jeudi 5 mars 2020

HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES EMPOISONNEUSES



LES EMPOISONNEUSES

L'AFFAIRE LAFARGE



Chapitre 19

Audience du 15 septembre 1840

La salle d’audience était déjà comble à cinq heures du matin.
Lorsque la séance débuta, à neuf heures et demie, M. Ventejou, médecin de Mme Lafarge prévint le président que l’accusée ne pourrait être présente en raison de son état de santé.
Afin de certifier que l’état de Marie Lafarge n’était pas feint, il fut demandé à Mrs Salheilat et Tabanon,  médecins accoutumés des prisons de la ville, de se rendre auprès de la malade et de venir, au plus vite, faire rapport de leur diagnostic.
M. Salheilat étant absent, ce furent deux autres médecins qui furent mandatés et adjoints à M. Tabanon. Les docteurs en médecine Vidalin et Desortiaux.

Pas moins de trois avis pour certifier les dires de M. Ventejou !!

Le rapport des trois hommes fut unanime, Mme Lafarge ne pourrait, en effet, paraître de la journée, « en proie à des spasmes continuels et à une irritation nerveuse ».
Son état semblait alarmant.

L’audience du lendemain, 16 septembre 1840, fut annulée, toujours en raison de l’absence de l’accusée dont l’état n’avait fait qu’empirer.


Audience du 17 septembre 1840


L’auditoire et les tribunes étaient combles. Parmi les curieux, beaucoup de dames endimanchées, ça allait de soi, un grand nombre d’ecclésiastiques professeurs dans les petits séminaires du diocèse, des curés de diverses paroisses

Neuf heures trente minutes, la cour entre. Quelques instants plus tard, apparurent un des gardiens de la prison et le concierge du palais de justice, portant un fauteuil sur lequel était assise Marie Lafarge. Inerte, privée de mouvement, son aspect dénotait  les souffrances horribles qu’elle endurait.

Toute la matinée  vit défiler les experts faisant lecture de leurs rapports et l’après-midi, commencèrent les plaidoiries.


Audience du 19 septembre 1840

A sept heures et demie du matin, comme précédemment, Marie Lafarge fut transportée  dans un fauteuil. Elle semblait légèrement mieux.

Les plaidoiries[1] reprirent, puis les jurés se retirèrent dans la salle des délibérations.
Une heure plus tard, dans le plus profond silence, le chef du jury lut à haute voix le verdict.

Marie Lafarge était  condamnée aux travaux forcés à perpétuité et à une peine d'exposition d'une heure sur la place publique de Tulle.

Un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu fut déposé par les défenseurs de Marie Lafarge.
Il serait possible qu’il y ait eu vice de forme.

Ce qui fut étonnant, ce fut que ceux qui souhaitaient voir l’accusée condamnée auraient bien aimé qu’elle soit acquittée. Les autres, ceux qui la « savaient » innocente furent déçus du jugement.
En fait, il y eut un tollé général.

D’abord, une pétition fut lancée pour que la sentence « d’exposition en place publique » fut annulée.
Puis M. Raspail demanda audience au Garde-des-sceaux. « Vice de forme » ! Le système utilisé par M. Orfila, ayant amené à la  conclusion de présence d’arsenic dans le corps de Charles Larfarge, n’avait pas été adopté par la science.

La condamnation de Marie Lafarge fit des remous jusqu'à Paris.
George Sand écrivit au peintre Eugène Delacroix, qualifiant l’affaire Lafarge « d'affaire mal menée […] et salement poursuivie par le ministère public ».


Le 12 décembre 1840, la chambre criminelle de la Cour de cassation de Paris rejeta le pourvoi en cassation.
Le transfert de Marie Capelle, veuve Lafarge, accompagnée de Clémentine Serva, sa femme de chambre toujours aussi dévouée, quitta, le 8 novembre 1841, la prison de Tulle pour être transférée à la « maison centrale de force et de correction » de Montpellier.

En raison de sa santé qui s'altérait, Marie Lafarge fut admise, en 1851, à l'asile de Saint-Paul-de-Mausole, à Saint-Rémy-de-Provence. Elle dut subir dix années d’emprisonnement pendant lesquelles elle rédigea « un journal intime[2] » avant d’être, par décret, graciée en 1852, par Louis Napoléon (Napoléon III).
Mais, ayant contracté la tuberculose, Marie Fortunée Capelle, veuve Lafarge, décéda peu de temps après sa grâce, le 7 septembre 1852 à Ussat sans l’Ariège. Elle n’avait que trente-sept ans.


Qu’en fut-il vraiment ? On ne le saura jamais !

Croulant sous les difficultés financières, Charles Lafarge savait qu'en épousant Marie Fortunée Capelle, il recevrait une dot de 80 000 francs-or qui lui permettrait d'éviter la faillite.
Emma Pontier, cousine germaine de Charles Lafarge, rapporta que la situation financière de ce dernier était connue de tout le pays : « Il devait essayer un nouvel emprunt, trouver un mariage d'argent à faire ou ne plus revenir. »
Toujours présenté comme un « brave homme, mais un peu bourru », il aurait été, en fait, un personnage vil et corrompu, rongé par la violence et sujet à des crises d'épilepsie.

Si nous revenions aux gâteaux.
Sans chercher « crime » à tout prix, personne n’avait évoqué la possibilité d’une intoxication alimentaire due à la crème dont les petits choux étaient avantageusement garnis.
Une crème faite avec du beurre et du lait non pasteurisés.
Des gâteaux qui avaient voyagé trois, voire quatre jours.

Que de bactéries !!!


Et puis.......  ce personnage important qui s’est volatilisé.....
Cet homme assez flou, qui sut si bien manipuler Charles Lafarge. Ce M. Denis, de son vrai nom (soit disant)  Denis Barbier, ayant signé et endossé des billets à ordre.
N’avait-il pas intérêt à la disparition de Charles Lafarge ?
La justice n’avait pas beaucoup fouillé de ce côté. Mais ce n’est que pure réflexion personnelle.

L’affaire Lafarge restera une énigme judiciaire qui intrigue encore et donne matière aux écrivains et aux journalistes.
Peut-être verrons-nous, un jour,  les dossiers poussiéreux ressortir de leurs archives et que la lumière se fera, enfin, près de deux siècles plus tard.




[1] La plaidoirie de maître Paillet dura sept heures.
[2] Cet écrit d’une grande qualité fut publié sous le titre «  Heures de prison ».

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