mercredi 18 novembre 2020

HISTOIRE VRAIE - QUE S'ETAIT-IL PASSE CETTE NUIT-LA ? Seconde partie.

 


HISTOIRE VRAIE

Mort suspecte à Vernon

Seconde partie

 

« Que s’est-il passé dans la nuit du 10 au 11 janvier, à votre domicile ? »

Ce fut la question qu’avait posée le juge de paix à François Jean Baptiste Dejors, juste après son arrestation. Celui-ci, assis face à l’homme de loi, avait répondu d’un ton calme et détaché, comme on récite une leçon :

« Je me suis levé dans la nuit pour donner un peu d’eau sucrée à l’enfant. Sa mère dormait. Puis je me suis recouché et rendormi très rapidement. Vers les cinq heures, des cris étouffés m’ont réveillé. Ma femme disait avoir du mal à respirer. Alors, ne sachant que faire, je me suis empressé d’aller chercher les voisins.

-  Elle étouffait, dites-vous ?

-  Oui, elle peinait à respirer.

-  Et pour cause ! lança le juge de paix en sortant d’un des tiroirs de son bureau une feuille de papier dont il parcourut le texte en hochant la tête. « Et pour cause ! » répéta-t-il, plusieurs fois, avant de poursuivre :

-  Vous voyez, j’ai là, sous les yeux, le rapport de l’autopsie. Vous vous souvenez, vous étiez présent ?

François Jean Baptiste Dejors acquiesça d’un signe de tête.

« Et voilà ce qu’il dit, ce rapport. Signes d’accouchement récent, normal vous venez d’avoir une petite fille. Trace circulaire autour du cou. Face livide, bleuâtre et gonflée, lèvres violacées. Conclusion : signes de mort par asphyxie due à une strangulation avec garrot. »

 

Après sa lecture, le juge de paix reposa la feuille devant lui sur son bureau, garda le silence tout en scrutant l’homme, le mari, le présumé coupable, qui lui faisait face avant de lancer :

« Alors ? Qu’en dites-vous ? 

-  Je ne sais pas elle se sera étouffée elle-même. Elle n’allait pas bien, parlait toujours de vouloir mourir.

-  Etouffée elle-même, avec un garrot ! Garrot qui n’a pas été retrouvé, d’ailleurs. Elle se serait étranglée elle-même et vous n’auriez rien entendu, alors que vous dormiez à côté, dans le même lit !

-  J’ai le sommeil profond.

-  En effet ! Alors, dites-moi pourquoi il y a des traces sur le corps de votre épouse, comme une excoriation sous l’arcade sourcilière gauche et une autre à l’épaule gauche. Légères blessures qui prouvent qu’elle a été maintenue afin qu’elle ne se débatte pas ?

 

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François Jean Baptiste Delors donna aux événements ayant eu lieu cette nuit-là des versions différentes, lors des interrogatoires qui eurent lieu les jours suivants.

Tout d’abord, il modifia le lieu de sa fin de nuit.

Il ne s’était pas recouché dans le lit conjugal après avoir donné à boire à l’enfant, mais avait poursuivi sa nuit dans un fauteuil.

Il modifia également l’heure, affirmant que sa femme avait été prise d’étouffement vers les deux heures du matin et non à cinq heures. A ce moment, il lui avait proposé d’aller chercher sa mère. Elle avait refusé. Trois quarts d’heure plus tard, il lui avait parlé et il n’avait pas eu de réponse.

Troublant ces changements.

 

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Le 28 juillet 1833, eut lieu le procès.

 

Les témoignages n’étaient pas réellement en faveur de l’accusé que chacun disait violent et obstiné, n’ayant épousé la demoiselle Marguerite Augustine Pointel, uniquement parce que son père possédait quelques biens.

 

Par contre l’unanimité se faisait concernant la victime. On la disait bonne, douce, respectable et laborieuse et chacun affirmait qu’elle n’était pas heureuse en ménage.

Les voisines ne se génèrent pas pour raconter ce qu’elles avaient eu en confidence, à savoir le bouillon verdâtre de la Toussaint et les scènes de plus en plus violentes.

Une d’elle expliqua :

« Et un soir, son mari lui avait lancé : « Va-t-en ! Bon débarras ! Mais avant, signe moi un papier par lequel tu me laisses tous tes biens ». Je la revois, la pauvre, elle pleurait tous les jours. »

 

L’accusé écoutait le récit des témoins, stoïque, sans laisser paraître la moindre émotion.

A chaque question du juge, il répondait, invariablement :

« Je ne l’ai pas tuée, je suis innocent ».

 

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Dans la salle d’audience de la cour d’assises de l’Eure, en la ville d’Evreux, le silence se fit à l’entrée des jurés et des membres du tribunal.

Il était minuit et le verdict tomba.

François Jean Baptiste Dejors,

coupable d’assassinat par strangulation avec préméditation,

condamné à la peine capitale.

 

En quittant la salle d’audience, le condamné lança haut et fort :

« Non, je ne suis pas coupable. Je mourrai comme un brave. Je monterai sur l’échafaud comme le premier des hommes ! »

 

Il monta sur l’échafaud, en effet,  pour y être exécuté, le 24 septembre 1833, sur la place du Grand Carrefour à Evreux.

 

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