DES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSES
L’AFFAIRE
BODIN - BOURSIER
CHAPITRE 1
Guillaume Etienne et Marie Adélaïde Boursier,
en cette année 1823, vivaient, rue de la Paix, des revenus confortables que leur
rapportait le commerce de leur épicerie.
Dans leur entourage familier, était apparu
un certain Kostolo qui avait été présenté à Marie Adélaïde Boursier par une de
ses tantes du côté Bodin. Cet homme, cherchant apparemment du travail, fut vite
attiré par Mme Boursier, d’ailleurs, ou ne serait-ce pas plutôt l’inverse.... Il en résulta que Marie Adélaïde et ce Kostolo
sortaient fréquemment ensemble faire des promenades qui devinrent rapidement
rendez-vous intimes et clandestins.
Clandestins ? Pas tout à fait du
reste, une employée de l’épicerie, Mademoiselle Reine, accompagnant sa maîtresse
dans ses escapades, était dans la confidence.
Confidence ?
Chacun soupçonnait la liaison, sauf le sieur Boursier, mais
chacun se taisait.
Pourtant, Marie Adélaïde aimait son mari
dont elle avait eu cinq enfants, et dont
l’aîné venait de prendre ses douze ans. Elle ne manquait de rien et, auprès de
lui, vivait paisiblement.
Paisiblement. C’était peut-être là le
problème, la cause de ce désir d’être aimée autrement, de se sentir être de
nouveau désirable.
Le mari n’avait rien vu venir. Il avait
ouvert sa porte à ce Nicolas Kostolo. Sa porte, sa table aussi, puisque Nicolas
était souvent invité à dîner. Le sieur Boursier avait également, sur la demande
de son épouse, accepté que ce nouvel « ami »
devînt le parrain du premier enfant d’une nièce de sa femme.
Kostolo faisait donc, après ce baptême, partie
de la famille.
Qui fut la marraine de ce nouveau-né ?
Marie Adélaïde !!!
Le samedi 23 juin 1823 commençait comme
tous les autres jours.
Pourquoi en aurait-il été autrement ?
Pendant que Marie Adélaïde poursuivait
sa nuit, comme de coutume, Guillaume Etienne Boursier s’était levé vers 6
heures. Le temps était radieux et la chaleur promettait, au fil des heures, d’être
caniculaire. Le marchand-épicier se montrait, comme toujours, de joyeuse
humeur.
N’avait-il pas, après ses tâches coutumières,
prévu d’aller avec sa femme et quelques amis[1], visiter, dans l’après-midi
la manufacture des Gobelins ?
Guillaume Etienne fit un peu de ménage
dans la boutique, rangea quelques produits ici et là, classa quelques documents
et monta réveiller sa femme.
Il avait l’humeur guillerette et comme
il aimait à plaisanter, il passa son index dans le foyer de la cheminée où
restait de la suie et alla dessiner une splendide paire de moustaches sur la
lèvre supérieure de son épouse endormie. Ceci fait, il demanda à une domestique
d’apporter un miroir et le plaçant devant le visage encore ensommeillé de Marie
Adélaïde, ne se gêna pas d’éclater d’un rire sonore, devant la réaction de
cette dernière, terriblement vexée.
Quel réveil !! Pas du tout du goût
de la femme Boursier.
Certes, elle connaissait son époux, mais
qu’il était pénible parfois !
Elle pensa, après un accès de colère,
que la journée commençait bien mal.
A neuf heures, juste avant de quitter
son domicile pour vaquer à ses occupations, Guillaume Etienne Boursier demanda
un potage de riz pour son petit-déjeuner. Celui-ci fut préparé dans une
casserole en fer et servi dans la salle à manger par la domestique, Joséphine
Blin. Cette domestique prélevait toujours, avant de servir son maître, un peu
du contenu de la casserole, pour elle-même et pour le dernier enfant du couple
Boursier.
Le maître du lieu commença à manger.
Aussitôt la première cuillerée, il se plaignit que la soupe avait « un
goût bizarre, un goût empoisonné ».
Il faut préciser toutefois que M. Boursier
était un maniaque de la propreté.
Pour se justifier, Joséphine déclara qu’elle
avait elle-même manger de cette soupe et qu’elle l’avait trouvé bonne et que la
casserole était propre. Elle précisa que la soupe devait être même meilleure qu’à
l’ordinaire, ayant mis trois œufs dedans au lieu de deux, comme à chaque fois.
Madame Boursier fit la même remarque à
son époux et alla tout de suite laver la casserole pour montrer que celle-ci n’avait
pas de traces de « vert-de-gris ».
Cinq minutes après avoir absorbé un peu de cette soupe au riz, Guillaume
Etienne Boursier fut pris de forts vomissements, de douleurs dans les reins et
d’une grande lassitude.
Il fut contraint de se remettre au lit.
En urgence, on appela le médecin.
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