mercredi 30 août 2023

Un crime des plus horribles - Chapitre 5 – Ouville-la-bien-Tournée.

Sosthème Alexandre Nicolas avait mis en location la petite maison appartenant aux parents de son épouse, Félicie Joséphine, née Dumont.

En effet, au décès de son beau-père, Louis Isidore Dumont[1], sa belle-mère, Marie Anne née Lallier avait souhaité rester dans ses meubles, dans ses souvenirs. Elle était encore alerte, cela ne posa pas de problème d’autant plus que la maison se situait à quelques pas de chez ses enfants.

Quand Marie Anne, veuve Dumont, avait été dans l’incapacité de s’occuper de son intérieur, le couple Nicolas lui avait attribué une chambre chez eux.

La location de la petite maison devenue vacante procurerait ainsi quelques revenus à la vieille dame jusqu’à son décès.

 

Le couple Nicolas était considéré par tous comme de braves gens.

Le cœur sur la main.

Sosthème Alexandre et Félicie Joséphine avaient convolé le 28 février 1856 dans la commune d’Ouville-la-bien-Tournée[2] où la mariée avait vu le jour.

À la retraite[3] à présent, ils vivaient modestement des revenus de leur propriété. N’ayant pas voulu vendre la maison de leurs parents afin de ne pas diviser leur petit domaine, les époux Nicolas, après le décès de leur belle-mère[4] et mère, avaient continué à louer le petit logement à un prix modeste.

 

À la fin de l’année 1894, un ouvrier fileur, venant d’embaucher dans une filature toute proche, se présenta chez les Nicolas, ayant entendu dire qu’ils louaient un petit logement.

 «  J’ me nomme Alphonse Caillard, j’ travaille non loin d’ici. Paraît qu’ vous avez un logement à louer ? demanda-t-il tout souriant.

        Oui ? répondit Sostème Alexandre, c’est la p’tite maison juste là sur le côté.

        C’est ben calme, ici ! Ça m’convient !

Le lieu convint, le montant du loyer également.

L’affaire fut rondement menée. Alphonse Caillard s’installa le soir même.

Les rapports de voisinage s’avérèrent bons. Tout le monde y trouva son content.

 

 

Des lueurs inhabituelles illuminèrent le ciel sans lune dans la nuit du 14 au 15 février 1895[5].

Les voisins surent immédiatement qu’il s’agissait d’un incendie, fléau tant redouté.

Mais, quand ils arrivèrent sur les lieux, les flammes avait une telle ampleur qu’il était impossible d’approcher.

Un brasier ! Un énorme brasier !

Une chaleur étouffante !

Une fumée suffocante !

 

L’inquiétude était immense. Personne n’avait vu le couple Nicolas.

« Ils ont été piégés dans leur sommeil, à tout coup !

        Pas possible de leur porter secours.

        Les pauvres, brûlés vifs dans leur maison !

        Y’a rien à faire, faut laisser l’feu s’éteindre de lui-même !

 

Et chacun commentait l’horrible événement, impuissant devant le désastre.

 

Un accident, cela ne pouvait être qu’un accident !

Une braise qui avait éclaté et atteint un tissu, un fagot.

Une bougie qui était tombée.

C’était malheureusement fréquent.

 

Au matin du 15 février, lorsqu’enfin il fut possible de pénétrer les lieux jonchés de débris encore fumants, deux cadavres calcinés furent découverts. Mais, oh stupeur ! Quelle découverte ! Les deux corps présentaient des traces de violence.

 

Après un examen minutieux, il s’avéra que Félicie Joséphine  dont la tête avait été enveloppée dans un sac en toile lié au cou par une corde, présentait des coupures profondes sur le cuir chevelu effectuées avec une faucille, découverte près de son corps.

Quant à Sosthème Alexandre, présentant le même type de blessures, il avait été étranglé avec une ficelle.

Visiblement, quelqu’un s’était introduit dans la maison à la faveur de la nuit avec l’intention de voler, mais les époux endormis s’étaient réveillés. Le malfaiteur, après avoir assassiné les propriétaires du lieu, avait mis le feu à la maison pensant ainsi maquiller son horrible crime en accident.

 

Dans cette commune sans histoire, le fait anéantit toute la population.

Qui était l’auteur de cet abominable carnage ?

 

Les soupçons se portèrent immédiatement sur le locataire des Nicolas, Alphonse Caillard.

Pourquoi ?

Des vêtements maculés de sang avaient été retrouvés à son domicile.

Il n’avait pas été travailler cette nuit-là à la fabrique, se disant malade.

D’autre part, son passé parsemé d’actes de délinquance ne plaidait pas en sa faveur.

Alphonse Caillard, ainsi fortement suspecté, fut arrêté et écroué à la prison de Lisieux.


 

Alphonse Caillard comparut à la Cour d’assises du Calvados, en août 1895 sous l’inculpation de : Assassinat de deux personnes.

 

Les preuves contre lui étaient bien minces, voire inexistantes. Il n’y avait que des suppositions.

Alors, fautes de preuves tangibles, Alphonse Caillard fut acquitté et remis immédiatement en liberté.

Il allait pouvoir poursuivre son chemin .......

 

 

Actes de décès des époux Nicolas

 

Acte de décès du 15 février 1895

NICOLAS Sosthème Alexandre

62 ans – 9 mois – propriétaire - né à Ecajeul- le Mesnil-Mauger le 26 avril 1832

Fils de NICOLAS Jean et CHEMIN Marie Magdeleine

Epoux de DUMONT Félicie Joséphine

A été trouvé assassiné, puis brûlé.

 

Acte de décès du 15 février 1895

DUMONT Félicie Joséphine

Agée de 58 ans et 6 mois – née à Ouville-la-bien-Tournée le 5 septembre 1836

Fille de DUMONT Louis Isidore et LALLIER Marie Anne

Épouse de NICOLAS Sosthème Alexandre

A été trouvée assassinée, puis brûlée.

 



[1] Louis Isidore Dumont est décédé à Ouville-la-bien-Tournée, le 5 février 1879.

[2] Ouville-la-bien-Tournée, commune entre Saint-Pierre-sur-Dives et Crève-Cœur-en-Auge, dans le Calvados.

[3] Sosthème Alexandre avait exercé le métier de cantonnier, il devait aussi toucher une petite retraite.

[4] Marie Anne Lallier n’est pas décédée à Ouville-la-bien-Tournée, ni à Saint-Pierre-sur-Dives. Je n’ai donc aucune date de décès. Ce que je peux affirmer, c’est qu’elle apparaissait encore sur les recensements d’Ouville-la-bien-Tournée, en 1886. Agée de 82 ans, elle vivait chez ses enfants. Seule certitude, Elle est décédée entre 1886 et 1891.

[5] Les événements relatés ci-après proviennent des articles parus dans les journaux : « l’Est républicain » du 20 février 1895 – « l’Univers » du 31 mars 1898.

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