus que celui-ci semblait persuadé que le crime pour lequel avait été condamné son prisonnier était bien fondé. N’avait-il pas éliminé un ennemi de la République ?
Jean Jacques Philippe Signol ne l’en dissuada absolument pas. Mais ne l’affirma pas non plus, d’ailleurs. Il laissa à l’autre la liberté de son interprétation, pensant qu’il y avait là, les clefs de son évasion.

Vint alors, trop tôt, l’annonce du jour de l’installation de la guillotine.
Il était évident que le temps allait manquer.
Tout espoir s’effritait.
Mais, parfois, le hasard fait bien les choses.

La veille de l’exécution, vers les vingt-trois heures, le geôlier vint chercher le condamné dans la pièce commune afin de l’isoler dans une cellule individuelle.
Dans le couloir, le gardien murmura :
« Le chef, c’est qu’il est malade. Au lit. Assez mal en point, avec ça. C’est p’t-être une chance pour toi, citoyen. »
Que devait penser Jean Jacques Philippe Signol ? Lui proposait-on de l’aider à s’évader ?
Si oui, quelles en seraient les contreparties ?
Réfléchissant, il regarda le gardien d’un air abasourdi.
« Eh ! S’coue-toi ! Faut point traîner ! j’va ouvrir la porte de cette cellule, mais au lieu d’entrer, faut qu’ tu m’ donnes un coup sur la tête. T’inquiètes, elle est dure ! I’ t’ reste pus qu’à prendre les clefs. »
Puis désignant une des clefs, il ajouta :
« C’est c’ te clef-là. Fais vite ! »

Jean Jacques Philippe Signol n’avait pas dit un mot. Médusé, il semblait cloué sur place.
Se ressaisissant soudain, il asséna un coup-de-poing magistral dans la figure de l’autre qui ne s’y attendant pas alla valdinguer contre le mur de la petite cellule.
Se penchant un instant sur sa victime volontaire, le futur évadé murmura :
« Ça va citoyen ? J’ai pas tapé trop fort ? »
L’autre, étalé de tout son long sur le sol, ne pipa mot. Sonné, qu’il était ! Presque aussi mal en point que son chef !

Alors, arrachant des mains de son sauveur l’anneau où se trouvaient les clefs, et qu’il serrait très fort, Jean Jacques Philippe Signol s’élança vers la porte de sortie.
Personne en vue, en effet, pour l’arrêter.
Puis, s’élançant dans la rue, il s’évanouit dans la nuit noire.

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Maintenant à vous de choisir « votre fin » ou éventuellement en inventer une......
Dans ce dernier cas, merci de m’en faire part......
A bientôt pour une autre « Histoire de Village ».


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