mercredi 19 février 2020

HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSE


L'AFFAIRE LAFARGE



Chapitre 17

Audience du 9 septembre 1840, reprise de l’audition des témoins......
Encore et toujours ........
Et puis les experts, les nouveaux experts, bien évidemment !!
 

Huit heures trente du matin, les premiers témoins étaient déjà entendus.

·         Mme Buffières, sœur de Charles Lafarge.
·         Antoinette Bedoch, femme Poutier, tante par alliance de Marie Capelle.
·         Amélie Materre, cousine germaine de Charles Lafarge.
Toutes les trois eurent le même discours, calqué, mettant Marie en faute.

M. Léon Buffières, beau-frère de Charles Lafarge.
Il parla des 25 000 francs en possession de Charles Lafarge dont il avait laissé une partie à Paris. Lorsqu’il était revenu au Glandier,  il n’avait sur lui que 2 900 ou 3 900 francs, pas plus.
Si il se souvenait bien, les sommes avaient été dispatchées :
·         10 000 francs restés à Paris.
·         4 000 francs versés à quelqu’un dont il ignorait le nom.
·         2 000 francs, encore à quelqu’un d’autre.
·         Une somme avait été transférée à Clermont.
Léon Buffières ne connaissait pas la raison de tous ces versements.
Charles, son beau-frère, lui avait aussi demandé de faire analyser le gâteau qu’il avait reçu, car celui-ci lui avait fait beaucoup de mal.

Puis les experts réapparurent  par la voix de M. Dubois qui précisa que les résultats des analyses, toujours en cours, ne pourraient pas être connus avant le lendemain, voire le surlendemain.
Devant le ton exaspéré du président de séance qui souhaitait voir cette affaire rapidement jugée, M. Dubois accepta de faire le nécessaire au plus vite, pour la fin de la journée.

Reprise des audiences.

M. Fleygniat, médecin juge de paix du canton de Vigoix, cousin germain de Charles Lafarge.
Il avait vu son cousin, Charles, le 8 janvier au Glandier, à son arrivée de Paris. Il allait bien, juste une légère entorse. Ce fut après avoir mangé une truffe, au repas du soir, qu’il avait été pris de vomissements. Il ajouta :
« Je suis revenu au Glandier, le 3 janvier. Je ne l’ai pas trouvé bien. Ce fut alors que Mme Buffières me prit à part et me dit qu’elle croyait qu’il était empoisonné et que leurs soupçons étaient dirigés sur sa belle-sœur, Marie ».

M. Antoine Saint-Pastour, médecin-vétérinaire à Pompadour.
« Le 23 janvier, lorsque j’avais vu, M. Lafarge, son état était désespéré. Le malade était à l’agonie. Son épouse était empressée auprès de lui. Elle avait l’air profondément peinée, des larmes coulaient de ses yeux. Mon confrère, le docteur Brinet me demanda ce que je pensais de tout cela. Je lui ai répondu : « C’est un homme mort. Il ne vivra pas vingt-quatre heures. » Charles Lafarge avait tous les symptômes d’une gastro-entérite. »
Antoine de Saint-Pastour précisa qu’il était surtout vétérinaire, mais qu’il avait fait des études de médecine. Concernant justement  la gastro-entérite, les symptômes étaient les mêmes chez les humains et chez les animaux.

Lorsque le Président de séance demanda à ce témoin si il aurait pu s’agir d’un empoisonnement, celui-ci répondit que cela aurait pu, effectivement, mais que dans ce cas, il fallait attendre le rapport des chimistes.

M. Chassain, directeur des diligences à Uzerche.
Après le décès de Charles Lafarge, il avait vu quatre personnes à cheval qui demandaient une place pour la diligence de Paris. Parmi ces personnes, il avait reconnu Clémentine Serva.

M. Bonnelye.
Le 1er février, il avait rencontré M. Denis au haras de Pompadour. Bien sûr, il fut question de la mort de Charles Lafarge. M. Denis, lui avait dit alors :
« Vous ne savez pas, ce qu’il y a de fort là-dedans, c’est que le public ignore que je suis marié et qu’on dit que je l’ai empoisonné de concert avec sa femme pour me marier ensuite avec elle. »

Anna Brun, vingt-cinq ans, s’occupant de peinture.
C’était sur la demande de Madame Lafarge qu’Anna Brun était venue dans les premiers jours de novembre au Glandier. Mme Lafarge souhaitait qu’elle fasse un portrait d’elle. Le 14 décembre, Madame Lafarge avait envoyé le portrait achevé à son mari dans une boite où était des marrons et des gâteaux.
M. Lafarge avait répondu qu’il avait bien reçu le paquet et, dans sa lettre, avait notifié qu’il souffrait de migraines. Elle avait observé que Madame Lafarge en était très anxieuse, craignant le pire.
Anna Brun avait aussi parlé de la pellicule blanche sur le dessus des laits de poule, du pot contenant une poudre blanche dans le tiroir de la commode.
Par contre, concernant les gâteaux elle n’a aucun souvenir si ceux-ci avaient été placés dans une boite, elle-même déposée dans la caisse.......

A 18 heures 30, la séance fut levée et remise au 11 septembre.

Les auditeurs quittèrent la salle, ils étaient toujours aussi nombreux, mais beaucoup plus silencieux, concentrés sur les questions et les réponses.
Tout n’allait-il pas se jouer au cours des prochains jours ?


Audience du 11 septembre
Incidents – lettres anonymes – suite des auditions des témoins – suite des expertises.

Le président, M. de Barny, conseiller à la Cour Royale de Limoges, se plaint du « trop-plein » de lettres anonymes que recevait l’accusée, Marie Capelle-Lafarge.
A cette remarque, maître Paillet avoua en recevoir deux à trois par jours et ne plus les ouvrir.
Après cette petite introduction, les auditions furent reprises, à commencer par :

M. Parant, domestique de l’hôtel du 79, rue Sainte-Anne à Paris.
Il expliqua qu’il avait jeté « LE » gâteau et la boite dans laquelle il était  posé, après être resté sept à huit jours sur la commode de la chambre.
Monsieur Lafarge avait quitté l’hôtel le 1er janvier et comme la chambre était retenue, il avait fait le ménage.

Attention, c’est là que tout va s’embrouiller.
Pour le domestique, Parant, le gâteau posé sur la commode se trouvait dans une boite.
Pour M. Buffières, beau-frère du défunt, le gâteau avait été déposé directement sur la commode.

Comme pour les marrons, plusieurs versions !
Les marrons, étaient-ils placés sur le dessus de la caisse ?
Les marrons, avaient-ils été glissés dans les espaces vides de la caisse, pour caller les objets ?

La caisse ?
Avait-elle était cloutée et ficelée ?
Avait-elle plusieurs crochets pour la maintenir fermée ?

M. Parant ajouta une précision concernant cette caisse, justement. Elle était munie de charnières et fermée avec des crochets. Charles Lafarge avait même dit, en la voyant :
« Elle ne sera pas difficile à ouvrir, elle l’a déjà été à la diligence. »

En effet, à la visite de l’octroi, le commis de la diligence avait procédé à l’ouverture de ladite caisse, pour en vérifier le contenu[1], en se servant d’un marteau et d’un ciseau.
 
Rebondissement !!!
Cette affaire, décidément, réserva bien des surprises tout au long du procès !

Mademoiselle Anna Brun découvrit, épinglée dans le dos de son châle un billet d’avertissement, portant ces mots : « Si tu parles contre M.... tu es morte ! »

Ce ne pouvait être qu’une personne qui se trouvait dans le palais de justice, au même moment qu’elle.
Mais qui ?
Ce ne pouvait être que quelqu’un qui soutenait la cause de l’accusée, car le « M... » ne pouvait que désigner « Marie » Lafarge.
La cour, les jurés et les personnes présentes montrèrent leur indignation devant un tel procédé d’intimidation.
Et l’affaire en resta là !!
La déposition de la demoiselle Anna Brun se poursuivit.
Ce fut ainsi que chacun apprit que Mademoiselle Brun avait envoyé, le 24 mars 1840, une lettre à Marie Lafarge afin qu’elle daigne lui régler la somme promise pour le petit portrait qu’elle avait fait d’elle.
A ce jour de septembre 1840, elle était toujours en attente de son dû.

Et voilà remis sur le devant des auditions, la caisse et « le ou les » gâteau (x) !

Madame Chassain, directrice de la voiture d’Uzerche.
Elle déclara que la caisse adressée par madame Lafarge était scellée de plusieurs cachets de cire,  sans pouvoir en dire exactement le nombre. Elle n’avait pas fait attention.

Un pâtissier, dont le nom ne fut pas mentionné, vint à la barre et précisa qu’un gâteau contenant de la crème ou de la marmelade ne pouvait se maintenir pendant plusieurs jours en gardant une croûte dure. D’autant plus que le voyage l’apportant à Paris, avait duré quatre jours.

Monsieur Parant revint à la barre.
Il maintint que le gâteau contenait bien de la marmelade[2] et que la croûte était dure et croustillante.

Les experts à présent, représentés par Monsieur Dubois.
Confirmation des expertises.
·         Le lait de poule qui n’était plus liquide (cela allait de soit depuis le temps), contenait de l’arsenic. Tellement d’arsenic que la dose aurait pu empoisonner dix personnes.
Cette réflexion soulevant des frémissements d’horreur dans la salle d’audience.
·         L’eau gommée contenait de l’arsenic, en petite quantité toutefois.
·         L’eau panée, contenait.... oui ! De l’arsenic !
·         L’eau sucrée contenait ..... Non ! Elle ne contenait pas d’arsenic.
·         Le petit pot pris dans le tiroir de la commode contenait bien, de la poudre d’arsenic pure.
·         La mort-aux-rats découverte dans la chambre de Charles Lafarge ne contenait ni arsenic, ni bicarbonate de soude.

La séance fut levée et reportée au lendemain neuf heures.
Il ne restait plus à entendre que quinze témoins et le rapport définitif des chimistes de Paris, Monsieur Orfila et ses collègues.

Mais le lendemain matin, 12 septembre, elle fut reportée en début d’après-midi, Marie Lafarge gravement souffrante n’avait pu se lever.



[1] A l’entrée des villes, certains produits étaient taxés.
[2] Tiens, tiens, n’était-ce pas de la crème épaisse d’une hauteur de deux doigts ?

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