Courdemanche, une triste affaire.
Chapitre 1 – les années bonheur.
Adolphe Émil[1]
l’avait remarquée et en était tombé follement amoureux.
Elle avait si belle tournure. Son
visage charmant, ses yeux malicieux, son
sourire gracieux, tout en elle n’était que ravissement.
Elle se prénommait Marcelline.
Après s’être fréquentés un
moment, ils avaient décidé de se marier.
La cérémonie eut lieu le 21
novembre 1867. Les travaux des champs étant achevés, c’était le moment idéal
pour les épousailles.
·
Lui, Adolphe Émil Fez[2],
né le 13 novembre 1846 à Courdemanche,
·
Elle, Marcelline
Bâton, née le 13 avril 1849 dans la même commune,
s’unirent pour « le meilleur
et pour le pire ».
Les premières années de mariage
furent, pour le couple, un vrai bonheur. Adolphe Émil cultivait ses terres et
Marcelline s’occupait des soins de son ménage. Et il y avait à faire entre le
potager, le poulailler, la lessive et l’entretien de la maison. Une charge de travail
importante, amplifiée par l’arrivée de deux enfants :
·
Adolphe Gilbert, le
18 septembre 1868
·
Émilien Marcellin, le
6 juillet 1870
Deux petits garnements plein de
vie qui faisaient le bonheur de leurs parents.
Tout semblait aller au mieux.
Le couple vivait bien, l’argent
rentrait régulièrement.
Sauf que l’humeur d’Adolphe Émil
changea peu à peu. Il devint soupçonneux à l’égard de son épouse, la
surveillant sans cesse, le reproche toujours aux lèvres et surtout l’accusant
de tromperies.
Avait-elle le temps de penser à
la gaudriole avec les petits et le travail de la maisonnée ?
Il n’avait qu’à effectuer, un
seul jour, les tâches dont elle s’acquittait, et il verrait un peu si elle
avait une seconde à elle !
Fin 1874, l’époux jaloux commença
par proférer des insultes.
Comment pouvait-elle arrêter le
flux d’autant de violences verbales ?
Puis, ce fut une première gifle,
puis une deuxième. Vinrent ensuite les coups.
« J’sais qu’ tu m’ trompes,
hurlait-il tel un dément, pas la peine de nier ! »
L’amant ! Il savait qui
c’était. Il le voyait rôder autour de la maison aussitôt qu’il avait le dos
tourné. C’était le Jules Clairet[3] !
Marcelline ne savait que faire.
Son mari ne devenait-il pas fou ?
Les actes de violence allaient
crescendo. Un jour, Adolphe Émil avait voulu la frapper avec un couteau à
betteraves, Marcelline avait de justesse paré le coup.
Et puis, Adolphe Émil avait fait
l’acquisition d’un revolver. Le soir, alors que les garçons étaient couchés, il
sortait l’arme, la manipulait devant le visage de son épouse et d’un air
méchant lui disait :
« Est-ce aujourd’hui que je
vais l’étrenner ? »
Marcelline n’en pouvait plus.
Elle avait le ventre qui se serrait lorsqu’elle entendait son mari rentrer au
logis.
La peur la tenaillait.
Les voisins tout proches du
domicile du couple, entendaient souvent les cris. Ils conseillaient à
Marcelline de partir et de retourner vivre chez ses parents.
« Il me retrouvera vite et
me ramènera à la maison. Si je m’enfuis, je devrai me cacher toute ma vie avec
mes enfants. »
Il était vrai qu’une femme
n’avait pas le droit de quitter le domicile conjugal. La justice lui donnerait
aussitôt tous les torts.
[1] Les documents d’état civil (naissance – mariage..)
notent l’orthographe du second prénom Émil, sans le « e » final.
[2] Noté sur l’acte de mariage : Adolphe Émil Fez de la classe 1866, exempté du service militaire par le conseil de révision. Les recherches n’ont pas abouti à la fiche militaire, mais d’autres documents révélèrent : estropié (ou encore infirme) du bras gauche, deux cicatrices au menton, sans plus de précisions. Avait-il eu un accident ? Quand ? Assurément avant l’âge de vingt ans, âge légal du recensement militaire. Une question qui restera sans réponse.
[3] Aucune information sur le dénommé Jules Clairet.
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