Bon pied, mais malheureusement, pas bon œil !
24
mars 1769
« Marguerite Couté, veuve de
Richard Martin, a actuellement 114 ans & 7 mois, étant née le 4 ou 5 Août
1654 ; elle jouit de son bon sens, & sa mémoire est assez heureuse,
mais elle est privée de la vue depuis trois années & sa santé est
chancelante. Elle demeure avec sa fille & son Gendre, vis-à-vis le jardin
des Mathurins, au haut de la rue des Flandres ; sa fille lui rend avec une
amitié vraiment filiale, les devoirs continuels qu’un si grand âge exige, &
son Gendre fait tous ses efforts pour soutenir par un travail assidu &
prolongé, les jours de sa belle-mere (sic) & de sa femme. »
Une
belle vie apparemment, qui devait prendre fin quelques mois plus tard, car ……
30
juin 1769
« Marguerite Coutté, dont nous
avons fait mention dans la feuille du 24 Mars dernier, est décédée le 18 du
présent mois de Juin, à 7 heures du soir ; elle étoit née à S. Jean
de-Folleville en Caux le 4 ou 5 Août 1654 ; elle a conséquemment vécu 114
ans 10 mois et 14 jours, & passé cette longue vie dans l’état d’indigence.
Elle fut en service jusqu’à l’âge de 40 ans, qu’elle épousa Richard martin,
journalier, & travailla ensuite à journée pour gagner sa vie. Elle eut un
fils à l’âge de 45 ans, & une fille à 50 ans 4 mois : cette fille est
constamment (sic) née à Radicatel le 16 Décembre 1704 ; elle perdit son
mari vers 1710, & a toujours été très-laborieuse (sic), s’est occupée
d’ouvrages forts, & a été fatiguée par des maladies nombreuses et
violentes, telles que des pleurésies, fluxions de poitrine &
hémorragies : elle a été pendant 23 ans à la charge de sa fille & de
son gendre, ouvrier Toilier, demeurant à Rouen, paroisse S. Nicaise, où elle
est décédée. Sa vue s’étoit affaiblie peu à peu ; mais elle n’en a été
privée totalement que pendant quatre ans ; elle n’a été réduite à garder
le lit que depuis le carnaval de 1767. Dans les derniers tems (sic) elle
ressentoit des douleurs dans la tête & les membres, mais elle jouissoit de
tout son bon sens & avoit la mémoire assez heureuse & l’ouie (sic) fort bonne ; elle a enfin succombé dans
une maladie de poitrine à laquelle elle a résisté pendant près de deux mois.
Il ne nous a pas été possible de
vérifier son grand âge. M. le Curé de Folleville atteste qu’il a cherché
inutilement dans les registres dont il est dépositaire & dans ceux qui sont
au Greffe du Bailliage ; mais on tient de M. le Curé de S.
Nicolas-de-la-Taille, village voisin, qu’un homme de sa paroisse, inscrit le
premier sur les plus anciens registres des baptêmes qui sont en sa possession,
& mort, il y a plusieurs années, âgé de 99 ans accomplis, lui avoit dit
avoir bien connu cette femme, & qu’elle étoit déjà (sic) vieillotte lorsqu’il
étoit encore jeune.
M. le Curé a donné des marques de
vénération pour ce grand âge, en lui faisant une inhumation distinguée du rang
des pauvres. »
Saint-Jean-de-Folleville :
commune française de Seine Maritime.
Je
n’ai pas eu plus de chance que Monsieur le Curé de Folleville, car je n’ai pas
non plus trouvé l’acte de naissance de Marguerite.
J’ai,
par contre, trouvé celui de sa fille
Radicatel
– 16 décembre 1704
« Le seizième jour
de décembre a été baptisé marguerite née le meme jour du legitime mariage de
Richard martin et de marguerite Coute le parrain Thomas Coute la marraine marie
martin. »
Et,
bien évidemment l’acte d’inhumation de cette centenaire :
Rouen
– Paroisse Saint Nicaise
« Le lundi 19 juin
1769 a été inhumé dans le petit cimetière par Monsieur Osmont prêtre Curé de
cette paroisse le corps de marguerite Coutey veuve de Richard Martin décédé
hier munie des sacrements de l’Eglise agee de cent quinze ans présence de son
gendre et de plusieurs voisins »
Les
signatures : Adrien Duperron – J Ch Benard
Si
je n’ai pu retrouver la rue des Flandres, je peux affirmer que, dépendant de la
paroisse St Nicaise, le domicile de la fille de cette centenaire se situait
dans une rue donnant derrière l’abbaye de Saint-Ouen.
Mal aux dents !
30
juin 1769
« On mande de Marcksugenheim,
dans la Franconie, que la nommée Binberg, veuve d’un Relieur de ce nom, âgée de
90 ans, a été malade à la mort, il y a environ trois mois, & qu’elle a été
abandonnée des Médecins ; mais ce n’étoit que l’éruption de six dents
maxillaires qui servoit de crise à cette maladie qui étoit une véritable
dentition difficile. Depuis cet évènement, il s’est encore présenté cinq autres
dents, de façon que cette personne a actuellement onze nouvelles dents. »
Bien
curieux, des dents qui poussent alors que la personne à 90 ans !
Cette
personne avait, assurément, pas « une » mais «plusieurs dents contre
quelqu’un » !
Naissance et mort de quadruplets
5
mai 1769
On mande de Leon en Basse Bretagne,
que Jeanne Normand, âgée d’environ 40 ans, de la paroisse de Peoudaeniel,
évêché de Leon, est accouchée le 5 avril de trois filles & d’un garçon, qui
furent baptisés le même jour à l’Eglise de la Trève. Deux de ces enfans (sic)
moururent du 6 au 7, & les deux autres le 8.
Plusieurs
mentions de cet évènement avec des dates de naissance différentes (dix jours
plus tard).
Yves
Legoff était du manoir de Kergreach en la Trève de Trencaouenzan.
Je
me replonge dans mes recherches pour avoir, si possible, plus d’informations.
Je
me suis replongée et j’ai failli me noyer !!
Les
actes de Ploudaniel ne sont pas en ligne, aussi : « Chou
blanc ! »
Que d’intempéries !
25
août 1769
Le Samedi 29 Juillet 1769, il s’est
formé sur le territoire d’Arbois, & à un quart de lieue entre le sud et
l’ouest, un ouragan, dont les effets ont été d’autant plus effrayans (sic)
qu’ils arrivent rarement en cette ville. Dans moins de cinq minutes, il a
déraciné de fond en comble, rompu ou maillé quantité de gros arbres, surtout de
gros noyers, depuis la côte de Courcelles, en s’étendant par le fauxbourg
(sic) de Changin au communal de la
Noiresse, à S. Roch, à Verreux, pour s’évanouir avec grand bruit au mont de
Mesnay et au Vernoy, c’est-à-dire, qu’il a parcouru au moins une lieue sur la
largeur d’une portée de carabine. Les toiles qui étoient au blanchissage de la
Noiresse voltigèrent tout à coup au gré de la tempête. On en a retrouvé dans la
rivière, les vignes voisines & à plus de 200 toises. Cet évènement imprévu
étoit aux yeux des connoisseurs (sic)
comme l’image d’un volcan, qui sembloit vomir de noires fumées dans de violens
(sic) tourbillons bizarrement nuancés, qui, disparoissant & se reproduisant
d’un instant à l’autre, étoient toujours précédés & suivis de mugissemens
(sic) épouvantables. Le couvert d’une maison de Mesnay a été emporté à 50 pas.
Quelques fonds remplis de chanvres & de bleds (sic) de Turquie, des vignes
même ont été fort endommagés. On évalue la perte des noix à plus de 4000
francs. Le tronc d’un noyer rompu s’est trouvé avoir près de 10 pieds de tour.
Les jeunes arbres n’ont résisté qu’à cause de leur souplesse.
Pendant l’ouragan, une personne
avantageusement placée par hazard (sic) à la descente de Pupillin, voyoit sans
crainte ni danger comme sur une surface plane, ce spectacle effrayant, qui, par
sa position, devenoit en quelque maniére (sic) parallele (sic) à ses yeux &
méritoit être contemplé. Il lui survint l’idée de la fameuse Troye réduite en
cendres, & elle en vit une espéce (sic) d’esquisse naturelle &
physique, qui bientôt disparut comme un songe.
Je
n’ai pas découverts d’autres articles concernant ce ravage météorologique.
Je
vous situe simplement ci-dessous, avec plus de précisions, les communes où cela
s’est produit.
Mesnay
et Pupillin, commune, du Jura en Franche-Comté.
Vernoy,
commune du département de l’Yonne, en Bourgogne.
Le
château de Verreux est situé en Arbois, dans le Jura.
15
septembre 1769
On apprend de Feltri dans la Marche
Trevisane, que le tonnerre étant tombé dans la salle des spectacles, pendant
qu’on y représentoit une Comédie & qu’il y avoit plus de 600 personnes,
& précisément au milieu du Théâtre, y éteignit toutes les lumières, tua 6
personnes, en blessa dangereusement environ 70 autres, & jetta (sic) toute
l’assemblée dans la terreur. Une dame
fut blessée à l’épaule, & eut en même-tems (sic) ses cheveux brûlés, &
tout l’or qu’elle avoit se trouva fondu ; nombre d’autres personnes eurent
leurs souliers réduits en cendres, & des femmes leurs boucles d’oreilles
consumées ; le fond du théâtre par où le tonnerre entra, fut tellement
endommagé, qu’il menace ruine. Quatre chirurgiens qu’il y avoit dans la Ville,
n’ont pas suffi pour panser les blessés, & pour saigner ceux que la frayeur
n’avoit fait que saisir ; il a fallu en faire venir des endroits
circonvoisins.
Marche
Trévisane, ancienne région historique d’Italie, désignait aujourd’hui sous le
nom de Province de Trévise.
Feltre,
commune de la province de Belluno dans la région Vénétie en Italie.
Mon
dieu, mais ce fut l’enfer pour que les bijoux fondent !
22
septembre 1769
Les esprits étoient encore frapés
(sic) du malheur arrivé au théâtre de Feltri, lorsqu’un malheur beaucoup plus
terrible vint répandre l’horreur & la consternation dans cette contrée.
Bresse, Capitale d’une des Provinces de la Lombardie Vénitienne, que les
Italiens nomment la Ville armée, a été frappée de la foudre le 18 Août dernier,
à sept heures & demie du soir. Elle tomba sur un magasin dans lequel il y
avoit alors une immense provision de poudre qui devoit être envoyée à Venise.
Cette poudre s’enflamma, & son explosion renversa de fond en comble la
sixième partie de la ville. Trois mille personnes ont été ensevelies sous les
débris ; une tour de grosses pierres qui s’élevoit au-dessus du magasin,
sauta toute entiére en l’air, & répandit une grêle de pierres qui enfonça
ou renversa les maisons, les églises & les palais ; plusieurs pierres
de cette tour lancées en ligne droite, découvrirent les toits, percèrent les
murailles & fracassèrent tout. Une d’entr’elles (sic), portée à une
demi-lieue de distance, après avoir foudroyé tout ce qui s’oposoit (sic) à son
impétuosité, tomba sur une maison qu’elle a écrasée, & où elle tua cinq
personnes. Le jour ne parut que pour offrir aux yeux le plus affreux de tous
les spectacles ; les chemins & les rues couverts de ruine, la campagne
toute brûlée, sur-tout (sic) du côté du bastion, des arbres déracinés &
coupés en morceaux, & la terre jonchée de cadavres d’un grand nombre de
pauvres Paysans. Ce coups (sic) a été si violent, qu’il a courbé les plus gros
véroux (sic) jusqu’à la distance de 18 milles, transporté des pierres jusqu’à
celle de 10 milles, & une pièce de canon à près de 3 milles. On a trouvé
presque toutes les boutiques de la ville ouvertes ; les portes ont été
enlevés en l’air & réduites en cendres. On évalue le dommage connu à 4
millions de Philippes. 2000 personnes ont été envoyées par le Gouvernement pour
creuser les débris, & où les hommes à demi-morts poussent des cris
lamentables & implorent
un secours qu’il est
presqu’impossible de leur donner.
Quel
feu d’artifice qui s’achevé en cataclysme !
Deux
mille personnes ont fouillé les décombres afin de secourir les personnes
ensevelies.
Nous
connaitrons peut-être dans un prochain article le nombre exact des victimes.
13
octobre 1769
On mande d’Amiens que le 20 d’Août
dernier, à six heures du matin, le tems (sic) étant un peu orageux, le nommé
Lombard & sa femme, occupés à la moisson aux environs du village de
Rumigny, suivoient, à quelques distance, une voiture qu’ils avoient fait charger
de grains, & qui étoit attelée de quatre chevaux, lorsque le Charretier,
sans voir d’éclair & sans entendre aucun bruit de tonnerre, se sentit
renverser par terre ; revenu de l’effroi qui lui avoit causé cette chûte
(sic) violente, il vit ses quatre chevaux renversés & morts, & aperçut
à terre, près de la voiture, un trou fumant, d’où la foudre étant sortie, alla
tuer à cent pas de là le nommé Lombard & sa femme, éloignés l’une l’autre de vingt pas, dispersa un monceau d’avoine, & à cent
pas plus loin renversa le père (sic) du nommé Lombard, de la même manière
qu’elle avoit renversé le Charretier. Ce vieillard étant revenu à lui, voulut
se relever ; mais il se trouva incapable de faire usage de ses
jambes ; il se traîna, à l’aide de ses mains, jusqu’à l’endroit où étoient
son fils et sa bru qu’il trouva morts. Les Chirurgiens firent la visite des
corps, & n’y aperçurent aucune blessure, non plus qu’aux pauvres chevaux,
mais seulement un gonflement considérable & une grande difformité dans les
traits. La femme, qui étoit jeune & jolie, se trouva hideuse ; tout
son corps, ainsi que celui de son mari, étoit absolument jaune. Les quatre
chevaux avoient les intestins hors du corps. Tous étoient renversés du même
côté. Le chapeau de l’homme étoit percé & ses cheveux brûlés ; mais il
n’avoit aucune contusion de la tête.
Avec
une immense patience et beaucoup de ténacité, j’ai consulté tous les actes
d’inhumation de 1769 de toutes les paroisses des communes dans un large
périmètre autour de Rumigny. Même ceux d’Amiens.
Mais,
hélas, je n’ai pu rien découvert sur ce double décès. J’en suis toute
attristée….. Vous révéler le nom de ce malheureux couple, aurait été manière
de lui rendre un dernier hommage.
13
octobre 1769
On mande de Stockolm, en date du 5
du mois dernier, que le Prince Royal allant dans une voiture ouverte, de sa
Maison de Carlberg à celle d’Eckholmsund, fut surpris par un violent orage,
accompagné de tonnerre. Le foudre passa dans la voiture entre son altesse
Royale & deux Chambellans qui étoient sur le devant, & tomba à côté
d’eux. Le Prince ressentit une commotion très-violente (sic), & fut sur le
point d’être suffoqué ; mais il reprit bientôt son état naturel, & cet
accident n’a eu aucune suite.
Oh,
le prince a eu bien chaud ! Mais, rassurez-vous, il a repris très vite
« son état naturel » !
Le
prince dont il est question est sûrement
Gustave de Suède, né le 24 janvier 1746, fils de
Adolphe
Frédéric de Suède et Louise Ulrike de Prusse.
Il
avait épousé, le 4 novembre 1766 à Stockholm, la princesse Sophie Madeleine de
Danemark.
De
cette union naquit :
· Gustave
1778 – 1837
· Charles
Gustave 1782 – 1783
Il
accéda au Trône de Suède au décès de son père, le 12 février 1771. Il régna jusqu’à
sa mort, le 29 mars 1792, date à laquelle il fut assassiné à Stockholm. Son
fils Gustave lui succéda au pouvoir, alors qu’il n’était âgé que de treize ans.
Son oncle paternel assura la régence jusqu’à sa majorité.
Les
intempéries étaient fréquentes, je devrais dire, ont toujours été fréquentes.
On vivait avec. Et après la tourmente, on relevait les manches et on
reconstruisait…..
Dans
la France de cette époque, malheureusement, beaucoup travaillaient la terre et
vivaient des récoltes. Voilà pourquoi, il y a eu autant de famines à travers
les siècles !
Au loup !
13
octobre 1769
Une Lettre de Plaisance, dans le
Duché de Tarbes, porte que les premiers jours de Septembre dernier, un Paysan
venant des champs à la ville sur le soir, & portant le plus jeune de ses
fils, vit venir à lui à toutes jambes un loup de la plus grande taille :
ne pouvant l’éviter par la fuite, & craignant tout pour son fils, il se mit
en défense & à crier de toutes ses forces au secours ; ses cris
attirèrent aussi-tôt (sic) vers lui plusieurs paysans qui suivoient la même
route ; l’un d’eux voyant l’animal près de cet homme, accourt de toutes
ses forces, arrive dans le tems (sic) que le loup alloit se jetter (sic) sur
lui, le saisit au cou, le mit entre ses jambes & le serra de toutes ses
forces. Aussi-tôt (sic) il dit à l’enfant de prendre le couteau de son père
(sic), qui étoit encore transi de peur, & de percer l’animal à la gorge, ce
qu’il fit à plusieurs reprises, & les spectateurs eurent bientôt le plaisir
de voir périr ce terrible animal ; il fut ensuite porté à la ville, où ce
nouveau Samson reçut mille louanges.
J’imagine
très bien cet effroyable corps à corps loup-homme.
Et
voilà un bien brave petit bonhomme qui n’a pas hésité à tuer cette terrible bête..
Comment
se nommait-il ? Je ne sais, car comme je vous l’ai déjà dit, sans
événement daté, que ce soit naissance, mariage ou décès et de leurs actes
paroissiaux, tout comme sans lieu défini, je ne peux m’appuyer sur rien
d’autres pour recréer l’histoire. Heureusement, il y a les articles de
journaux, mais ils n’apportent pas toujours les précisions nécessaires.
Au feu !
17
novembre 1769
On mande d‘Alençon, que le 28 du
mois dernier, le feu prit à la Prison royale, dans la chambre des femmes, &
fit de rapides progrès ; mais par les soins de M. le lieutenant-Général,
le Procureur du Roi, le Subdélégué, le Maire de la Ville, le Lieutenant de la
Maréchaussée, & autres qui travaillèrent & encouragèrent chacun à faire
de même, on vint à bout d’éteindre le feu : une femme enfermée pour
aliénation d’esprit, a péri dans les flammes. Il est malheureux qu’il n’y ait
pas dans ladite ville une ou deux pompes telles qu’en fabrique le sieur
Thillaye, le peuple n’auroit pas grand-chose à craindre, puisqu’avec ces utiles
machines, il n’est presque pas possible que le feu fasse de grand dégâts. On
dit que M. de la Boderie, Maire de la Ville, dont le zèle patriotique est
connu, va travailler aux moyens de s’en procurer.
Une
pauvre femme, enfermée pour aliénation, a péri.
Qui
était cette femme ? Pourquoi se trouvait-elle là, en prison, plutôt que
dans un hospice ?
A
vrai dire, elle était assurément mieux en prison que dans un asile, aux mains
de médecins qui ne connaissant rien en psychiatrie, imposaient des traitements
barbares aux malades.
Un
vrai travail de petite fourmi, pendant des heures et des heures, et voilà….
Dans
sa cellule d’isolement, Anne Than décéda le 27 octobre 1769. Personne ne
répondit à ses cris. Pensez donc une
« folle » !
Alençon
– Paroisse de Notre Dame
« Le Dimanche
vingt neuf octobre 1769, par nous vicaire soussigné acte inhumé dans le
cimetière de cette église le corps de Anne Tan agée de vingt cinquante ans
veuve de Louis Binet careleur décédée d’hier dans la prison royale de cette
ville furent présents maitre françois georges Lemaire prestre et pierre joseph
Guillard »
Signature
du prêtre : p f Gautier
L’âge
de cette femme est curieux, mais je pense qu’il s’agit d’une erreur, car
« cinquante » a été noté en marge de l’acte. Le prêtre a évidemment
omis de barrer le « vingt ».
D’ailleurs
« cinquante ans » est plus plausible, car Anne Than mit au monde une
fille le 1er novembre 1758.
Cette petite, prénommée Charlotte Anne, reçut les sacrements du baptême le
lendemain, jeudi 2 novembre, dans l’église de la paroisse Notre-Dame à Alençon.
Son père Charles Louis Binet était toujours carreleur. Il lui fut choisi Jean
Rondeau pour parrain et Charlotte Marais pour marraine.
Si
l’on prend le peu d’éléments en notre possession :
1758 -
Naissance de Charlotte
1769 - décès de Anne, sa mère, veuve à cette date
Cela
veut dire que Anne Than, si elle était bien âgée de 50 ans au moment de son décès en
1769, avait 39 ans lors de la naissance de sa petite Charlotte.
On
peut donc penser qu’il s’agissait d’un second mariage pour Charles Louis Binet,
et que le marié était beaucoup plus âgé que son épouse, voilà sans doute
pourquoi Anne Tan est dévenue rapidement « veuve Binet ».
Une
autre hypothèse remariage pour les deux époux.
Dans
les deux cas, la mort de Charles Louis Binet est survenue rapidement après le
mariage, et il est fort probable qu’il était plus âgé que son épouse.
Sans
vous affirmer quoique ce soit, j’ai découvert le décès d’un Charles Binet, survenu le 27 janvier 1762.
Laboureur, âgé d’environ 63 ans et époux d’Anne ….. (nom illisible). Je ne peux
que penser, sans aucune affirmation toutefois, que c’est bien là l’époux d’Anne
Than.
Difficile
pour une femme seule d’élever un enfant…..
je suppose que la vie n’a pas été aisée pour elle ! Alors, dans ce
cas, on tenait un peu jusqu’à épuisement des forces morales et physiques et
puis, c’était souvent la dérive ….. jusqu’à la folie…
En
1769, Anne Tan était emprisonnée, mais depuis combien de temps ? Rien pour le
dire. Rien non plus sur les raisons de cette incarcération, sauf l’aliénation.
La
prison, même à cette époque n’était que provisoire en cas d’aliénation. Elle
survenait si le malade perturbait la vie de ses voisins ou s’adonnait à des
faits extravagants, dérangeants sur la voie publique. Il était alors souvent
dirigé vers un asile ou hospice, en fonction des places disponibles.
Considérant
ce qui précède, on peut en déduire que
cette femme n’était pas dans la prison d’Alençon depuis bien longtemps.
Comment
et où a vécu la petite Charlotte depuis
l’incarcération de sa mère ? Chez son parrain ? Chez sa
marraine ? Chez une voisine charitable ? Dans un orphelinat ?
Là
non plus je n’ai pas de réponse. Désolée !
Mais ?
j’ai retrouvé la « petite Charlotte », le jour de son mariage,
toujours dans la paroisse de Notre Dame d’Alençon, au bras de André Autheman,
le mardi vingt cinq juin 1782.
Il
est noté sur l’acte, concernant les époux :
« ….. André
Autheman charpentier fils majeur de pierre autheman et de anne peïre……Charlotte
Binet fille majeure des defunts charles Binet et de anne Than …… »
La
mariée née en 1758 à peine 24 ans.
Le
marié, né à Arles, le 27 janvier 1755, avait 27 ans. Cela faisait un an qu’il
habitait Alençon, avec ses parents. (mention
sur l’acte de mariage)
Quand
partirent-ils habiter Arles ? Je ne peux le dire précisément, mais
assurément après janvier 1785, comme l’atteste la naissance de :
· Jeanne
Sophie le 14 Juillet 1783 à Alençon
· Anne
Célestine le 8 janvier 1785 à Alençon
André
décéda dans sa ville natale, le 1 juillet
1827.
Anne
Célestine, la seconde fille du couple, mourut
en 1832 à Arles, également.
Charlotte
y décéda aussi le 15 novembre 1833.
Une
petite chose encore si vous le permettez.
Bien
que l’article ne parle que d’une victime, je vous laisse découvrir ce qui
suit :
Acte
d’inhumation – Alençon Hôtel Dieu – Mois de Novembre 1769
« Le samedy quatre
octobre 1769 par nous soussignés prêtre prieur de l’Hotel Dieu a été transporté
et inhumé dans le cimetière de St Leonard le corps de Jacques ainault
charpentier age de trente huit ans décédé hier muni des sacrements de pénitence
et d’extreme onction. »
Le
prêtre devait être très ému, car il ne s’agissait pas du 4 octobre mais bien du
quatre novembre, pour preuve, cette mention en marge de l’article :
« il tomba dans
les flammes dans la prison se livrant avec un grand zele à éteindre le
feu. »
Brûlé
grièvement, Jacques Ainault succomba à ses blessures quelques jours plus tard.
Voilà
ce que je peux vous apprendre, mais à partir des quelques lignes de ce petit
article, il y aurait de belles pages à écrire !
Vous
comprenez, maintenant, je suppose,
pourquoi je suis si passionnée ?
Le tribunal a jugé et condamné.
27
octobre 1769
Chambre des vacations
Du 3 Novembre 1769. Arrêt, qui
condamne le nommé Jean-Baptiste Filleul, Meunier, aux Galères pour trois ans,
& préalablement marqué des lettres G.A.L., pour différens (sic) excès
de prévarications.
Du 6 du même mois. Autre arrêt, qui
condamne le nommé Jean le Roi à être pendu pour avoir été trouvé saisi &
vendant des effets volés dans l’Eglise de S. Gervais-les-Rouen ; deux de
ses complices ont été effigiés.
On
ne badinait pas avec les lois. Le présumé coupable, aussitôt arrêté, était jugé
et la sentence vivement expédiée…
Jean
Baptiste Filleul, meunier. Vous savez combien de personnes en France porte ce
nom ? Une multitude !
De
plus en 1769, le métier de meunier n’était pas rare.
Une
petite précision. Le meunier avait mauvaise réputation. On le soupçonnait de
détourner quelques sacs de blé à son profit.
Je
ne voudrais pas froisser les meuniers par cette remarque, car il était dit de
même pour les tailleurs qui eux étaient accusés de se servir largement sur le
tissu de sa clientèle.
Quant
à Jean le Roy, il volait dans les églises. Quel sacrilège !
Il
était évident que dans ce cas, la peine ne pouvait être que capitale.
Pas
d’acte d’inhumation non plus, l’Eglise ayant sûrement refusé de le recevoir
pour une dernière prière. Pensez-donc, même mort, n’aurait-il pas encore dérobé
quelques reliques !
Qui
étaient ses complices ? Je n’en ai pas la moindre idée.
Ils
ont été effigiés, c'est-à-dire, exécuté en effigie, dans un simulacre de peine
ou supplice.
Aujourd’hui
on dirait, concernant les accusés en fuite, donc non présent à leur procès,
qu’ils sont condamnés par contumace.
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