mercredi 21 juillet 2021

HISTOIRE VRAIE – LA MAUVAISE REPUTATION DU LOUP - Chapitre 21

 


Les loups qui ont fait parler d’eux.......

La bête du Gévaudan – chapitre 6

Les louvetiers du royaume - 3

 

 Début juin 1765, le « loup » courait toujours, le « loup » tuait toujours.

Pourtant, l’étau semblait se resserrer autour de lui. Il apparaissait de plus en plus probable que son repaire se trouvait sur le Mont Mouchet où un certain Antoine Chastel[1], à la sombre réputation de meneur de loups, vivait retranché........

 

Les d’Enneval bien qu’ayant dépensé beaucoup d’énergie, se rendant sur place après chaque attaque et analysant la « scène de crime » avec minutie, n’obtinrent pas plus de résultat que le capitaine Duhamel.

Un fiasco des plus complets !!!

  

Sur la route, en direction du Gévaudan, Monsieur Antoine de Beauterne, avec son fils cadet, huit capitaines de la garde royale, six gardes-chasse mis à disposition par le prince de Condé, le duc d’Orléans et le duc de Penthièvre, des domestiques et valets de limiers accompagnant des chiens de la louveterie royale, au nombre de quatre.

C’était le 8 juin 1765.

L’équipage, au grand complet, arriva  le 16 juin 1765 à Clermont-Ferrand.

Ce jour-là même, les d’Enneval chassant la bête infernale, la débusquèrent près de Julianges. Elle était, là, à portée des tirs des fusils, mais elle rebroussa chemin et les chasseurs perdirent sa trace

 

Messieurs Antoine de Beauterne arrivèrent à Saint-Flour, le  20 juin 1765. Ils étaient attendus au Malzieu par Martin d’Enneval, dans la soirée du samedi 22 juin.

Il était convenu que les deux louvetiers unissent leurs connaissances en matière de chasse pour terrasser cette bête du Gévaudan.

 

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Qui est François Antoine de Beauterne, dit Monsieur Antoine[2] ?

 

Né en 1695, à Saint-Germain-en-Laye, il hérita, de son père, la charge de porte-arquebuse du roi.

 

« Lieutenant commissionné des chasses du roi », il avait également la charge de garde des « magasins des poudres royales », des fusils du roi, et des armes de guerre.

Fils de Jean-Marc Antoine, Seigneur de Champeaux, faisant partie de la noblesse, il avait l’oreille attentive du roi.

 

Autre avantage et pas des moindres, François Antoine, cet homme d’environ soixante-dix ans, était bon et simple, aussi, dès son arrivée, il sut attirer à lui l’admiration de la population qui lui apporta son aide.

 

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D’Enneval et Antoine, les deux chasseurs de grande renommée, travaillèrent donc de concert à la destruction de l’animal, bien que n’ayant pas les mêmes stratégies. En effet, Monsieur Antoine, contrairement à Monsieur d’Enneval, préférait les affûts[3] et les appâts.

 

De désaccord en désaccord entre les deux louvetiers et en raison de ceux-ci, les d'Enneval, père et fils, reçurent l’ordre du roi de retourner dans leur Normandie. Aussi quittèrent-ils le pays du Gévaudan le 28 juillet. Malgré leur échec, le roi Louis XV leur octroya une pension annuelle de trois-cent-cinquante livres. Outre cette somme rondelette, leur expédition infructueuse coûta au royaume de France, trois-mille-six-cents livres.

 

Juillet 1765, la bête avait déjà tué pas loin de quatre-vingts personnes.

 

François de Beauterne écrivit, cinq semaines après son arrivée en Gévaudan :

« .. J’ai exercé depuis cinquante ans toutes sortes de chasses tant en France et en Allemagne qu’au Piémont et dans les Pyrénées ; et je n’ai jamais vu de pays pareil à celui-là et aussi difficile... »

Il était vrai que le climat y était particulièrement  difficile et le terrain très tourmenté.

 

Septembre 1765, plus de quatre-vingts personnes avaient trouvé la mort sous les crocs de la bête, cinquante autres avaient été blessées.

 

Devant l’impatience du roi, devant les sarcasmes de la presse étrangère (Allemagne, Angleterre, Espagne....), François Antoine, de plus en plus amer et désespéré de n’avoir pu faire mieux que ses prédécesseurs, devait faire vite, d’autant plus que l’automne arrivait avec ses brouillards épais et ses jours raccourcis, suivi de l’hiver aux neiges abondantes, à la froidure excessive. L’animal devait donc être abattu sans tarder.

Louis XV, malgré tout, accepta d’envoyer douze chiens supplémentaires.

Le 20 septembre 1765, quarante tireurs de Langeac vinrent prêter main forte à François Antoine.

 

21 Septembre.

Quelle est cette rumeur ?

Une rumeur qui enflait et se confirma dans les faits : la bête venait d’être abattue par François Antoine, dans le Velay à une vingtaine de kilomètres du Besset, à Sainte-Marie-des-Chazes.

 

Le scepticisme régnait.

Pourquoi à cet endroit, alors que depuis des mois, l’animal rôdait du côté de Besseyre, Venteuges, Servières, Julianges ?.......

 

Le doute envahissait la population. Cela semblait trop beau, trop rapide après tous ces mois de chasses infructueuses. Et puis, ce loup était accompagné d’une femelle et de deux jeunes, alors que « la bête » poursuivie depuis tout ce temps, était un loup solitaire...... Alors ?

 

 

Un chirurgien de la ville de Clermont, le docteur Jaladon, fut chargé d’autopsier la bête et de l’embaumer, afin qu’elle puisse voyager jusqu’à Versailles pour être présentée au monarque qui venait d’être prévenu de sa destruction, et d’être exposée en divers endroits.

 

Voilà un extrait du compte-rendu du docteur Jaladon :

« C’est un loup carnassier. On a trouvé dans son corps des os de mouton et des morceaux d’étoffe rouge ; les muscles de son cou sont énormes et indiquent une force exceptionnelle. Ses côtes sont disposées de façon que l’animal avait la faculté de se plier de la tête à la queue. Ses yeux sont étincelants et il n’était guère possible de soutenir leur regard. En un mot, son aspect est celui d’une bête terrible ! »

«  A la mâchoire supérieure, dix-huit dents, à savoir six incisives, deux défensives (les crocs) et dix molaires. A la mâchoire inférieure, vingt-deux dents, à savoir, six incisives, deux défensives et quatorze molaires. »

« Hauteur trente-deux pouces, longueur cinq pieds sept pouces et demi, grosseur du corps trois pieds, un poids de cent-trente livres.... »

 

La bête a été mise à mort !!!

Sa dépouille embaumée à la va-vite supporta mal le voyage. Exposée à la vue d’un large public, celui-ci ne put l’approcher tant elle dégageait une odeur de pourriture indescriptible.

 

François Antoine de Beauterne quitta le Gevaudan, le 3 novembre 1765. Il arriva à son domicile de Fontainebleau, le 11 novembre.

 

Le roi de France l’accueillit chaleureusement en personne et le décora de la Croix de Saint-Louis, tout en le gratifiant également d’une pension annuelle conséquente. François Antoine eut droit de placer, dans ses armoiries, l’effigie de « la bête du Gévaudan ».

 

Sans vouloir être mesquine, les vingt semaines de la présence de François Antoine de Beauterne coûtèrent 14 060 livres auxquelles il fallait ajouter les achats de chevaux et de fourrage. Un total qui se monta à 17 000 livres.

Sans oublier la récompense d’un montant de 9 600 livres que François Antoine partagea équitablement entre ses gardes.

 

Et tout cela pour la sécurité de la population du Gévaudan...... tranquillité de courte durée car de nouvelles attaques eurent lieu dès la fin octobre 1765, mais là, Versailles s’y désintéressa totalement.

 

A suivre .........

 
 



[1] Nous reviendrons sur ce personnage essentiel  un peu plus tard dans cette « histoire ».

[2] François était le prénom de cet homme dont le patronyme était Antoine de Beauterne. Il décéda le 7 septembre 1771.

[3] Pendant la nuit, il postait ses hommes, deux par deux, à l’affût dans des fosses préalablement creusées tout le long des bois.

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