mercredi 1 avril 2020

HISTOIRE VRAIE - LES EMPOISONNEUSES


DES  SIÈCLES D'EMPOISONNEUSES


L’AFFAIRE BODIN - BOURSIER 




CHAPITRE 3

Les procès attiraient beaucoup de monde, surtout lorsqu’il y avait eu meurtre, et bien évidemment lorsque derrière tout cela se cachait un adultère.

La première audience de ce procès eut lieu le jeudi 27 novembre 1823.



Les deux inculpés furent introduits dans le box des accusés, ils comparaissaient :
·         La femme Boursier pour  avoir le 23 juin 1823, attenté à la vie de Guillaume Etienne Boursier, par l’effet de substances pouvant donner la mort.
·         le sieur Nicolas Kostolo pour s’être rendu complice de ce crime en aidant et assistant avec connaissance de cause la veuve Boursier dans l’exécution de son crime.




Marie Adélaïde Bodin, veuve Boursier était d’assez petite taille. Quatre pieds et cinq pouces[1].
Pas vraiment jolie. Son visage, marqué par la petite vérole,  possédait des traits épais.
Vêtue sobrement d’une robe d’étamine noire, d’un bonnet de gaze noire sur lequel avait été jeté un voile, également noir, elle gardait les yeux baissés.
Nicolas Kostolo avait une taille très élevée[2], un visage aux traits réguliers.
Vêtu de noir lui aussi, il gardait néanmoins la tête haute, le regard droit et fier qu’il promenait alentours sur la salle d’audience, comme l’aurait fait un touriste[3].

L’audience débuta à dix heures et demie par la déclinaison de l’identité des deux prévenus.
D’abord, la jeune veuve qui se leva chancelante et répondit d’une voix d’une extrême faiblesse et déclara se nommer :
Marie Adélaïde Bodin, veuve Boursier, âgée de trente-sept ans, de son état épicière et demeurant rue de la Paix.

D’une voix forte et assurée, Nicolas Kostolo, après avoir donné son nom, poursuivit :
« Trente ans. Je n’exerce aucune profession. Je demeure rue de Grammont au numéro 15. Je suis né à Constantinople ».

Le greffier lut l’acte d’accusation et le président de séance commença une série de questions, afin d’exposer aux jurés, les faits.
Mme veuve Boursier fut la première sur la sellette.

« Vous avez épousé la victime le 2 février 1809 et avez eu avec lui cinq enfants. Vous avez fait la connaissance de Nicolas Kostolo par l’intermédiaire de votre tante Mme veuve Flamand qui habite un petit appartement rue de la Paix, au-dessus de l’épicerie, qui elle-même l’avait connu d’un M. Charles, domestique. Kostolo cherchait du travail et vous vous êtes proposé de l’aider.
-          Oui, répondit timidement Marie Adélaïde.

L’interrogatoire prit alors un aspect plus direct, mais n’était-ce pas pour cela que beaucoup de personnes s’étaient déplacer, en ce lieu ?

« Avez-vous eu des relations intimes avec Kostolo ? Ne vous en êtes-vous pas confiée à la fille Reine, votre servante ?

Bien gênantes toutes ces questions devant cette assemblée.  Dévoiler, là, toute son intimité, salir ce qu’elle croyait être une histoire d’amour. Mais que pouvait-elle faire d’autre que de répondre et essayer de convaincre ?
Alors, elle avoua  qu’elle rencontrait Kostolo à l’insu de son mari. Elle admit avoir prêté de l’argent à son amant, à hauteur de deux-cent-cinquante ou trois cents francs. Mais, cet argent devait l’aider à récupérer des effets qu’il avait déposés au Mont-de-piété. Son mari n’était pas au courant de ces prêts.

« Un prêt de deux ou trois cents francs, s’étonna le président, Kostolo, dans sa déposition, a parlé de sept cents, voire huit cents francs. Qu’en est-il exactement ?
-          Je ne sais plus, répondit avec lassitude la veuve Boursier.

Puis, le président de séance en vint à l’achat de mort-aux-rats et d’arsenic effectué par M. Boursier. Là encore la veuve n’en avait pas eu connaissance, ce genre d’achat était l’affaire de son époux.

On en vint au jour de la mort et au refus par la veuve de pratiquer une autopsie.  Avait-elle peur de ce que les médecins pouvaient découvrir ?

« J’avais, avait-elle répondu, demandé avis à ma famille et à mes amis. Et m’avait été répondu : « ne fais pas cette bêtise ». Ce fut plus tard, sur le conseil du docteur Bordot que j’ai accepté. C’était pour savoir la raison du décès, pour les enfants, en cas de maladie héréditaire. Pour moi, il s’agissait d’un coup de sang.
-          Et pourquoi  cette inhumation précipitée ?
-          Parce qu’il faisait chaud....
-          Des témoignages confirment que c’est sur votre insistance, et pas en raison de la chaleur. Bon, nous verrons cela plus tard. Avez-vous poursuivi votre liaison coupable avec Kostolo après le décès de votre mari ?
-          Non, uniquement un baiser parce qu’il insistait.
-          Il venait pourtant tous les jours vous rendre visite ? Kostolo, qu’avez-vous à répondre ?

Nicolas Kostolo, se leva à la question qui lui était directement adressée, puis affirma :
« Nous avons eu une relation intime, dans la chambre du mort, quinze jours après l’enterrement.
-          Cela est faux, s’insurgea Marie Adélaïde, ayant tout à coup retrouvé toute la puissance de sa voix.

Elle fut, quelques minutes plus tard, totalement anéantie lorsque à la question du président :
«  Kostolo, n’avez-vous pas proposé le mariage à la veuve Boursier ? »
La réponse fut : « Non, jamais !!! »

La séance s’interrompit, sur ce « non » catégorique et sans appel, pour reprendre en début d’après-midi.



[1] Quatre pieds et cinq pouces, soit environ 1 m 44 (les mesures des pieds et pouces variés selon les régions - à Paris : 1 pied = 32.80 cm et 1 pouce = 2.54 cm) – taille moyenne pour une femme en ce début de XIXème siècle.
[2] Sans aucune précision. Mais qu’entendait-on par « taille élevée », à cette époque où la moyenne tournait autour d’un mètre soixante ?
[3] J’ai eu un doute sur l’emploi de ce mot, mais il est apparu dans notre langage vers 1803. (vient de l’anglais « tourist » (1790), voyageur.

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