jeudi 2 juillet 2020

HISTOIRE VRAIE DES SIÈCLES D’EMPOISONNEUSES



LES EMPOISONNEUSES

L'Affaire Lacoste 







Chapitre 8

Audience du 12 juillet 1844.
Comme les jours précédents, l’audience commença dès 7 heures du matin.

Tous les témoins à charge ayant été entendus, il ne restait que les auditions des témoins à décharge.

La première personne à comparaître fut Léonce Caillavat, notaire à Fezensac.
« Je n’ai été chargé, commença ce notaire, d’aucune mission par Mme Lacoste. Elle avait écrit, de sa propre initiative, au Procureur du Roi pour demander l’exhumation du cadavre. Je n’ai été appelé que pour recevoir le testament de son mari. Ce ne fut qu’après le décès de son époux que Mme Lacoste m’a dit : « Mon mari plaçait à 6% par lettre de change, je ne veux plus suivre ces errements et ne veux placer qu’à 5% par acte public et par hypothèque. » Il y a eu de ces actes jusqu’au mois de décembre.
-          Avez-vous été mis au courant des insinuations d’empoisonnement, mettant au rang de coupable Mme Lacoste ?
-          Oui, une personne est venue me prévenir des bruits qui circulaient. J’ai aussitôt envoyé un courrier à Mme Lacoste lui demandant de venir me voir, ce qu’elle fit. Elle protesta vivement contre ces accusations, affirmant son innocence. Je lui ai même conseillé de s’enfuir et de se cacher. « Fuir ! s’était-elle écriée, non, je suis innocente ! Je vais écrire à Monsieur le Procureur du Roi et demander qu’on déterre mon mari. » Sa détermination, à ce moment, me persuada de son innocence.

Joseph Deville, notaire à Tarbes.
« Mme Lacoste m’a prié de ne plus placer de capitaux et de me borner à recevoir les intérêts. Plus de placement sur lettre de change.
-          Mme Lacoste recevait-elle de l’argent chez elle ? s’enquit le juge.
-          Je ne me suis jamais rendu chez elle.
-          Que disait-on de Mme Lacoste à Tarbes ? Cette question émanait de maître Alem-Rousseau.
-          On la considérait, en général, comme une honnête femme. Et puis, comme tout un chacun, ses amis en disaient du bien et ses ennemis du mal.
-          Comment cette jeune femme pouvait-elle avoir des ennemis ! s’étonna le juge.
-          Elle en avait, notamment un, M. Fourcade. Il faut bien le dire, M. Fourcade espérait être    porté sur le testament de M. Lacoste et comme ce ne fut pas le cas, il en fut terriblement contrit. Il chercha alors à s’approprier les 10 000 francs du paiement des fermages dont il était débiteur par acte public. Je le fis donc assigner et il reçut, fort méchamment, l’huissier mandaté, proliférant à l’endroit de Mme Lacoste : «Ah la p.... ! Ah la garce !! » 

Cette déposition déplut énormément à M. Fourcade qui d’un bond s’élança en direction du témoin, hurlant : « C’est faux !! Ce sont des mensonges !! On en veut à mon honneur !! »

Sans se démonter, le témoin, Joseph Deville, poursuivit avec une voix calme :
« Ce que je dis est vrai. Au départ de l’huissier, M. Fourcade quitta son magasin, traversa la rue et se rendit chez son avoué qui avait son étude juste en face. Tenant son assignation à la main, il vociférait : « Ah, elle veut me faire saisir, mais elle me le paiera cher !! » Devant une telle animosité, j’avais conseillé à Mme Lacoste de quitter le logement qu’elle louait à M. Fourcade.
-          A quelle époque se produisirent les faits ?
-          Au mois de novembre, mais il y eut un autre fait. Une dame devait un titre de 6 000 francs à Mme Lacoste. Au moment de trouver un arrangement pour régler cette créance, M. Fourcade se permit d’intervenir, allant jusqu’à conseiller cette dame, en ces termes : « Madame, prenez bien garde ! Mme Lacoste va être suivie comme empoisonneuse ! Son affaire est mauvaise et elle sera condamnée. Vous vous exposez à payer deux fois. » Ce que je viens de vous conter, je le tiens de cette dame avec qui nous avons réglé l’affaire juste après.

Maître Alem-Rousseau, au témoin :
« Que pouvez-vous dire au sujet d’un titre de 1 500 francs ?
-          Je ne sais pas ce qu’on veut me dire. M. Lacoste avait confiance en M. Fourcade. Tous les billets étaient souscrits au nom de M. Fourcade qui les endossait. Mme Lacoste avait pensé que M. Fourcade ne lui avait pas rendu tous les billets qu’il détenait.

Mme Lacoste confirma alors que plusieurs billets, dont les sommes apparaissaient sur le livre de comptes de son époux ne lui avaient pas été rendues.
M. Fourcade expliqua alors les raisons de la haine qu’avait envers lui M. Joseph Deville, car pour lui, toutes ces médisances relevaient d’un complot bien orchestré.
Selon lui, cette haine remontait à quelque temps déjà. A cette époque, il avait effectué, avec son beau-frère, une transaction dans l’étude de M. Deville. Les termes des documents étaient tellement obscurs et inintelligibles qu’il était impossible de s’y retrouver. D’autre part, les droits des deux parties n’y étaient pas réglés.
« Nous dûmes, conclut M. Fourcade, renoncer à comprendre et priment des arbitres afin de nous faire interpréter tout le charabia. Abusés, nous perdîmes, de surcroit, de l’argent. Je fis alors remonter mon mécontentement et ma colère à M. Deville qui me répondit sur un ton peu aimable et sans compensation financière, il va s’en dire. »

Et la joute verbale se poursuivit. Duel Deville-Fourcade, allant crescendo !

Le juge eut bien du mal à calmer la situation, les deux protagonistes n’étant pas loin d’en venir aux mains.
Un huissier leur demanda, avec tous les égards, de bien vouloir le suivre jusqu’à la sortie de la salle d’audience.....

Pendant ce temps, M. Marie Corne, maître d’hôtel à Auch était appelé.
Il déclara : « C’était, il y a deux ou trois mois, j’ai entendu, dans le salon de mon hôtel, une conversation entre deux hommes. Ceux-ci parlaient du décès de M. Lacoste, dû à une maladie tartreuse qu’il soignait depuis bien longtemps avec un remède contenant du poison.

M. Barre Félix, maire de La Bassanes.
« Quarante-cinq ans que je le connais Lacoste. Quarante-cinq ans d’amitié. Et je peux vous affirmer qu’il était heureux et aimait sa femme. Avant son décès, il envisageait un voyage d’agrément avec sa femme, justement. Il n’a pas pu, hélas, faire ce voyage !
-          Lui connaissiez-vous des maladies ? demanda maître Alem-Rousseau.
-          Il avait des dartres, notamment au-dessus de la lèvre supérieure. Il consultait son « vieux bouquin », comme il disait, un livre de médecine. Il se soignait seul.

Léon Vidabar, pharmacien à La Bassanes, exerçant également les fonctions de maire-adjoint dans cette ville.
Appuyé à la barre, ce témoin attendait. Au bout de quelques minutes d’un lourd silence, le juge lui demanda : « Que savez-vous de l’affaire ?
-          Rien ! répondit celui-ci d’une voix claire et ferme.
Mais, maître Alem-Rousseau ne voulut pas en rester là :
« Que pouvez-vous nous dire au sujet d’un certain Lespin, à propos d’une lettre de change ?
-          Simplement que M. Lespin en a exigé le paiement par deux fois.
-          Que vient faire ce double paiement dans cette affaire ? s’irrita le juge. Dois-je vous rappeler que nous parlons, à présent, du décès par empoisonnement de l’époux de l’inculpée.
Ce fut ainsi que le nommé Vidabar de Bassanes s’en retourna s’asseoir très rapidement....

M. Guichot, pharmacien à Tarbes.
Il y avait deux ans, M. Lacoste lui avait demandé de la liqueur de Fowler, un médicament extrêmement dangereux. D’ailleurs, ce fut pour cette raison qu’il avait refusé de lui en délivrer, d’autant plus qu’il n’avait aucune prescription médicale.
« Mais il a très bien pu aller s’en procurer dans une autre officine, précisa le pharmacien.
-          En quoi consiste cette liqueur ? interrogea le juge.
-          C’est de l’arsenic de soude ou arsenic dissous par la potasse.
-          Quelle en est la posologie ?
-          Une dose de trois à quatre gouttes. Par contre, M. Devergie est parvenu à la faire administrer à la dose de quatorze à seize gouttes, mais il faut être très précautionneux.

M. Devergie, en effet, admit avoir prescrit ce nombre de gouttes à des patients.

Mme Gardanne de Tarbes.
« J’ai reçu une petite caisse de fioles provenant de M. Lacoste. A mon avis, elles contenaient des remèdes, mais j’en ignorais la nature. Si je me souviens bien, M. Lacoste les nommait, bouteilles de Louis..... ou Saint-Louis.

M. Devergie apporta la précision suivante : « l’hôpital Saint-Louis de Paris utilisent des remèdes arsenicaux. M. Lacoste se procurait-il ses fioles directement à l’hôpital ? Possible, en effet ! »

Joseph Daubas, vétérinaire à Bassouès.
Ce praticien était, à ce qu’il se disait, le médecin du défunt Lacoste.
Incrédulité, sourires, sarcasmes parcoururent la salle à son approche.
Le témoin confirma qu’il voyait souvent Lacoste avec qui il aimait à causer. Un jour, il l’avait rencontré alors qu’il discutait avec M. Vidalot. En apercevant le vétérinaire, Lacoste était venu à sa rencontre, tout joyeux. Il lui avait appris qu’il allait faire un voyage avec sa « petite femme » et il avait ajouté, plein de malice : «  je la mènerai à Bagnères, et c’est bien le diable si, dans neuf mois, je n’ai pas un petit Lacoste. »
Je lui avais fait remarquer, en observant la grosse dartre qui lui envahissait le visage :
« M. Lacoste, avant de voyager, vous feriez bien de vous soigner. Il faut consulter un médecin.
-          Laissez-moi tranquille avec vos bêtises, avait-il répondu, perdant tout à coup sa jovialité, ne me parlez jamais de médecins, même de prêtres d’ailleurs.
Et le témoin, Joseph Daubas, de poursuivre :
« M. Lacoste avait un ouvrage dans lequel il avait trouvé un remède, regrettant seulement que son frère, Philibert, n’en ai pas eu connaissance avant de dépenser des fortunes en consultations de spécialistes à Paris, pour soigner les dartres dont il souffrait aussi, se plaignant qu’il aurait été mieux soigné que par tous ces charlatans, et puis il avait ajouté : « Et en plus, sans toutes ces dépenses en soins inefficaces, j’aurai touché plus lors de la succession. »
Philibert Lacoste prenait des bains avec du sulfure de potasse, un traitement prescrit par le docteur Treilhes. Mais, ce traitement impliquait de ne pas consommer de viande salée, ni de poisson.

Après cette longue tirade, le vétérinaire s’en retourna s’asseoir. Son témoignage avait été des plus éloquents. Apprenant à l’auditoire que Philibert, le frère de Henry Lacoste, était atteint de la même maladie dartreuse et qu’il en était mort. Mort de la maladie ?  Mort des traitements qu’il prenait ?

Vint ensuite, M. Laporte, officier de santé à Magerolles.
Il y avait trois années, cet officier de santé avait soigné M. Lacoste pour une hernie étranglée. C’était le 15 août. M. Lacoste se trouvait chez Vergès, son beau-père. Il n’avait pas eu l’air de se rendre compte de la gravité de son mal. Il avait prescrit au malade des lavements, des saignées, des applications émollientes. Il avait ainsi réduit la hernie.

Jeanne Gauzon, fermière.
Cette brave femme avait vu M. Lacoste pendant sa maladie. Il souffrait beaucoup.
« Alors, je lui ai dit : « Priez le Bon Dieu pour qu’il vous guérisse ! » C’est alors qu’il s’est emporté, me lançant à la figure : « Allez au diable ! Sortez d’ici et ne revenez jamais ! »

Un témoignage qui amusa l’auditoire, au plus haut point.
Même au plus mal, M. Lacoste gardait ses convictions. Mécréant il était, mécréant il resterait quelle que fut la situation. Nom de d’là !!!

Clément Prunier, horloger à Tarbes.
Sa déposition fut jugée inintéressante. Le témoin aussitôt arrivé à la barre s’en retourna sans un mot.

Félix Leblie, avocat à Condom.
Ce témoin avait bien connu Mme lacoste et il la décrivit comme une femme parfaite et bonne, sous tous rapports.

Jean-Baptiste Dubarry, propriétaire.
Cet homme avait une affaire en cours avec Mme Lacoste et ils s’étaient rendus ensemble à Vic pour la régler. Elle lui avait parlé d’un billet de 1 772 francs négocié avec le maître d’école, Meilhan. C’était Meilhan lui-même qui lui avait apporté la somme.

M. Dourdin, facteur aux lettres à Bassouès.
Un témoignage charmant qui disait :
« Lors d’une tournée, j’ai aperçu, sur la grand’route, M. et Mme Lacoste qui s’embrassaient. N’était-ce pas la preuve que le couple était en bons termes ? »

Philippe Filhol, charpentier à Riguepeu.
Tout comme l’horloger Prunier, il ne fit qu’une brève, très brève apparition muette.

Avec le sieur Filhol, la ronde des témoins s’achevait.
La cour se retira quelques instants, tandis que des huissiers apportaient des caisses qu’ils entreprirent d’ouvrir une à une.

·         Pourquoi ces caisses ?
·         D’où venaient-elles ?
Et surtout......
·         Que contenaient-elles ?

Tout l’auditoire avait le regard rivé pour celles-ci, impatient de connaître la suite.....


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