mercredi 29 septembre 2021

De feu et de glace !!

 

1783, annus mirabilis ou annus horribilis[1] ?





 

L’Islande, terre de « glace et de feu », abritant de nombreux volcans et plusieurs glaciers.

Grímsvötn est le système volcanique le plus productif d’Islande, alimenté par un volcan central du même nom qui se trouve sous le bouclier de glace Vatnajökull.

 

En Islande, la prochaine éruption volcanique n’était jamais bien loin dans le temps, les Islandais étaient habitués, ils subissaient régulièrement la folie de la terre, une éruption volcanique tous les deux à sept ans.

Aujourd’hui, la fureur de la terre peut être pressentie et la population prévenue, mais avant......

 

 

Le 8 juin 1783.....  Une fissure  de vingt-sept kilomètres – direction sud-ouest / nord-est – où se situent cent-quinze cratères s’ouvrit d’une manière explosive avec projection de pierres et de cendres, puis ce fut, dans un premier temps, une émission de lave dense qui devint de plus en plus fluide.

Environ quinze kilomètres carrés de lave basaltique, une coulée de soixante kilomètres de longueur recouvrant cinq-cent-soixante-cinq kilomètres carrés.

L’éruption se poursuivit jusqu’en févier 1784, mais la majorité de la lave s’écoula jusqu’en novembre 1783. Cinq mois !!

Le volcan Grimsvötn, marquant le début de la fissure du Laki, fut en éruption de 1783 à fin mai 1785.

 

Les cendres recouvrirent l’île, produisant un effet désastreux :

·         De 50% à 80% des animaux d’élevage moururent, entre 1783 et 1785. La moitié des bovins, ainsi que les trois-quarts des ovins et chevaux.

·         La famine, conséquence des cendres contaminant les terres fertiles, en raison de leur teneur en fluor, entraîna la mortalité d’environ 20% de la population islandaise, soit plus de neuf-mille-trois-cents personnes.

Les huit mois qui suivirent le début de cette éruption volcanique furent les plus dévastateurs, en raison d’une émission de gaz sulfurique formant un immense nuage, entraînant d’importantes perturbations climatiques et malheureusement pas seulement en Islande.

Ce nuage empoisonné dériva vers Bergen. Il atteignit Prague le 17 juin, Berlin le 18 juin, Paris le 20 juin, Le Havre le 22 juin et le Royaume-Uni le 23 juin.

 

L’Europe fut ainsi enveloppée d’un étrange brouillard sec et pendant tout l’été, les Européens assistèrent à des levers et couchers de soleil rouge sang. Une odeur de soufre régnait partout provoquant chez les individus les plus fragiles, difficultés respiratoires et irritations des yeux.

Personne ne se doutait qu’il s’agissait de l’épanchement des gaz de l’éruption volcanique islandaise contenant  des millions des tonnes de fluor et de dioxydes de soufre.

 

Un dérèglement climatique s’ensuivit :

·         L'été de 1783 -  l’un des  plus chauds  enregistrés - eut un impact sur les récoltes entraînant, à partir de 1784, disette et misère.

·         L’hiver qui suivît fut des plus rudes. Il gela à pierre fendre pendant de nombreuses semaines, causant de nombreux décès.

·         Cet hiver-là, le Royaume-Uni enregistra huit mille décès de plus qu’à l’ordinaire.

·         Au printemps 1784, l’Allemagne et l’Europe Centrale subirent de nombreuses inondations.

De Caen à Prague, ces inondations furent catastrophiques. A Paris, elles durèrent six semaines.

 

Les autres continents ne furent pas épargnés :

·         En Amérique du Nord, l’hiver 1784 fut long et rigoureux, avec des chutes de neige importantes. La baie de Chesapeake fut prise par les glaces. Le port de Charleston était une immense patinoire.

·         Le sud des Etats-Unis fut balayé par de violentes tempêtes de neige et à la Nouvelle-Orléans, le Mississippi gela. Des blocs de glace flottaient dans le golf du Mexique.

 

D’autres phénomènes furent remarqués tout au long de 1783 :

·         De nombreux tremblements de terre d’une fréquence inhabituelle :

o   En février et mars 1783, une séquence sismique a secoué la Sicile et la Calabre, faisant environ 30 000 victimes.

o   Le 6 juillet 1783, la terre trembla, alors que le brouillard sec était encore très dense, en Franche-Comté, dans le Jura, en Bourgogne et à Genève. Peu de dégâts.

o   Dans la nuit du 7 au 8 août 1783, dans le nord de la France et les zones entre Aix-la-Chapelle et Maastricht, il y eut des secousses sismiques.

o   Le 30 juillet 1783, un autre tremblement de terre important frappa Tripoli, au Liban.

·         Mai 1783, des marins signalèrent l’apparition d’une «  île brûlante nouvellement émergée  » au large des côtes de l’Islande. Cette île émettait de la fumée et  était entourée de pierres ponces flottant à la surface de l’océan. Elle fut appelée Nyey (« nouvelle île »). 

·         Des orages violents avec chutes de grêle et ponctués de multiples éclairs ont tué de nombreuses personnes ainsi que du bétail.

  • ·         Les étoiles et les planètes devinrent invisibles au-dessus de l’horizon.
  • ·         La végétation subit les effets de ce brouillard. Une substance collante se déposa sur les plantes. En particulier vers les 24 et 25 juin 1783, aux Pays-Bas et dans le nord-ouest de l’Allemagne.

·         Des réactions chimiques sur les métaux furent constatées – rouille et apparition d’une couleur verte.

 

Un autre phénomène :

Le 18 août 1783, dans le ciel un météore extrêmement brillant fut visible depuis l’Irlande, l’Écosse, l’Angleterre, la France, la Belgique et les Pays-Bas. Appelé « le Grand Météore de 1783 », il eut une durée inhabituelle.

En mai 1784, Benjamin Franklin, qui  se trouvait à Paris, émit la possibilité que le brouillard sec pourrait avoir été causé par le météore, puis finalement que l’éruption des volcans islandais – soit le Nyey ou l’Hekla – pourrait en être responsable. Des hypothèses qui trouvèrent quelques réponses bien des années plus tard.

  

Le royaume de France, comme nous l’avons vu, n’avait pas été épargné. Il subit un hiver aux températures polaires.

Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes a noté dans ses mémoires :

 « L'hiver de 1783-1784 était d'une rigueur épouvantable. Les églises, les ateliers, les lieux publics étaient fermés. Paris semblait désert. On ne rencontrait plus personne dans les rues. Les riches étaient réduits à brûler leurs meubles pour se chauffer. Les pauvres mouraient de froid dans leurs greniers. La charité même était impuissante : la cassette du roi était épuisée. »

 

A Paris, on enregistra des températures allant jusqu’à -19 degrés. La Seine charriait des glaçons à la mi-décembre et gela pendant huit jours en février 1784.

Sécheresse, orages, grêles et hivers rigoureux se succédèrent entraînant la destruction des récoltes et une extrême misère.

Bien que les caisses de France soient vides, Louis XVI, ému par le sort terrible des Français, fit un geste pour les plus miséreux, mais  ce fut une goutte d’eau dans l’océan. Le peuple de France grondait......

Certains dirent que la Révolution de 1789 fut le résultat de la misère provoquée par les conséquences de l’éruption volcanique islandaise.

Peut-être ou peut-être pas... Des révoltes en France, il y en a eu continuellement au cours des temps. Alors ?

 

Quant à l’Islande, il a fallu attendre les années 1810 pour que sa population retrouve son niveau d’avant 1783.



[1] Année de toutes les merveilles ou année horrible, désastreuse.

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