mercredi 15 avril 2020

HISTOIRE VRAIE - LES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSES


LES EMPOISONNEUSES

L'AFFAIRE BOURSIER/BODIN


CHAPITRE  5


Commençons par le début...... c’est mieux, non ?

Exhumation, autopsie et commentaires.

Première personne à venir déposer à la barre :
M. Trappon, concierge au cimetière du Père-Lachaise.
Cet homme confirma sa présence lorsque, au mois d’août, le corps du défunt Boursier fut exhumé, en présence des parents et amis, avant d’être dirigé vers l’Ecole de Médecine.


Après l’exhumation, ce fut le docteur Orfila qui fut chargé de procéder aux diverses analyses qui devaient permettre de savoir si le corps renfermait, ou non, des traces d’arsenic.
Ce prestigieux docteur en médecine donna les résultats de son expertise :

« Il a été trouvé, dans l’estomac de Boursier assez d’oxyde d’arsenic pour donner la mort


Le docteur Gerdry, professeur à la Faculté de Médecine, qui avait assisté à l’autopsie fut de l’avis de son confrère, le docteur Orfila.

Les témoignages des docteurs Hamel et Barrull allèrent dans le même sens. Arsenic !


Ensuite, le sieur Toupié, élève en médecine déposa :
Il était près du malade la nuit d’avant le décès de celui-ci. Il témoigna qu’à plusieurs reprises, Kostolo et Mme Boursier avaient donné, alternativement, à boire au mourant.
Il témoigna aussi de la grande douleur que manifesta Marie Adélaïde Boursier lors du décès de son époux. Elle eut d’ailleurs un malaise et dut être alitée.



Et puis, défilèrent devant la cour les personnes côtoyant le défunt :

La fille Blin, cuisinière dans la maison Boursier depuis seulement quatre mois.
Elle refit l’historique de cette tragique journée.
«  Ce 28 juin, Monsieur s’est levé comme à l’ordinaire, vers six heures. Il a rangé la boutique, a fait un peu de ménage, a rangé quelques papiers, puis s’est mis au comptoir de vente pour lire le journal. Ensuite, comme chaque jour, il est monté réveiller madame. Il a même pris un peu de pommade noire, celle dont il se sert pour teinter ses cheveux, et avec son doigt a dessiné des moustaches sur le visage de madame qui n’était pas très contente. A huit heures, j’ai apporté le riz de Monsieur. J’en avais déjà mangé et mis de côté pour l’enfant. Cinq minutes après avoir mangé, Monsieur s’est plaint que le riz était mauvais. Sachant que monsieur était très pointilleux sur la propreté, je l’ai rassuré en lui disant que la casserole était très propre.»

Elle confirma que de la cuisine, elle ne pouvait voir ce qui se passait dans la salle à manger. Elle ne pouvait donc dire si quelqu’un s’était approché de la casserole destinée au sieur Boursier pour y déverser du poison.

La fille Reine, demoiselle de boutique, vint ensuite à la barre.
Elle n’était pas présente ce matin-là, 28 juin, lorsque M. Boursier avait été pris de vomissements, car elle commençait plus tard. Par contre, elle avait été envoyée quérir le docteur Bordot lorsqu’elle était arrivée à la boutique. Mme Boursier disait que son mari souffrait de maux de reins.
Concernant les relations étroites qu’il y aurait eu entre sa maîtresse et M. Kostolo, elle en ignorait l’existence. Elle accompagnait sa maîtresse en promenades au cours desquelles, elles avaient rencontré M. Kostolo  à plusieurs reprises. Elles avaient été invitées chez cet homme par deux fois, mais jamais elle n’avait imaginé qu’il pouvait y avoir, entre eux deux, autre chose que de l’amitié.
Puis la fille Reine ajouta d’un ton presque outragé, comme si ces accusations s’adressaient à elle :
« On peut aller voir quelqu’un sans blesser l’honneur ! »

Béranger, garçon épicier chez Boursier, ne put rien déclarer sur les faits de ce 28 juin. Il voyait régulièrement M. Kostolo rendre visite à ses maîtres, mais là à penser qu’il avait une relation avec Mme Boursier, oh que non alors !!

Nous allons voir que les avis étaient très partagés, car, dans sa déposition devant la cour, Delonge, l’autre garçon épicier, se doutait bien qu’il y avait quelque chose entre Kostolo et la femme Boursier. Mais cette relation n’a pas empêché Mme Boursier d’être frappée d’une grande et sincère affliction à l’annonce de la mort de son époux.

M. Rousselot, épicier de son état était un ami de longue date de Guillaume Etienne Boursier.
Lorsque qu’il avait appris la maladie de son ami, il était venu lui rendre visite. Ce fut Mme Boursier qui l’avait mis au courant des événements de ce mal soudain et son désir d’inhumer le défunt le jour même, en raison de la chaleur qui ne pouvait que provoquer une rapide putréfaction, d’autant que la chambre où reposait le corps était petite et basse de plafond.
Concernant les affaires de son ami, il savait qu’il avait pris la décision, avant son décès, de renvoyer Halbout, le teneur de livres, et une fille de boutique.
Il avait appris, par un certain Robinot qui avait rencontré Kostolo à Florence, que ce dernier n’était pas de Constantinople, mais des environs de Marseille ou de Marengo.
Un certain Duchesne lui avait rapporté que ce Kostolo s’était vanté d’épouser Mme Boursier.

A cette dernière affirmation du témoin, l’accusé Kostolo se leva et réfuta, haut et fort, les dires de Rousselot, avec indignation.

Oui, nous voici, encore et toujours, dans ... « un certain m’a dit », « un autre m’a affirmé »....  tout cela m’apporte pas réellement de preuves, donc ne fait absolument pas avancer la vérité.

Toutefois, le président précisa que ce M. Duchesne dont avait parlé M. Rousselot devait être entendu, mais que malade au Havre, il n’avait pu comparaître.


M. Pihan, autre ami-épicier du sieur Boursier, apporta la précision suivante :
Ce fut d’un avis unanime que l’inhumation fut décidée pour le jour même.


M. Sancier, un autre ami du défunt (il en comptait un grand nombre) qui exerçait la profession de marchand de vin.
« C’est par la veuve que j’ai appris les circonstances de la maladie, bien brève, et la fin fatale de mon ami. Je savais que l’Guillaume avait acheté de l’arsenic, mais je ne pourrais dire dans quelle boutique. Je m’en souviens, car il m’avait dit : « Il faut que je cache le reste, car ma femme est une folle, une étourdie ».
Ce témoin confirma connaître Kostolo pour l’avoir vu deux ou trois fois.

Quant au sieur Huard, sa présence à la barre fut de courte durée. Il ne savait rien de rien à l’affaire

Par contre, M. Alberti[1], maître d’hôtel, client, mais surtout ami de l’épicier défunt, il en raconta bien plus.
En effet, désirant visiter Versailles, il participa à la sortie des Boursier. Il se rappela qu’il y avait un nommé Charles, Mme Boursier, Mlle Reine et, désignant du doigt Kostolo dans le box des accusés précisa : « Et ce monsieur».
Il fut surpris que cet homme, Kostolo, donnât toujours le bras à Mme Boursier.
D’ailleurs, il se souvenait que ce Mr Charles et ce Kostolo n’étaient pas partis en même temps qu’eux, mais avaient été pris en cours de route. La journée s’était bien passée. Ils avaient déjeuné à Saint-Cloud, à « l’auberge de la tête noire » et ensuite, ils avaient roulé vers Versailles.
Au retour, M. Charles et Kostolo furent déposés, place Vendôme.
Ce témoin précisa qu’une autre visite avait été programmée. Visite de la manufacture des Gobelins. Hélas, cette visite n’eut pas lieu, ce fut ce jour-là, triste jour, où M. Boursier tomba malade après avoir mangé sa soupe au riz.

Vint témoigner, ensuite, le sieur Bordin, épicier droguiste.
Il déclara que c’était dans sa boutique, que le 25 mars 1822, M. Boursier avait acheté une demi-livre d’arsenic.

Bailly, garçon épicier chez Boursier
« Lorsque mon maître avait fait des boulettes avec une partie de l’arsenic, il m’a remis le reste de la poudre. J’ai déposé le sachet dans un casier à bouteilles. Y doit encore y être. »

Voilà ce que déclara à la barre Bailly.
Mais, n’avait-il pas, précédemment, lors d’un interrogatoire, affirmé que son maître avait gardé le reste de l’arsenic et qu’il ne savait pas où celui-ci avait été rangé.

Quelle version croire ?

Chauvière, autre garçon épicier chez Boursier.
Il savait, lui aussi, que son maître avait acheté de la mort-aux-rats, mais rien de plus.

M. Halbout, teneur de livres chez Boursier
Connaissant les circonstances de la maladie, il avait proposé de veiller le malade, la nuit précédant son décès. Mme Boursier lui avait répondu que ce n’était pas utile. Il savait qu’il existait une grande complicité entre Mme Boursier et la fille Reine, précisant que c’était la fille Reine qui lui avait fait cette confidence.
Appelée à la barre, afin de confronter les deux témoins, Mlle Reine nia avoir tenu une conversation concernant sa maîtresse avec M. Halbout.

M. Béral, pharmacien rue de la Paix.
Il avait fourni les médicaments  prescrits pendant la courte maladie du sieur Boursier. Par contre, il nia avoir vendu de l’arsenic au défunt et à aucune autre personne de sa maison.

Quant à Danet et Cizos, tous deux élèves en pharmacie, leurs témoignages n’apportèrent rien de plus.

Et voilà celle dont il fut décliné le nom au début des débats. La dame Olivereau !
Son intervention devant la cour était très attendue... mais fut très décevante.
Elle ignorait tout de la liaison qu’entretenait son amant avec la veuve Boursier.
Dommage !! Si elle avait eu connaissance de l’infidélité de Kostolo, il y aurait eu, en direct, des règlements de comptes qui auraient mis un peu d’animation dans la salle d’audience !

Ce fut avec cette dame que s’acheva la séance.
En attendant qu’une autre commence le lendemain.
Le public se leva et l’on pouvait entendre le brouhaha des commentaires des uns et des autres.
La salle se vida, les lumières s’éteignirent.
Demain serait un autre jour.


[1] Malheureusement, pas de renseignement sur l’identité de tous ces témoins, seulement un nom, sans même l’ajout d’un prénom.

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