mardi 20 novembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - ECQUETOT AU TEMPS DES POILUS

UNE BELLE HISTOIRE


Il y a des rencontres, même posthumes, pleines de surprises .....

 Ce fut le cas, dernièrement, lors de  la recherche d’une fiche militaire  que je n’ai malheureusement pu trouver.

Le Poilu concerné ? Un nommé Buhot  Joseph Saturnin.
Bien sûr, cela ne vous donne pas grand-chose, j’en conviens.
Je poursuis donc ma recherche. Joseph Saturnin Buhot naquit à Quatremare, le 29 novembre 1895, et plus précisément,  au Hameau du Hazet.
Déclaré sur son acte de naissance, fils naturel de Gabrielle Sidonie Letellier, il fut légitimé cinq ans plus tard, lors du mariage de sa mère avec  Augustave Clodomir Buhot.
Ce jour-là, Joseph Saturnin Letellier devint Joseph Saturnin Buhot.

Le jeune Buhot grandit dans une famille nombreuse. A cela rien d’étonnant. Sa mère native de Quatremare – elle y avait vu le jour le 31 mars 1874 - avait six frères, donc six oncles pour le garçonnet. Un de ses oncles, Alexandre Letellier, pharmacien de son état,  travaillait à Elbeuf à la pharmacie Louvel. Voilà pourquoi à l’âge de quinze ans Joseph Saturnin fut embauché dans cette officine comme commis, puis devint par la suite préparateur en pharmacie.
Joseph Saturnin avait deux passions. Le sport et la magie.
Le sport, course à pied et l’athlétisme, mais aussi la boxe. Il fit d’ailleurs  partie du « Boxing club d’Elbeuf ».
 La magie. Il passait son temps le nez dans les livres afin d’en connaître toutes les astuces.

Puis ce fut le temps de l’armée. De la classe 1915, il effectua son temps dans les tranchées.
Bien que n’ayant pas retrouvé sa fiche militaire, j’ai appris qu’il aurait été brancardier, une tâche difficile en ces temps-là, car au contact des grands blessés, au contact de la mort violente.
Il aurait était, également, décoré pour fait de bravoure.
De retour dans ses foyers, il reprit sa place à la pharmacie Louvel. Ses journées étaient bien remplies, le jour dans l’officine, afférer à la préparation des remèdes, le soir dans les clubs sportifs et la nuit le nez dans les livres de magie.
Une vraie passion la magie !
Une passion qui l’amena à donner des représentations privées, d’abord, puis publiques.
Il donna sa première représentation à La-Haye-Malherbe, le 2 avril 1923.

Un dilemme se posa alors à lui. Préparer les médications lui prenait toutes ses journées, du lundi au samedi. La magie lui demandait beaucoup de temps de préparation, le soir et tous les dimanches en spectacles.
Il lui fallut choisir et  Joseph Saturnin Buhot choisit, pour le grand bonheur de son public, la magie.

La grande aventure allait commercer !
Un avenir fabuleux s’ouvrait devant lui.

Ce fut alors qu’il prit un nom de scène. Buhot n’étant pas très attractive, il opta pour Carrington. Dorénavant, il serait le MAGE CARRINGTION.
Un nom qui sonne bien, n’est-ce pas ?

Il créa alors une troupe et sillonna la France, commençant par les petites villes de province et notamment en Bretagne où sa caravane était annoncée par des haut-parleurs, en des termes ne pouvant qu’attirer les curieux :  « Ce soir, dans votre ville, en vedette, The Great Carrington, le Maître de l’illusion. Venez nombreux,  vous serez  étonnés, stupéfiés, émerveillés, intrigués, charmés, déconcertés, par un spectacle sans pareil ..... » 
Les spectateurs en avaient pour leur argent, car le spectacle en question, dans des décors surprenants et exotiques, durait trois heures.

Sa première partenaire sur scène fut Maud Farrer. Partenaire ? Pas seulement  sur scène, car au cours de leur relation qui ne dura que dix-huit mois, elle lui donna une fille, Josette.

Si  Joseph Saturnin Buhot-Carrington enchaînait les succès professionnels, il les enchaînait aussi amoureusement parlant. Le succès a du bon de ce côté-là aussi !

Le 24 avril 1924, il épousait, à Louviers Suzanne Andrée Thérèse Lemonnier, née dans cette ville, le 16  mars 1901 et qui était artiste de théâtre.
Leur mariage ne dura pas quatre ans, car ils  divorcèrent, le 29 décembre 1927.

Puis un seconde  mariage avec Louise Henriette Guay qu’il rencontra lors d’une de ses tournées et avec qui il vécut dix ans, jusqu’au moment de leur divorce. Une fille, prénommée Joëlle,  naquit de leur union.
Sur scène, Louise Henriette prit le pseudonyme de Juanita, puis Manita.

1936, le couple sillonnait la France, à la tête de leur propre chapiteau, « l’Empire Circus ».
Hélas, une tempête en ce 25 juillet 1936, anéanti tous les espoirs en même temps que le chapiteau et tout le matériel.

Après cette seconde séparation, the Great Mage passa de cirque en cirque, Amar, Médrano, Beautour, Bouglione ..... et le Cirque d’Hiver.

« Jamais deux sans trois » dit le proverbe.
ET ce fut justement dans le Cirque d’Hiver, qu’il rencontra celle qui devint sa  troisième et dernière épouse Line Saban.
Line Saban dont la mère était de nationalité autrichienne et le père, médecin de nationalité turque, n’avait que vingt ans.
Carrington lui donna le surnom de Manolita, en souvenir de son ancienne épouse, puis de Manolita, la jeune femme devint Manita.
Ce fut, accompagné de toute la grande famille du cirque, que le couple se maria le 16 janvier 1951 à Louviers. Pour la circonstance, les futurs époux étaient habillés en fakir !
Pour une publicité  s’en fut une, et une bonne !

Un mariage qui légalisait le petit James, né en avril 1950, à Louviers.

Pourquoi le mariage fut-il célébré à Louviers ?
Parce que le couple y résidait, tout simplement, rue Saint-Germain, au numéro 127. Cette demeure à Louviers, Joseph Casimir la possédait déjà depuis plusieurs années, car en 1933, il avait créé, dans cette ville,  un cross qui existe toujours en 2018 et qui porte son nom « le Challenge Carrington ».

Toutes les vies, même exceptionnelle ont une fin, celle de Joseph Casimir, tout GRAND MAGE qu’il fut, vit la sienne s’achever  le 16 mai 1971, à l’hôpital d’Evreux.
Son corps repose dans le caveau familial à Quatremare.


Manita vécut bien des années après lui, à Louviers justement, toujours rue Saint-Germain.
Douée de voyance, elle y avait son cabinet de consultation. Elle donnait annuellement, en janvier,  ses prévoyances qui passaient dans le « Courrier de l’Eure ».
Ce fut cet hebdomadaire qui annonça  le décès de Manita, survenu le 29 avril 2016.


Alors ?
Après tout cela, ne me dites pas que le nom de « Carrington » ne vous dit rien ?
Alors, si « Carrington » ne vous est pas inconnu, vous connaissez Joseph Casimir Buhot !

Le « cross Carrington », parcours de neuf kilomètres en plaine, fait toujours le plein de participants chaque année.
Les plus grands noms de la course à pied  y ont participé, et notamment, Jazy  et Mimoun.
La classe !

Quant à James, il créa, en 1970, son propre cirque sous le nom de « Cirque Carrington » qui devint le cirque « Rancy-Carrington ».


Une belle histoire, non ?


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