La Cour d’assises de la
Seine-Inférieure se trouva saisie de l’affaire Fez, par suite de la cassation
d’un arrêt précédemment rendu par la Cour d’assises de l’Eure, pour vice de
forme.
Le verdict de la Cour d’assises
de l’Eure avait été prononcé contre l’accusé par une condamnation à mort.
Second procès.
Cour d’assises de la
Seine-Inférieure.
Audience du 11 mai.
Sous la présidence de Monsieur le
Conseiller Fournot.
Monsieur Hardouin, avocat
général, occupant le siège du ministère public.
Maître Demange du Barreau de
Paris, défendant, comme lors du procès précédent, les intérêts de son client,
Adolphe Émil Fez.
L’accusé, un homme de petite
taille, à la physionomie ingrate, mais dénotant une certaine intelligence, les
joues creuses, à l’attitude et la pose paraissant être celle d’un homme étrange
et non pas animé d’instincts féroces[1],
déclina tout d’abord son identité.
Le Président de séances précisa
ensuite les faits et circonstances du drame du 18 juin 1876 ayant
entraîné :
La mort de deux personnes :
La dame Fez, née Bâton, épouse de
l’accusé, décédée le 23 juin 1876 après avoir reçu une balle de revolver dans
la moelle épinière.
Monsieur Eugène Lemaire, voisin
de l’accusé, atteint en pleine poitrine d’une balle provenant de la même arme,
décédé immédiatement.
Madame Lemaire, née Joséphine
Eulalie Modeste Ruffin, touchée à l’épaule se remettant doucement de cette
blessure, également par balle.
Adolphe Émil Fez reconnut les
faits et se dit responsable de ses actes, sous l’emprise d’une violente
jalousie.
La question de circonstances
atténuantes possibles fut alors posée.
L’avocat général ne le pensait
pas et demanda la peine capitale, disant :
« Adolphe Émil Fez était au
moment des faits totalement conscient de ses actes, n’avait-il pas acheté cette
arme quelque temps avant ? N’avait-il pas, même, plus ou moins, prémédité
son acte, du moins envers son épouse ?
Maître Demange plaida en faveur
d’un acte irraisonné, son client étant aveuglé par la jalousie, cette jalousie
qui lui avait fait perdre tout sens commun, tout sens moral. Un coup de
sang ! Quant à la préméditation, cela n’était pas raisonnable de la
concevoir, Adolphe Émil Fez n’avait rien contre ses voisins.
Le Président conclut alors[2] :
« Le crime est
certain, avoué. L’accusé est responsable puisqu’il avait la plénitude de son
intelligence et de sa liberté. Toutefois, y a-t-il une atténuation possible en
sa faveur ? Cette jalousie contraire au bon sens et à toute raison,
n’est-elle pas la marque d’un esprit au moins mal équilibré ?
Sur ces paroles, le jury sortit
pour délibérer et déclara après cette délibération que l’accusé Adolphe
Émil Fez était coupable, avec toutefois le bénéfice des circonstances
atténuantes.
Adolphe Émil Fez fut condamné aux
travaux forcés à perpétuité.
Un document très important nous
apprend énormément sur Adolphe Émil Fez, il s’agit de sa fiche d’écrou de Rouen – n° 8360 – en date de mai 1877.
Fez Adolphe Emile[3]
Fils de Pierre et Sophie Pichoux
Né et demeurant à Courtemanche
(Eure)
Cultivateur
Entré le 20 avril 1877
30 ans – 1 m 66 – teint pâle.
2 cicatrices au menton – estropié
du bras gauche.
Vêtu du costume pénal.
Mention :
Aujourd’hui, 20 avril 1877, s’est
présenté au greffe de la maison de Justice de Rouen, le sieur Gueroult
gendarme, porteur d’un ordre délivré par monsieur le Procureur Général, sous la
date du 18 avril 1877 en vertu duquel il m’a été fait la remise de la personne
du nommé FEZ Adolphe Émile, ainsi que le constate l’acte qui m’a été présenté
et dont la transcription se trouve ci-contre[4].
Transcription des
jugements :
Par arrêt de la Cour d’assises de
la Seine-Inférieure en date du 11 mai 1877, le nommé FEZ Adolphe Émile âgé de
30 ans, né à Courtemanche (Eure), demeurant à Courtemanche (Eure), cultivateur
déclaré coupable d’avoir à Courtemanche le 18 juin 1876 commis deux homicides
et deux tentatives d’homicides volontaires, le tout avec préméditation et
concomitance, a été condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité en
vertus des articles 295 -296 – 302 – 304 et 463 du code pénal.
Le dit a commencé à subir sa
peine le 16 mai 1877, jour où l’arrêt est devenu définitif.
Date de sortie de la prison, le
26 mai 1877.
Transféré à Saint-Martin-de-Ré
par nous, agent comptable de la voiture cellulaire n°21.
Signé : Bauer
[1] La description d’Adolphe Émil
Fez provient de l’article du
« Journal des débats politiques et littéraires » en date du 14 mai
1877.
[2] Journal « la presse » du 18 mai 1887
[3] Le prénom est écrit avec un E final dans le registre.
[4] Ci-contre sur le document étant les informations se
trouvant ci-dessus dans le récit.
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