Alphonse Désiré Caillard, le père du suspect, était un honnête homme, un excellent ouvrier, très estimé de ses patrons. Et pour preuve, il était resté vingt années chez un patron et dix années chez un autre.
Il avait épousé Eléonore
Euphrasie Bonneville. Très vite, il s’aperçut qu’il avait fait une mauvaise
union.
Toutefois, quatre enfants étaient
nés. Deux filles et deux garçons.
L’aînée, Louise Alphonsine qui
n’avait jamais posé de problèmes, avait épousé un fossoyeur des environs. La
seconde fille, plus jeune, avait eu un enfant, au hasard d’une rencontre. Elle
était partie, un jour, abandonnant le petit qui avait été placé dans une
famille.
Alphonse Caillard était le second
enfant du couple. Il vit le jour le 16 mars 1871 à La Madeleine-de-Nonancourt
dans l’Eure.
Un autre fils, Victor Eugène, né
dix ans plus tard, avait fait un séjour dans une maison pénitentiaire.
Alphonse Caillard s’éleva un peu
tout seul, courant les champs.
Un père travaillant durement tout
au long du jour pour gagner l’argent du ménage.
Une mère, absente du foyer car, disait-on,
courant le guilledou. D’ailleurs, selon les commérages, le père biologique
d’Alphonse était un cheminot qui vivait « dans l’intimité de la mère[1] »
et à qui il ressemblait beaucoup.
Après l’école qu’il ne fréquenta
qu’avec parcimonie, le jeune Caillard entra en apprentissage chez monsieur
Levasseur, entrepreneur de maçonnerie où travaillait Caillard–père. Celui-ci
pensa qu’ayant un œil sur son fils, il pourrait plus facilement le canaliser.
En effet, ce fils, depuis son
plus jeune âge, d’un « caractère
sournois, hypocrite, vindicatif, querelleur, montrait une grande perversité[2] ».
Mais malgré la présence
paternelle, le jeune apprenti continua à
multiplier les méfaits, à tel point qu’il fut renvoyé.
À la suite de ce licenciement, le
jeune Caillard fut embauché dans la filature de Monsieur Maris à Nonancourt.
Son emploi, rattacheur[3]
à mi-temps, l’autre demi-journée le jeune employé devait fréquenter l’école. Ce
qu’Alphonse Caillard ne respecta nullement, préférant galvauder de-ci-de-là,
effectuant chapardages, saccages et mutilations d’arbres fruitiers.
Après avoir sermonné plusieurs fois l’ouvrier, le contremaître, Théophile Morlet, voyant qu’il n’arriverait à rien avec ce mauvais sujet, lui signifia son renvoi.
Plus d’emploi, plus d’argent pour
vivre !
Commença alors pour le jeune
Caillard une période d’errance et de nombreux délits.
Son plaisir d’un moment fut de se
placer sur le parapet surplombant la ligne de chemin de fer Paris-Granville et
de lancer des cailloux sur les wagons. Il alla jusqu’à déposer une traverse sur
les rails.
Un temps, il retourna travailler
dans une autre filature.
Accusé de vols à plusieurs
reprises, il fut arrêté par les gendarmes et écopa de six mois de prison.
Sa peine purgée, il fut appelé
sous les drapeaux, mais de faible constitution, il fut ajourné, puis réformé.
Il quitta alors sa région natale.
Avait-il l’intention de commencer
une autre vie, honnête celle-ci ?
À Franqueville, il embaucha
dix-sept mois dans une entreprise, sans qu’il ne lui fût fait aucun reproche.
Mais, il vola son patron....
Dehors !
Instable, n’arrivant à se fixer,
préférant le vol à l’effort soutenu d’un emploi stable, le jeune homme enchaîna
toute sorte de petits boulots.
En 1896, passant par Nassandre,
il se présenta à la sucrerie.
« Y-a-t-il de
l’embauche ? s’enquiert-il
–
Toujours pour ceux
qui veulent travailler ! lui fut-il répondu.
–
Ça m’va !!! affirma Caillard.
Oui, mais ce « ça m’
va » ne dura que six semaines.
Après ce délai, il reprit la
route.
Puis il y eut l’affaire
d’Ouville-la-rivière.......
[1] Journal la Justice du 14 avril 1898.
[2] Infos trouvées dans les journaux :
« l’express du midi » et « la presse » en date du 9 juillet
1898.
[3] Rattacheur : jeune garçon (ou jeune fille) chargé
de se faufiler derrière les métiers à tisser sans que les navettes de ceux-ci
soient arrêtées, afin de rattacher les fils qui avaient cassé. Compétences
requises : être fluet et agile.
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