Des
siècles d’empoisonneuses....................
L'AFFAIRE LAFARGE
Chapitre 6
Depuis la mort de Charles Lafarge, une mauvaise presse avait été
copieusement faite à la veuve par sa belle-famille, les amis de cette dernière
et la domesticité du Glandier, aussi les conversations, toutes les
conversations, que ce soit dans les foyers, dans les cafés, sur les marchés,
enfin dans tous les lieux possibles, n’étaient alimentées que par des
commentaires concernant « l’affaire Lafarge ».
La presse étalait également grand nombre d’articles à la une de leurs
journaux.
Et bien évidemment, chacun savait, avait vu, et intarissables, les uns
et les autres ajoutaient des précisions de leur cru.
Et les souvenirs rejaillissaient en même temps que les vieilles
rancunes, ce qui ne faisait d’ailleurs pas bon ménage !
Voilà pourquoi, après mûres réflexions, Monsieur de Leautaud s’était
dit : « Empoisonneuse rime avec voleuse ! ».
Et le voilà parti, voir le préfet de police de Paris, exposant à ce
dernier le vol d’une parure de diamants appartenant à Marie Clémence
Alexandrine de Nicolaï, son épouse, lors d’un séjour à Busagny chez la famille
de Nicolaï où se trouvait également la veuve Lafarge qui à cette époque, avait
attiré tous les soupçons.
Ce vol remontait au mois de juin 1839.
« Je suis certain que c’est elle ! avait affirmé Monsieur de
Leautaud. Je vous demande de bien vouloir opérer une perquisition dans les
affaires de cette femme, dans sa demeure du Glandier. »
Le 10 février 1840, eut lieu, au Glandier, la perquisition demandée.
Dans un tiroir du secrétaire de Marie Capelle, fut retrouvée, en
effet, une boite ronde, en carton de couleur rose, contenant des diamants et
des perles qui avaient été démontés. Le couvercle de la boite affichée le nom
d’un bijoutier de Paris, Monsieur Lecointe.
Le précieux contenu fut soumis à l’examen du bijoutier.
« Diamants et perles appartiennent bien à un collier que j’ai
vendu à Monsieur de Nicolaï », affirma-t-il sans hésitation.
Interrogée à ce sujet, Marie Lafarge indiqua d’abord qu’il s’agissait
là d’un cadeau de mariage d’une vieille tante, décédée, qu’elle n’avait jamais
connue.
Avant de dire, que c’était un pieux mensonge pour masquer une vérité
qu’elle ne pouvait révéler, afin de ne pas trahir une amie fidèle, Marie de
Nicolaï devenue l’épouse de Adalbert Louis Raoul de Léautaud.
Voilà encore une fois un revirement qui ne fut pas en faveur de la
jeune femme qui fut traduit devant la justice en juillet 1840.
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Marie Fortunée Capelle, devenue orpheline de père et de mère,
fut adoptée par sa tante maternelle Louise Madeleine Félicie Collard, épouse du
baron Paul Garat, gouverneur de la Banque de France.
Par sa naissance, elle reçut une éducation digne des filles des
« grands de ce monde » et fréquenta les familles de haut rang.
Une jeunesse insouciante !
Ce fut ainsi qu’elle fit de fréquents séjours dans la famille de
Nicolaï que ce soit dans leur château de
Busagny, près de Pontoise ou dans leur hôtel particulier de Paris.
Scipion Cyprien Jules Louis de Nicolaï et Jenny Jeanne Baptiste Louis
de Lameth, avait deux filles, Clémence et Marie.
Clémence Caroline Félicité Octavie Marie était née le 26 mai 1804.
Marie Clémence Alexandrine avait vu le jour, le 24 octobre 1815.
Les deux « Marie » ayant 8 mois d’écart, Marie Capelle étant
née en janvier 1816, devinrent très vite des amies inséparables, passant
beaucoup de temps l’une avec l’autre, d’autant plus qu’elles avaient beaucoup
de passions en commun.
Elles jouaient du piano. Que de partitions à « quatre
mains » ponctuées d’éclats de rire !
Elles parlaient anglais, allemand, Italien. De quoi alimenter les
conversations en un mélange incompréhensible pour les autres. Assurément un
code secret pour leurs confidences.
Elles montaient à cheval. Que de chevauchées en pleine campagne !
Elles montaient à cheval. Que de chevauchées en pleine campagne !
Elles aimaient se plonger dans des lectures romantiques et romanesques
qui les faisaient, l’une et l’autre rêver comme savent, si bien, le faire les
jeunes filles, surtout en ce début de XIXème siècle.
Plus encore que Marie de Nicolaï, Marie Capelle rêvait au
« Prince charmant », cet homme idéal, beau, fort, instruit, amoureux,
mais aussi très riche afin de satisfaire à tous les caprices........ L’homme,
celui des contes de fée !!
Marie Capelle, plus délurée, entraînait souvent Marie de Nicolaï, plus
timide et réservée, dans des aventures qu’une jeune fille de bonne famille ne
devait pas se permettre.
Notamment, regarder les jeunes hommes, inconnus, attirer leur
attention.
Ce fut ainsi que les « deux Marie », rencontrèrent un
après-midi, à l’église Saint-Philippe-du-Roule un jeune homme.
Des échanges à mi-voix, des regards dirigés sur le « beau jeune
homme », des rires étouffés également, et voilà le jeune homme pris à
l’hameçon par le cœur. Et bien sûr, séduit et intrigué, il suivit les deux
jeunes filles....
Et il tomba sous le charme de Marie. Marie ? Laquelle ? Non
de Marie Capelle, mais de Marie de Nicolaï qui timide n’osait enfreindre les
interdits.
De petits billets innocents, donnant rendez-vous, furent tout d’abord
échangés.
Des rencontres innocentes, pour se connaitre. Ce fut ainsi que les « deux
Marie » connurent l’identité de jeune inconnu. Il se nommait Félix Clavet. Il était maître de
littérature.
Puis, une lettre aux mots poétiques et enflammés fut remise à Marie de
Nicolaï. Les sentiments de Félix s’étalaient sur la feuille ne laissant aucun
doute quant à son attirance, son amour.
Enfin quelque chose de palpitant dans la vie des « deux
Marie » !
Une aubaine pour Marie Capelle qui encouragea son amie à poursuivre
l’intrique. Elle se proposa de devenir la messagère de Cupidon en transmettant
les courriers.
Jusqu’au jour où le pot aux roses fut découvert par Mme de
Nicolaï-mère qui enferma sa fille dans sa chambre, ponctuant sa punition
par :
« Il est grand temps de marier cette enfant !! »
Adalbert Louis Raoul de Leautaud étant le prétendant idéal, les noces
furent annoncées pour le 8 février 1838.
Les « deux Marie » continuèrent à se fréquenter, un peu
moins tout de même. Il leur arrivait de parler de ce beau Félix Clavet.
« Et si mon époux avait vent de cette petite
intrigue ? » confia Marie de Nicolaï, épouse de Leautaud à son amie
de toujours.
Juste après cette discussion, la parure de diamants et de perles
changea de mains.
On la dit volée.
Etait-ce le cas ?
C’est ce que le procès allait tenter de déterminer.
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