mercredi 30 novembre 2022

Les derniers condamnés à mort dans l'Eure et en Seine-Maritime - Marie-Ernest Gilles - quatrième partie

 



Quatrième condamné, un nommé Marie-Ernest Gilles


Quatrième partie

 

 






Arrêté et incarcéré à la prison de Pont-Audemer, les interrogatoires se succédèrent et, peu à peu, la résistance de Marie-Ernest Gilles fléchit.

Toutefois, à chaque interrogatoire, les versions changées.

Gilles se sentait pris au piège, et son mal-être grandissait.

 

Le 9 mars 1893, le prisonnier fut découvert par un des gardiens de la prison, baignant dans son sang[1]. Il avait arraché à son lit un morceau de fer et, muni de cette arme improvisée, s’était sectionné l’artère humérale.

Il fut transporté à l’hôpital dans un état critique. L’intervention du gardien avait évité le pire, Gilles survécut.

 

De retour en captivité et se sachant perdu face aux accusations pesant sur lui, Gilles n’avait pas écarté l’idée d’attenter à sa vie. Il élabora alors une autre stratégie qui consistait à rester plusieurs jours sans absorber de nourriture, puis à dévorer avec gloutonnerie[2]. Ce régime, répété plusieurs fois, eut un effet désastreux sur le système digestif du prévenu : fortes douleurs gastriques et intestinales accompagnées de malaises. Douloureux mais nullement mortel.

 

N’obtenant aucunement les résultats escomptés, Gilles finit par ingurgiter le pétrole contenu dans la lampe de sa cellule. Par contre, là, son état fut jugé très inquiétant, car le suicidaire se mit à vomir du sang.

 

Entre les périodes d’hospitalisation, les interrogatoires se poursuivaient.

 

Au cours de l’un d’eux, Marie-Ernest Gilles avoua que......

 

En effet, il s’était bien rendu, le 26 février 1893 au soir, chez la femme Lelièvre. Il devait être sur les huit heures du soir. La jeune femme et sa domestique étaient à table. Vers les neuf heures, la domestique regagna sa chambre et ne tarda pas à s’endormir.

À minuit, on avait frappé à la porte.

Qui cela pouvait bien être à une heure pareille ?

Sans méfiance, Gilles avait ouvert la porte. Devant lui, deux hommes. L’un d’eux lui avait administré un coup-de-poing au visage qui l’avait fait tomber sans connaissance.

 

« Vous connaissiez ces deux hommes, lui demanda un inspecteur.

-          Pas du tout.

-          Et après, que s’est-il passé ?

-          Revenant à moi, j’ai constaté les crimes. Les deux hommes s’en étaient pris à la femme Lelièvre qui, effrayée, s’était enfuie dans la cour. La porte donnant sur l’arrière de la maison était ouverte. Je l’ai trouvée, sans vie dans la mare. La servante, elle, était morte, dans son lit.  Je me suis enfui, oui, je ne pouvais plus rien faire et j’avais peur.

 

Cette version ne satisfit nullement les enquêteurs.

Deux hommes en pleine nuit, venus dont ne savait d’où.

Pour tuer deux femmes ?

Et pourquoi ?

Et surtout pourquoi avaient-ils laissé Marie-Ernest Gilles en vie ?

 

Il fallut quelques jours supplémentaires pour obtenir ce qui était plus vraisemblablement la vérité.

 

Gilles s’était effectivement rendu chez la femme Lelièvre ce 26 février 1893. Lorsqu’il entra dans le logis, la jeune femme était attablée avec sa servante pour le repas du soir.

À neuf heures, la femme Lefranc alla se coucher.

«  D’ailleurs, avait précisé Gilles dans cette nouvelle version des faits, il était grand temps, car elle était complètement ivre. »

 

Complètement ivre ? Voilà sans doute la raison pour laquelle cette femme n’avait rien entendu de ce qui s’était passé ensuite.

 

Cette version ne mentionnait plus les coups frappés à la porte, pas plus que l’entrée fracassante de deux hommes frappant Marie-Ernest Gilles au visage, le laissant sans connaissance, étalé sur le sol.

 

Et par la suite, voilà cette nouvelle version – une de plus - que conta le prévenu[3].

 

Après que Virginie Célanie Lefranc  se soit retirée dans sa chambre, une dispute avait éclaté entre Marie-Ernest et Rosine Célina, la supposée maîtresse qui ne l’était peut-être pas.

La cause de cette dispute ? Gilles resta hermétique la concernant.

 

Hors de lui, le jeune homme, s’armant du couteau qui se trouvait sur la table, se rua sur Rosine Célina et la poignarda.

 

Son meurtre accompli, il traîna le corps dans la cour et alla le jeter dans la mare.

Revenant dans le logis, il se rendit dans la chambre de la domestique qui, à son entrée, se réveilla. Effrayée en apercevant le jeune homme aux vêtements couverts de sang, elle se mit à hurler. Pour interrompre ses hurlements, Gilles lui avait tranché la gorge.

 

« Je ne voulais pas laisser de témoin. La servante aurait certifié que j’étais présent dans la maison, ce soir-là, avait conclu Gilles. »

 

Gilles s’était ensuite rendu chez la veuve Huchon, maîtresse en titre, et dont il souhaitait faire son épouse.

 

Le jour de son procès, Gilles revint sur cette dernière déposition, remettant en avant la venue de deux individus au domicile de Rosine Célina Lelièvre.



[1] Information trouvée dans le journal « le Radical » en date du 9 mars 1893.

[2] Information trouvée dans le journal « le figaro », en date du 27 mars 1893.

[3] Cette nouvelle déclaration a été rapportée par le journal « Le Figaro » en date du 16 avril 1893.

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