L'AFFAIRE LAFARGE-CAPELLE
Chapitre 1
« Comme il est laid ! Et quelle tournure ! » pensait
Marie Fortunée en regardant son époux, un verre à la main, pavoiser devant les
hôtes invités à son mariage.
Laid et mal dégrossi !
Mais sa condition ne lui permettait pas de choisir celui avec lequel
elle aurait aimé partager tous ces moments intimes et auprès duquel elle aurait
aimé vieillir. Non !
L’amour, elle en avait pourtant rêvé. Elle avait même cru le voir dans
les yeux du jeune comte Charpentier. Mais, ce dernier, même si il semblait
apprécier sa compagnie, n’était pas pressé de convoler.
Oui, elle aurait pu....... Et bien des pensées confuses affluaient en
ce jour qui aurait dû être jour de bonheur.
Oui, elle aurait aimé avoir un mari autrement fait, correspondant plus
à ses souhaits, plus à la jeune femme qu’elle était. Ne disait-on pas d’elle
qu’elle était charmante, pas belle, certes, mais au physique agréable, au
maintien parfait, à l’éducation sans reproche, possédant une instruction lui
permettant de tenir une conversation en société. De plus, excellente pianiste,
elle était dotée d’une jolie voix.
Mais toutes ces qualités ne suffisaient pas, loin s’en faut ! Il
y avait ce petit détail pesant lourd
dans l’escarcelle matrimoniale, le montant de la dot de la jeune fille à marier,
et là, Marie Fortunée ne pouvait rivaliser.
Les jeunes filles, dans ce cas, n’avaient qu’un choix limité, entre
quelques prétendants, parmi lesquels elles choisissaient le « moins
mauvais ». Trop de refus envoyaient la récalcitrante directement au
couvent.
Qui était cette jeune femme nommée Marie Fortunée Capelle[1] ?
Pour le savoir, il faut remonter vingt-trois années en arrière.
Marie Fortunée Capelle avait vu le jour à Paris, au 17 rue des
Courcelles, le 15 janvier 1816.[2]
Son père, Antoine Laurent Capelle, de petite noblesse, militaire de
carrière, avait épousé en novembre 1814, la demoiselle Edmée Caroline Fortunée
Alexis Collard de Montjouy.
Marie Fortunée et sa sœur, Jacqueline Pauline, grandirent au château
familial de Villers-Hélon dans l’Aisne.
Le premier drame familial fut le décès du père, lors d’une partie de
chasse, le 10 novembre 1828.
Edmée
Caroline Fortunée Alexis Collard de Montjouy se
remaria le 27 novembre 1829 à Villers-Hélon avec Eugène Louis de Coehorn.
Deux autres enfants arrivèrent au foyer, encore deux petites
filles :
·
Louise Jeanne le 12 mai 1831
·
Mélanie Elisabeth le 1er mai 1834[3]
Le sort s’acharna à nouveau,
car Edmée Caroline Fortunée Alexis Collard de Montjouy, veuve Capelle, épouse de Coehorn, décéda le 5
février 1835 à Strasbourg.

L’éducation que reçut Marie Fortunée fut des meilleures. Elle
aimait la musique, la poésie.... Elle aimait à rêver également. Des rêves
d’amour et de vie aisée, de voyages et de réceptions.
Des demandes en mariage, elle en eut, mais aucun des prétendants
ne trouva grâce à ses yeux. Et puis, il y eut ce jeune homme, Denis Guyot qu’elle avait rencontré dans l’église
de la Madeleine. Ils s’écrivirent, un temps. Echange de lettres découvert par
l’oncle Garat qui aussitôt mit fin à tout cela, par une seule question : « Désirez-vous
épouser ma nièce ? ». Le jeune homme ne se sentait pas prêt à fonder
une famille.
Et puis, il y avait eu ce vol de bijoux ! Décidément, cette
jeune femme semblait bien rebelle, indomptable, incontrôlable...
A vingt-trois ans, il
était grand temps qu’elle prit époux.
Son oncle, le Baron Garat, gouverneur de la Banque de France,
contacta une agence matrimoniale.
En raison de sa position, pensa-t-il que sa demande serait plus
sérieusement étudiée, lui évitant de fâcheux déboires par la suite ?
Marie eut-elle connaissance de la démarche de son oncle ?
Assurément !
Ce fut ainsi que Marie Fortunée fit la connaissance de Charles
Pouch-Lafarge, un entrepreneur originaire de Corrèze, en voyages d’affaires à
Paris.
Charles Lafarge avait vu
le jour le 31 mai 1811 à Vigeois en Corrèze.
Maître de forges, il vivait à Beyssac, dans une grande demeure qu’il
appelait son château, demeure connue sous le nom de « Le Glandier ».
Il exerçait également la fonction de maire dans cette commune de Beyssac,
comptant environs mille âmes.
Un mariage convenu. Un mariage sans amour. Un mariage qui garantissait
à Marie Fortunée la position de « femme mariée », et à Charles
Lafarge la possibilité de renflouer son entreprise qui croulait sous les
dettes.
Le montant de la dot fut-il négocié âprement entre le baron Garat et le
futur ?
Un arrangement qui s’avéra au final satisfaisant pour le futur qui reçut
80 000 francs-or, montant de la dot de Marie Fortunée.
Un arrangement bien loin des rêves de la future mariée.
La cérémonie eut lieu le 11 août 1839 en la cathédrale Notre-Dame de
Paris.
Le surlendemain, le couple partait pour la Corrèze. Tout le long du
chemin, Marie Fortunée ne pensait qu’au château dont lui avait parlé son époux,
imaginant le décorer à sa façon et y organisant de grandes fêtes.
Dans la voiture roulant vers son destin, Marie Fortunée, bercée par
les cahots du chemin, se laissait aller à la rêverie..........................
[1] On trouve également l’orthographe : Cappelle.
[2] Le 2
août 1821, le couple eut une autre petite fille, prénommée Jacqueline Pauline
Hermine Alexis Antonine. La naissance eut lieu à Villers-Hélon dans l’Aisne.
Elle se maria le 29 décembre 1842 à Paris, avec Michel Félix Deviolaine.
[3] Les deux fillettes naquirent à Villers-Hélon. Louise
Jeanne décéda serait décédée à l’âge de trois ans.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de votre commentaire. Il sera lu avec attention.