Histoire vraie
Chapitre 4
Le roman de Berthe Anna Héon
Veuve, elle l’était deux fois, Berthe
Anna.
Deux fois veuve ! Enfin presque,
puisqu’elle n’était pas mariée avec son second compagnon.
Mais, c’était tout comme, le chagrin
n’en était pas moindre pour autant.
Alors, elle avait dû faire face, seule,
avec trois enfants à charge.
Mais elle n’était pas la seule dans ce
cas-là…..
Elle y croyait pourtant à la « vie
belle »…..
Elle se faisait des illusions, mais les
illusions n’aidaient-elles pas à avancer ?
Sa vie, elle commença étrangement, le 4
octobre 1860 au Havre.
Etrangement, car une erreur fut notée
sur son acte de naissance, la déclarant « fille
de Jacques Préfosse, journalier, âgé de 31 ans et de Octavie Menant, sans
profession, âgée de 26 ans, mariés à Turqueville dans la Manche, le 27
septembre 1857 ».
Ce fut dix-neuf ans plus tard, que, par
jugement en date du 21 juin 1879, cet acte fut rectifié attribuant à Berthe
Anna, le nom de son vrai père : « Jacques
Etienne Nicolas Henry »[1]
Trois années plus tard, Berthe Anna
Henry épousait Pierre Manuel Héon. C’était le 25 octobre 1882, dans la ville du
Havre.
Deux enfants naquirent :
·
Berthe Alexandrine octavie, le 26 juillet 1883
·
Emmanuel Alfred François, le 30 mai 1885
La vie allait son petit train. Pierre
Manuel tenait un petit commerce de vin et la famille ne manquait de rien….
Le destin en décida, hélas, tout
autrement.
Pierre Manuel Héon décéda brusquement, à
l’âge de trente-six ans, le 28 avril 1893, laissant Berthe Anna dans le plus grand des désarrois.
Pour survivre avec ses deux enfants, elle fit des ménages qui lui rapportaient
bien peu.
Ce fut alors qu’elle rencontra Henri
Pierre Gondouin avec qui elle se mit, rapidement, en ménage. Une petite fille
naquit, le 23 novembre 1894, au Havre.
Prénommée Marcelle germaine, son père ne l’ayant pas reconnue, elle porta le patronyme maternel.
Un moment de joie toutefois, le mariage
de Berthe Alexandrine Octavie Héon, la fille aînée, le 21 janvier 1905, avec
Léon Anatole Louis Vandersteen Mauduit Larive[2]. Un beau mariage
assurément.
Deux petites pointèrent rapidement leur
petit bout de nez au foyer des jeunes mariés :
·
Lucienne Frédérique Myriam, en 1908.
·
Jean Léon Moïse, en 1910[3].
Les années-malheurs reprirent, hélas.
Alfred François Héon, le fils de Berthe
Anna, qui demeurait à Paris, dans le 8ème[4], fut retrouvé dans un bois
non loin d’Andernos-les-Bains dans le département de la Gironde, le 9 septembre
1906.
Ce fut le cantonnier, Pierre Savois, qui
découvrit le corps. Il alla tout de suite prévenir le garde-champêtre, Pierre
Robert.
Visiblement, le décès remontait à
plusieurs jours. Le jeune homme fut identifié grâce à une carte de chemin de
fer mentionnant son nom et son adresse.
Un coup dure pour la pauvre mère qui ne
savait que penser de cette mort affreuse : Suicide ?
Assassinat ? Et surtout, dans les deux cas, pourquoi ?
Et la pauvre
Berthe Anna perdit ensuite son compagnon[5], Henri Pierre Gondouin.
La série noire n’aurait donc jamais de fin !
Alors, elle quitta le Havre pour Ermont dans le
Val-d’Oise où elle s’installa au numéro 124 de la rue de la gare.
Là encore, la
déclaration de guerre, en août 1914, apporta sa dose de souffrances
supplémentaires.
Marcelle Germaine Henry, la dernière fille de Berthe
Anna, s’était mise en ménage avec un jeune soldat polonais du nom de
Kovaltchky. Le couple s’était installé dans un petit logement au 165 rue de
Rennes à Paris. Très vite, une naissance s’annonça. Alors que le ventre de la
future maman commençait tout juste à s’arrondir, la nouvelle que toutes les
femmes (mères – épouses – fiancées…)
craignaient, arriva : le soldat Kovaltchky avait été tué au front[6]….
Ne pouvant faire face à deux loyers et souhaitant ne
pas laisser seule sa fille dont la grossesse était difficile, Berthe Anna,
veuve Héon et Gondouin, quitta son domicile
de la rue de la gare à Ermont et vint s’installer rue de Rennes.
Le jour du Vendredi-Saint, 2 avril 1915, Marcelle
Germaine Henry décédait, en mettant au monde des jumeaux qui ne vécurent pas.
Trop ! C’était trop !!
Ne pouvant supporter seule le poids de tant de
souffrances, bien qu’ayant encore une fille et deux petits-enfants, Berthe Anna
se mit en quête d’un nouveau compagnon.
Les petites
annonces !!!!
Il y avait tant d’âmes esseulées qui cherchaient de la
compagnie, voire de l’amour.
Voilà comment elle fit la connaissance d’un monsieur
très bien, Georges Petit.
Elle était ravie, Berthe Anne. Cet homme, très
prévoyant, avait de plus un bon emploi, celui de consul, et grâce à cette
charge, elle allait pouvoir voyager, car Georges Petit venait d’être nommé en
Tunisie.
Toute à son nouveau bonheur, elle présenta son futur à
toutes ses connaissances.
Un jour de promenade, le nouveau couple se rendit donc
à Ermont où ils firent le tour des anciennes amies.
D’abord, visite à madame Victorine Lesieur, son
ancienne propriétaire avec qui elle avait eu tant de conversations très
personnelles et parfois très intimes. A qui, en grand seigneur, Georges Petit
régla tous les arriérés de loyer.
Madame Villiot, une très tendre amie à laquelle elle
était très attachée.
Madame
Alexandrine Garceau, amie sincère également, à qui Berthe Anna confia,
en pleurant, son petit chien. Moment particulièrement émouvant.
Le nouveau couple alla aussi à Eaubonne dire un au
revoir ému à une autre personne chère à Berthe Anne, Madame Jeanne Bridois.
Avant le grand départ, il fallut aussi rendre
l’appartement de la rue de Rennes, et comme il n’était pas possible d’emporter
le mobilier, celui-ci fut vendu à un marchand du faubourg Montmartre, Monsieur
Fervières, pour la somme de huit cent vingt francs.
A la mi-septembre, le logement ainsi vidé, les clefs
furent remises à la concierge, Madame Chouillet qui souhaita à son ancienne
locataire tout le bonheur du monde dans sa nouvelle vie.
Avant de voguer vers la Tunisie, Georges Petit et
Berthe Anna, veuve Héon, s’installèrent dans un petit hôtel rue de Budapest.
Il fallait attendre le départ, et le temps passait
agréablement pour le couple qui faisait de nombreuses promenades.
Le 5 décembre 1915 une balade fut organisée à Gambais.
Ils prirent le train. C’était une belle journée…….
Depuis cette date, personne ne revit Berthe Anna
Henry, veuve Héon et Gondouin.
Berthe Alexandrine Octavie, seule encore en vie,
déclara la disparition de sa mère, mais elle n’eut pas le temps d’approfondir
les recherches, elle décéda l’année suivante, en 1916[7]. Son époux, Léon Anatole
Louis Vandersteen Mauduit Larive[8], la suivit de près, le 10
août 1918.
Berthe Anna n’eût aucune descendance.
[1] L’acte de mariage du 27 septembre 1857 à Turqueville, mentionne bien l’union de Jacques Etienne Nicolas HENRY et Octavie Julie MENANT.
[2] Léon Anatole Louis Vandersteen Mauduit Larive était capiaine au long cours. En 1917, il était enseigne de vaisseau à bord du « Bouvines » à Cherbourg.
[3] Les deux enfants décédèrent le même jour, le 24 juin 1920.
[4] L’adresse sur son acte de décès : rue Jacques Kablé – Paris 8ème.
[5] Henri Pierre Gondouin décéda-t-il ou quitta-t-il Berthe Anna - Tout ce qui est sûr c’est que la jeune femme se faisait appeler veuve Gondouin….. si décès, aucune information sur la date exacte et le lieu.
[6] Rien d’autre sur ce soldat polonais tombé sous le feu ennemi fin 1914.
[7] Pour le décès de la dernière fille de Berthe Anna, pas de date exacte.
[8] Léon Anatole Louis Vandersteen Mauduit Larive décéda à Cherbour-Octeville.
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