mercredi 25 octobre 2023

Courdemanche, une triste affaire. Chapitre 3 – Le procès au tribunal d’Evreux.

 


6 février 1877.

Cour d’assises de l’Eure où le procès devait se dérouler sur deux jours[1].

·         Monsieur le Conseiller Boulland[2] de la cour d’appel de Rouen, Président des séances.

·         Monsieur Lélu, Procureur de la République à Evreux, soutenant l’accusation.

·         Maître Demange du Barreau de Paris ayant la lourde tâche de défendre l’accusé.

 

Sur le banc des accusés, vêtu du costume des paysans aisés, Adolphe Émil Fez, « un homme à la physionomie très mobile dont l’expression se transforme vingt fois par minute »[3].

 

Avant de faire venir à la barre les divers témoins, furent entendus, afin de déterminer si l’accusé pouvait être en état de démence lors des faits :

·         Le docteur Broc, directeur de l’asile des aliénés de l’Eure.

·         Le docteur Fortin d’Evreux.

·         Le docteur Bidault d’Evreux.

Les rapports médicaux, après examens, montrèrent qu’Adolphe Émil Fez aurait le cerveau « oblitéré [4]», mais que son geste découlait d’un « mouvement passionnel ».

 

Adolphe Émil Fez n’était donc pas considéré comme dément, mais d’une jalousie extraordinaire. Un constat ne permettant pas de lui accorder les circonstances atténuantes.

 

Les témoins qui déposèrent sous serment furent tous unanimes à affirmer que l’accusé était un honnête homme, mais vindicatif, violent et jaloux à l’égard de son épouse.

 

« C’est qu’il était également rancunier, attesta un de ses voisins. Il jurait une haine mortelle à quiconque lui faisait le plus léger grief.[5]»

 

Par contre tous ne prodiguèrent que des éloges concernant Marcelline Bâton, feu l’épouse d’Adolphe Émil Fez.

 

« Pensez donc, une femme irréprochable et d’une parfaite moralité.

     Elle souffrait beaucoup, la pauvre, des soupçons non justifiés de son mari.

     C’est que j’ la voyais souvent pleurer en raison des coups qu’elle recevait. Il était dev’nu violent et de plus en plus, depuis quelques mois.

 

Il fut également question de l’achat du revolver, et ce fut le Président de séance qui posa la question :

« Pourquoi cet achat ? Vous aviez déjà l’intention de vous en servir contre votre épouse ?

     Non, c’était pour faire peur au Clairet, son amant, pour qu’il ne s’approche plus d’elle.

     Mais ce fut avec cette arme que vous avez tiré six coups, tuant deux personnes et en blessant une troisième.

     La Marcelline, elle m’avait avoué son infidélité. C’est de sa faute, tout ça !

     Ce n’est pourtant pas ce que révèlent les témoignages. Et d’autre part, juste avant de mourir, ses dernières paroles ne furent-elles pas : « Je ne l’ai jamais trompé ». On ne ment pas juste avant de mourir !

     C’est faux, elle me l’a avoué et je l’ai noté dans mon registre[6].

     Votre registre dans lequel vous notiez vos secrètes pensées. Comment peut-on savoir si ces écrits sont réalités ou fables ?

 

Fut également entendu Pierre Fez[7], le père de l’accusé. N’avait-il pas favorisé la fuite de son fils après le drame ?

« J’aimais beaucoup ma belle-fille, expliqua-t-il. Quand j’ai appris ce qui s’était passé, j’aurais jamais cru que mon fils en arriverait à tuer. Quand Joseph est venu chez nous la nuit suivante pour demander de la nourriture, j’ai essayé de le raisonner. Il devait se rendre à la police. Je l’ai aidé, c’est vrai. Pouvais-je faire autrement, c’est tout de même mon gars...... »

 

Le jury se retira pour délibérer.

Ce fut une longue délibération qui aboutit au verdict suivant :

 

Joseph Émil Fez était reconnu coupable.

Les circonstances atténuantes n’avaient pas été retenues.

La sanction : la peine de mort.

 

Condamné le 7 février 1877, son pourvoi fut rejeté, mais la Cour de cassation cassa l’arrêt du tribunal d’Evreux pour vice de forme.

Pour quelle raison ?

Certains témoins prêtèrent serment en qualité d’experts.

Cela suffit pour annuler le jugement qui fut renvoyé devant la Cour d’assises de Rouen.

 



[1] Informations tirées en partie du journal, « le Figaro – journal politique » du 8 février 1877.

[2] On trouve, selon les journaux, deux orthographes : Boulland et Bouland.

[3] Phrase tirée de l’article du « Petit journal » du 10 février 1877.

[4] Oblitéré : que certains vaisseaux sanguins du cerveau seraient obstrués. Comment les médecins de l’époque avaient-ils pu découvrir cette pathologie ? Cerveau oblitéré.... cela amènerait-il quelque accès de folie.... d’où le terme : être complètement timbré ?

[5] Le « Petit journal » du 10 février 1877.

[6] Adolphe Émil Fez tenait ce qu’on pourrait appeler un « journal intime » qui fut découvert dans son logis après les faits.

[7] Pierre Fez - Né le 29 avril 1807  - Décédé le 2 janvier 1878.

 

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