LES EMPOISONNEUSES
L'AFFAIRE LACOSTE
Chapitre 9
Et
voilà, c’était reparti !.....
Danse
des bocaux et flacons contenant des morceaux des divers organes du pauvre défunt.
Les
dames de la bonne société s’approchaient pour voir, observer, écœurées par
avance, le cœur au bord des lèvres, tamponnant un mouchoir parfumé d’eau de
senteur sur leur nez pour contrer les mauvaises odeurs.
Mais,
elles s’empressaient toutes, se bousculant presque. Elles s’en mettaient plein
les yeux afin de tout raconter, avec moult détails, à leurs connaissances lors
d’un repas ou d’une collation.
Mais,
à leur grande déconvenue, aucune odeur nauséabonde ne s’échappait, juste
quelques relents un peu fades. Dommage ! Elles auraient moins à dire....
Lorsque
la cour entra de nouveau en séance, chacun reprit sa place et la parole fut
donnée aux experts, les docteurs Devergie, Flandin et Pelouze qui ne manquèrent
pas de faire un rapport des plus détaillés, comportant grand nombre de termes
techniques, affirmant la présence d’arsenic dans les diverses parties du corps
de feu Henry Lacoste et notamment dans le foie, les muscles, l’intestin .......
Toutefois,
ces hommes de science ne pouvaient attester que la mort était due à un
empoisonnement, mais supputaient que les doses d’arsenic avaient pu être prises
– ou données – pendant de nombreux mois.
Prenant
en compte l’évolution des symptômes de la courte et fulgurante maladie, il
était fort peu probable que la cause du décès fut une indigestion, mais aurait
pu survenir suite à l’étranglement de la
hernie dont souffrait le défunt depuis des années. Mais là encore, cette
hypothèse ne pouvait être qu’écartée.
Alors ?
Et
bien, il ne restait que la mort par empoisonnement !!!.... Quoique .....
Le
docteur Molas, médecin à Auch fit la remarque suivante :
« ...
Mais toutefois, la dose constatée après l’autopsie était bien minime – environ
cinq milligrammes.... D’autre part, monsieur Lacoste était atteint de
plusieurs pathologies et toutes les causes réunies ont pu entraîner la mort....»
Monsieur
Cambrenon, autre médecin, ne prit aucun risque en affirmant que le sieur
Lacoste était, assurément, décédé suite à l’ingestion d’une substance
vénéneuse. »
Cette
remarque, fort judicieuse, déclencha, parmi les personnes présentes dans la
salle d’audition, bien des rires moqueurs.
Avait-on
besoin d’avoir fait des années d’étude pour en arriver à cette
conclusion ?
Monsieur
Molas prit de nouveau la parole :
«
On peut penser que si monsieur Lacoste absorbait un traitement à base
d’arsenic, l’accumulation a pu se faire insensiblement et arriver à une
proportion telle que la mort s’ensuivit. »
Et
voilà, Monsieur Devergie tout à fait en opposition avec son collègue Molas.
En
fait, les avancées de la science, en cette année 1844, ne pouvaient rien
affirmer, d’autant plus que chacun se trouvait dans l’ignorance la plus totale
de la composition des remèdes ingurgités par le défunt, sauf que ces remèdes
auraient pu contenir de l’arsenic. Auraient pu !!!!
Alors,
nouveaux débats :
Si
Monsieur Lacoste n’avait pris ces médications qu’en application ou en friction,
cela aurait été fort peu probable qu’il ait pu s’empoisonner.
Par
contre, si il avait bu quelque portion et en avait exagéré la dose, cela aurait
pu en être autrement.
Des
pommades, Lacoste en appliquait sur ses dartres. Mais ne prenait-il pas,
également, de cette liqueur de Flower, délivrée en flacon ?
Monsieur
Devergie, d’ailleurs, confirma qu’une petite cuillérée à café de cette liqueur suffisait
à donner la mort à dix personnes. Par contre, en petite dose, le corps
éliminant les toxines jour après jour, il n’y avait aucun danger.
Un
malade, impatient de guérir, forçant exagérément la dose, allait vers une mort
à brève échéance.
Il
fut demandé l’avis de Monsieur Filhiol, professeur de chimie à Toulouse.
Cet
homme déclara : « Même à petites doses, mais sur une longue durée,
l’arsenic, par accumulation, peut provoquer des accidents quelquefois
mortels. »
Et
voilà !! Peut-être, il se pourrait, il serait possible .....
Bien
difficile de faire la différence entre :
Décès
dû aux prises médicamenteuses, par
petites ou grandes doses, sur un long terme.
Décès
dû à un acte d’empoisonnement intentionnel.
Alors ?
La
justice se trouvait dans l’impasse !!
Le
réquisitoire de Monsieur le Procureur du Roi s’appuya sur l’horreur d’un tel
crime, car pour lui, il y avait bien eu crime.
Et
pourquoi ?
Euphémie
Vergès, veuve Lacoste, était une jeune femme qui avait épousé un homme beaucoup
plus âgé qu’elle. Et le couple, aux dires de certaines déclarations, ne
s’entendait pas si bien que cela.
La
jeune femme ne se plaignait-elle pas des infidélités de son mari ?
Se
plaignait-elle, cette jeune épousée des avances faites à ses servantes, ou de
l’argent proposé par son mari à ces dernières ?
Et
puis, ce Meilhan, proche du couple. Quel rôle joua-t-il en réalité ?
Bien
trouble et équivoque tout cela !
D’autant
plus qu’entre Meilhan et la veuve, circulaient des sommes d’argent......
Pourquoi
Meilhan donna-t-il ou prêta-t-il de l’argent à Mme Lacoste alors que celle-ci
se trouvait à la tête d’une fortune de plus de 700 000 francs ?
Don
déguisé ? Mais alors, pour quels services rendus ?
Et
la maladie du mari pendant laquelle personne ne pouvait lui rendre
visite ?
En
raison de la volonté du malade, semblait-il.
Foutaises !!
N’était-ce
pas plutôt pour dissimuler quelques mauvaises actions ?
Car
..... le sieur Lacoste n’avait-il pas confié à certains de ses amis qu’il
craignait que sa femme ne l’empoisonnât, pour en épouser un autre ?...
Plus jeune, évidemment !!!
Jalousies infondées
?
Soupçons
justifiés ?
Pensées
prémonitoires suivies de faits ?
Tout
n’avait été que calculs de la part de cette jeune femme, pour rapidement se débarrasser d’un vieux mari
gênant et jouir en toute liberté de la fortune incommensurable des Lacoste.
Et
cet homme, Procureur du Roi, d’achever par :
« Rappelez-vous
enfin que sans les principes de moralité, la société ne saurait exister et que
la plus grande garantie de son maintien repose souvent sur un verdict sérieux,
portant le cachet d’une sévère exemplarité. »
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