Envolé,
l’enchantement paisible de la forêt !
F
Frustré,
Armand fermait alors ses fenêtres, fuyant cette fatalité. Ce fut ainsi qu’il
formula l’envie de mettre un peu de
fantaisie dans son existence. Que faire ?
Franchement,
à part sa fonction d’étiqueteur, étiquetant dans la fournaise l’été et le froid
l’hiver, du formidable fatras en fouillis de l’antiquaire, pas facile de formuler
ce qui pouvait l’intéresser. Faible de constitution, il n’avait pas la force de
son frère facteur en fonction dans le Finistère dont la femme fabriquait des
fusibles, ni celle de sa frangine, femme de chambre dans un Formule 1, près de
Francfort. D’ailleurs, la fratrie ne se fréquentait guère. Il envia leur vie
familiale, entourée de filles. Oui, que des filles, figurez-vous ! Une
fatalité de plus !
Oui,
mais pour fonder une famille, il fallait une fiancée et franchement là, il y
avait une faille, d’autant qu’Armand ne fréquentait aucun lieu foisonnant de
jeunes filles. Armand n’était pas un fêtard, il n’aimait pas la foule, ni la
fiesta. Pas question pour lui de faire la foire.
Alors ?
Alors, rien ! Le fiasco !
Comment
faire pour trouver femme à sa fantaisie ?
Dans
sa folie, Armand se serait bien vu fabriquant de la fourme, fromage
fantastique, dans le Cantal, dormir sur un lit de fougères au clair de lune.
Car il était, en fait, un solitaire fuyant les festivités et la foule.
Pas
folichon pour une famille !
Il
finalisa une fiche pour la mettre sur un forum de rencontre. Peu fier de la
formulation trop familière de celle-ci, elle finit en fins fragments au fond de
la poubelle.
G
Armand
fit le point sur sa vie. Il était grand temps de la gérer autrement.
Gamin,
gai et gringalet, il gardait les génisses quand il allait chez ses
grands-parents. Il gambadait dans la gadoue, chaussé de galoches qu’il ôtait
pour grimpait aux arbres. Son grand-père, gargotier goguenard dans le Gard, avait été général dans une
garnison composée de glorieux guerriers qui avaient échappé à tous les
guets-apens. Il avait courtisé la fille du garde-champêtre, gracieuse
grassouillette aux gambettes galbées. Un
peu gêné, mains gantées, il avait demandé à l’épouser. Gaston et
Germaine (ils se nommaient ainsi) ne gagnaient guère avec la gargote sur les
murs de laquelle grimpait une glycine, aussi Germaine devint guérisseuse. Avec
du genévrier, de la gentiane, de la giroflée, du gui, du gommier et diverses
autres graines, elle préparait, en grommelant des formules magiques, des
gobelets de breuvages avec la garantie qu’ils guérissent toutes les afflictions
de la gangrène à la grippe en passant par la gastro, les glaucomes et les
grossesses nauséeuses, enfin toutes ces galères qui rendent grognons.
Armand
se souvint de cette gamine galopant sur le gazon garni de géraniums devant le
garage du gendarme, son géniteur, un garçon glabre, et qu’il guettait de la
fenêtre du grenier de ses grands-parents, grimpé sur un guéridon. Quel
garnement !
H
Quelle
histoire !
L’Hiver,
Armand retournait chez ses parents qui habitaient à Hallignicourt dans la
Haute-Marne. Son père, un honnête et habile horloger, haïssait les harengs que lui servait
son épouse en hors-d’œuvre chaque vendredi. Cela lui procurait des haut-le-cœur
qui le mettaient hors de lui. Il hochait alors de la tête, une vieille habitude
montrant son hostilité. Sa mère, horticultrice avait en horreur les hortensias que l’on ne voyait
plus, de ce fait, dans l’herbage. Ils étaient harassés de travail. Leur
habitation, humide, était hantée, disait-on,
par un Huguenot qui n’hésitait pas à
heurter les murs avec une hache. Victime d’un homicide pour un héritage au
huitième siècle, sans réelle hostilité,
il recherchait celui à qui il devait son
errance, pour en faire du hachis. Ce Huguenot, quelque peu hautain, était vêtu
de haut-de-chausse dont la couleur était
en harmonie avec celle de son habit. Il avait combattu avec honneur face à une
horde hystérique dont l’horrible haleine faisait fuir à leur approche. Ce
harcèlement d’outre-tombe isolait la famille car chacun hésitait à leur rendre
visite.
Quel
manque d’humour ! Hallucinant ! Non ?
Aux
heures nocturnes, seul le hululement de
la hulotte et du hibou se faisait entendre.
Mais
il advint qu’un Hollandais demanda à être hébergé dans l’hôtel du hameau.
Joueur de Hautbois et aussi d’harmonica, il aimait la pêche. Mais, sa seule
prise fut d’attraper, par hasard, un héron avec son hameçon. Les yeux humectés
de larmes, il revint tout honteux.
I
Cet
individu qui venait de Hollande fut invité dans l’insolite maison individuelle.
Il apprit l’infortune de ses occupants. Il fallait interrompre cet isolement. Et
comme il se disait aussi inventeur, il proposa d’imaginer un piège capable d’incarcérer cet invisible indésirable.
C’était
une proposition incroyable et sûrement irréalisable, voire même idiote, car
saisir l’insaisissable, c’était de l’inconscience.
Mais,
cet idéaliste insista et malgré l’incrédulité générale et l’incertitude de la
réussite, il s’immergea immédiatement dans sa création. Insatisfait de l’image
du plan qu’il avait imaginé, il s’imposa de recommencer. L’incompétent se trouvait dans une impasse. Son ingéniosité dans l’incapacité de finaliser
le projet dont il était l’initiateur inquiéta la famille d’Armand qui pensa que
cet homme possédait une instruction
insuffisante dans le domaine. L’insuccès
lui valut une volée d’injures qui le laissa interloqué.
Dehors,
une sirène indiqua qu’un incendie ou une inondation dans un immeuble demandait
l’intervention des pompiers.
L’inventeur
avait interrompu son ouvrage, les yeux fixant un cadre incliné représentant un
ibis au sommet d’un igloo implanté sur un iceberg. Intéressant cette
inspiration !
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