mercredi 9 décembre 2020

HISTOIRE VRAIE - DANS CETTE PREMIERE PARTIE DU XIXème SIECLE - Chapitre 3

 

Louis Vergnault, marchand de bière à Niort

 

Chapitre 3

 

Chaque année, pour renforcer les effectifs de l’armée, en fonction des besoins en hommes, un tirage au sort était effectué, au chef-lieu de canton, parmi les jeunes hommes nés vingt ans plus tôt. De petits rectangles de papier numérotés pliés en quatre étaient retirés par chaque futur appelé. Puis lorsque l’urne avait été vidée, chaque homme ayant en main le papier fatidique, un nombre était annoncé à haute voix par un huissier.    

Au-delà de ce nombre, les hommes étaient exempts, mais avant celui-ci,  il leur fallait partir[1]. Bien évidemment, il était possible à certains, les plus aisés, de se faire remplacer par un autre qui, lui, par manque d’argent voyait là une aubaine de se remplir les poches[2].

 

Louis Vergnault n’attendit pas le « tirage au sort ». La tête pleine des récits de gloire qu’il avait entendus, dès l’âge de vint ans, il s’engagea. Il fut affecté dans l’infanterie légère[3].   

 

Mais une fois dans les rangs, la vérité fut bien autre.

Ah, il pouvait le dire, du pays, il en vit car il parcourut, à marche forcée, bien des milles, mal chaussé, le lourd paquetage sur le dos, et cela qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou qu’il gèle à pierre fendre.

 

Tout comme ses camarades, il avait souvent le ventre vide, car l’intendance ne suivait pas toujours pour ne pas dire, pas souvent voire jamais. Le ravitaillement avait toujours du retard. Les ventres gargouillaient, les estomacs se tordaient, la fatigue arrivait, les jambes flagellaient, la tête tournait, mais il fallait avancer.

 

Les bivouacs !! Pas de tentes pour s’abriter la plupart du temps. Elles étaient réservées aux gradés. Quand il y avait une couverture pour chacun, c’était déjà bien. Alors, après avoir cherché un endroit sec pas trop loin d’un feu de camp, Louis Vergnault s’enroulait dedans et cherchait le sommeil qui souvent tardait à venir. A ce moment, il se demandait où se trouvaient ses rêves de gloires.

 

Quant aux filles, parlons-en !!

Celles qu’il voyait, celles qui acceptaient un échange rapide à la sauvette contre de l’argent, ne donnaient ni amour, ni tendresse, à peine un instant d’attention. De ces brèves relations charnelles, un risque et pas le moindre, recevoir en cadeau ce « mal de Naples » qui décimait les armées.

Ces filles s’introduisaient dans le camp à la nuit tombée. Le règlement interdisait leur venue, car les hommes se battaient pour obtenir leurs faveurs.

Un seul havre de paix toutefois, celui autour de la cantine où la cantinière écoutait les soldats, les consolait et donnait à certains quelques privilèges intimes.

 

Le soir au bivouac, les hommes fumaient, prenaient connaissance des nouvelles dans les journaux, lisaient leur courrier. Il y en avait toujours un qui savait lire et qui aidait ceux qui n’avaient pas cette chance. Un autre aussi écrivait, sous la dictée, un message se voulant rassurant, à leur famille. Aucune mention en rapport avec leurs déplacements ne devait être révélée.

 

Les soldats jouaient aussi aux dès, aux cartes, mais il était formellement interdit de miser de l’argent. Trop de bagarres en cas de lourdes pertes !! Alors, les joueurs se servaient de cailloux ou encore de haricots secs[4]

 

Quand la solde arrivait et que la troupe avait quartier libre, Louis Vergnault avec d’autres se rendait à la ville voisine, où la presque totalité de l’argent reçue passait dans l’alcool et les filles......

Beaucoup d’empoignades pour des broutilles  lorsque l’alcool échauffait les esprits.

 

A bien réfléchir, Louis Vergnault ne connut pas la gloire escomptée.

Il vit du pays, certes, mais en revenant au pays son temps achevé, il se retrouvait désillusionné, un tantinet amer et sans un sou.

 

 A suivre ......



[1] D’où l’expression « tirer le mauvais numéro ». Sous Napoléon, le Premier, les hommes partaient 7 ans.

[2] Lorsque « le numéro était racheté », un contrat se faisait chez un notaire. Ce contrat stipulait la somme donnée à la signature du contrat et parfois d’autres clauses : le montant alloué en cas de décès versé à la famille – parfois une pension en rente viagère en cas de blessures handicapantes......

[3] Une ordonnance du 23 octobre 1820 crée 20 régiments d'infanterie légère. Une ordonnance du 28 août 1831 créé le 3e bataillon du 19e léger. Sur le registre militaire qui mentionne Louis Vergnault ne figure que « engagé » et son affectation « 19è léger ». De ce fait, il est très difficile de retracer son parcours militaire.

 

[4] D’où l’expression « la fin des haricots » annonçant qu’un joueur n’avait plus de quoi miser, et donc qu’il avait perdu.

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