mercredi 21 août 2019

HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901 - CASQUE D'OR A LA BARRE



30 mai 1902 – Cour d’Assises de la Seine – le procès
Et voilà qu’apparait..... Casque d’or !


Et la voilà qui arriva, encadrée par deux gendarmes[1], pâle et très émue, vêtue d’un costume vert avec des revers gris et dont la chevelure était surmontée d’un chapeau noir qui ne manquait pas de cachet.
Le silence s’était fait dans la salle d’audience et tous les regards étaient rivés sur la jeune femme. Ceux des hommes, mais surtout ceux des femmes qui cherchaient ce qui, en cette Amélie qui leur semblait bien ordinaire, pouvait attirer la convoitise des hommes au point de les inciter au meurtre.
En effet, ce n’était pas une beauté. Des lèvres très rouges, des yeux immenses que l’on pouvait qualifier de « Boopis », qu’elle peignait outrageusement. Et puis, elle n’avait pas tant de cheveux qu’on le prétendait. Elle les ébouriffait et les faisait bouffer, les ramenant très bas sur son front. Mais elle avait ce petit air canaille qui faisait dire d’elle, qu’elle avait « du chien ».
Elle s’avança et se tint devant la Cour, mince, déhanchée, visiblement sans corset, puis s’appuya à la barre, non sans fierté d’être ainsi le point de mire de toute l’assemblée, pensant : « Si je reviens demain, je me mettrai sur mon trente et un et les épaterai. »
Elle déclina son identité, avec un fort accent du bas-faubourg de Belleville.
Elle se nommait Amélie Elie, née le 3 juillet 1875 à Orléans, fille de Gustave Jean Elie et Marie Louise Delacourtie. Agée de vingt-deux ans, elle exerçait le métier de fleuriste.
«  On vous désigne aussi sous le surnom de Casque d’or, précisa le président.
-          J’ai jamais été appelée ainsi, c’est une invention de Dieu sait qui ! démentit la jeune femme.

Elle expliqua qu’elle avait vécu presque quatre années avec Joseph Pleigneur, mais se défendit de lui avoir donné de l’argent pour vivre, indiquant toutefois :
«  J’ai donné de l’argent à Manda que quand il était en prison, pour son tabac. C’est tout ! »

Concernant sa rupture avec le dit Manda, ce n’était que pure vengeance :
« L’an dernier, mon homme m’a trompée avec la fille Van Maël, la femme à Leca. Alors, j’ lui ai rendu la monnaie d’ sa pièce. Voilà tout !
-          Vous n’aviez pas de sentiment pour le dénommé Leca,  s’enquit le Président.
-          Bah ! Les sentiments, vous savez, ça va, ça vient.....
-          Bon poursuivons, enchaîna le président, et passons aux évènements. Lors de vos différentes dépositions, vous avez affirmé que votre ancien amant, Joseph Pleigneur, était l’auteur de toutes les agressions et qu’il avait toujours attaqué le premier.
-          C’est qu’ c’est pas tout à fait ça. C’est Leca qui le 30 décembre avait tiré le premier....
-          Vous revenez donc sur votre déposition ? Précédemment, vous affirmiez le contraire. Pourquoi ce changement de version ?
-          J’ai menti devant l’ juge. Aujourd’hui, je dis la vérité parce que j’ai prêté serment.
-          Vous ne l’aviez donc pas fait lors des interrogatoires devant le juge d’instruction ?
-          Non, fit la fille Casque d’or, portant un regard plein de douceur sur Manda.
-          Le jury appréciera, conclut le président.

A ce moment personne, ici présent, n’était dupe. La fille Elie jouait double-jeu, sans doute par peur des représailles.
Dans ce milieu valait mieux se trouver du côté du plus fort.

Rien d’extraordinaire ne sortit de ce témoignage. Le public se vit fortement déçu, pensant assister à un vaudeville de qualité.
En fait, ce n’était qu’une histoire bien banale............ Pas de quoi fouetter un chat.

Le verdict fut rapidement rendu et Joseph Pleigneur dit Manda  fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Cette peine prenait en compte les deux tentatives de meurtre commises le 20 décembre 1901 et le 9 janvier 1902.
Manda fit appel, mais celui-ci fut rejeté,   le 28 juin 1902.
Une année plus tard, le 12 juin 1903, il embarquait sur la « Loire » à destination de la Guyane où il reçut le numéro matricule 32776.
Son dossier fait état de nombreuses condamnations au sein du bagne. Sa conduite fut qualifiée de « médiocre » et lui, Manda[2], signalé comme « très dangereux ».
Les conditions de vie dans ces lieux n’étaient pas faites pour adoucir le caractère. Pour survivre, il fallait « se montrer » face aux autres détenus, tout comme dans les bandes des banlieues.

Laissons Manda voguer vers la Guyane et revenons à Paris pour y retrouver Dominique François Eugène Leca et Casque d’or.





[1] Amélie Hélie, incarcérée depuis quelques jours à la prison de Saint-Lazare pour vol.
[2] Joseph Pleigneur, fils de Louis Philipe Pleigneur et Jeanne Hugen, décéda à Saint-Laurent-du Maroni, le 20 février 1936.

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