mercredi 1 novembre 2023

Courdemanche, une triste affaire. Chapitre 4 – Tribunal de Rouen.

 


La Cour d’assises de la Seine-Inférieure se trouva saisie de l’affaire Fez, par suite de la cassation d’un arrêt précédemment rendu par la Cour d’assises de l’Eure, pour vice de forme.

Le verdict de la Cour d’assises de l’Eure avait été prononcé contre l’accusé par une condamnation à mort.

 

Second procès.

Cour d’assises de la Seine-Inférieure.

Audience du 11 mai.

Sous la présidence de Monsieur le Conseiller Fournot.

Monsieur Hardouin, avocat général, occupant le siège du ministère public.

Maître Demange du Barreau de Paris, défendant, comme lors du procès précédent, les intérêts de son client, Adolphe Émil Fez.

 

L’accusé, un homme de petite taille, à la physionomie ingrate, mais dénotant une certaine intelligence, les joues creuses, à l’attitude et la pose paraissant être celle d’un homme étrange et non pas animé d’instincts féroces[1], déclina tout d’abord son identité.

Le Président de séances précisa ensuite les faits et circonstances du drame du 18 juin 1876 ayant entraîné :

La mort de deux personnes :

La dame Fez, née Bâton, épouse de l’accusé, décédée le 23 juin 1876 après avoir reçu une balle de revolver dans la moelle épinière.

Monsieur Eugène Lemaire, voisin de l’accusé, atteint en pleine poitrine d’une balle provenant de la même arme, décédé immédiatement.

Madame Lemaire, née Joséphine Eulalie Modeste Ruffin, touchée à l’épaule se remettant doucement de cette blessure, également par balle.

 

Adolphe Émil Fez reconnut les faits et se dit responsable de ses actes, sous l’emprise d’une violente jalousie.

 

La question de circonstances atténuantes possibles fut alors posée.

 

L’avocat général ne le pensait pas et demanda la peine capitale, disant :

« Adolphe Émil Fez était au moment des faits totalement conscient de ses actes, n’avait-il pas acheté cette arme quelque temps avant ? N’avait-il pas, même, plus ou moins, prémédité son acte, du moins envers son épouse ?

 

Maître Demange plaida en faveur d’un acte irraisonné, son client étant aveuglé par la jalousie, cette jalousie qui lui avait fait perdre tout sens commun, tout sens moral. Un coup de sang ! Quant à la préméditation, cela n’était pas raisonnable de la concevoir, Adolphe Émil Fez n’avait rien contre ses voisins.

 

Le Président conclut alors[2] :

« Le crime est certain, avoué. L’accusé est responsable puisqu’il avait la plénitude de son intelligence et de sa liberté. Toutefois, y a-t-il une atténuation possible en sa faveur ? Cette jalousie contraire au bon sens et à toute raison, n’est-elle pas la marque d’un esprit au moins mal équilibré ?

 

 

Sur ces paroles, le jury sortit pour délibérer et déclara après cette délibération que l’accusé Adolphe Émil Fez était coupable, avec toutefois le bénéfice des circonstances atténuantes.

 

Adolphe Émil Fez fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.

 

 

Un document très important nous apprend énormément sur Adolphe Émil Fez, il s’agit de sa fiche d’écrou  de Rouen – n° 8360 – en date de mai 1877.

 

Fez Adolphe Emile[3]

Fils de Pierre et Sophie Pichoux

Né et demeurant à Courtemanche (Eure)

Cultivateur

Entré le 20 avril 1877

30 ans – 1 m 66 – teint pâle.

2 cicatrices au menton – estropié du bras gauche.

 

Vêtu du costume pénal.

 

Mention :

Aujourd’hui, 20 avril 1877, s’est présenté au greffe de la maison de Justice de Rouen, le sieur Gueroult gendarme, porteur d’un ordre délivré par monsieur le Procureur Général, sous la date du 18 avril 1877 en vertu duquel il m’a été fait la remise de la personne du nommé FEZ Adolphe Émile, ainsi que le constate l’acte qui m’a été présenté et dont la transcription se trouve ci-contre[4].

 

Transcription des jugements :

Par arrêt de la Cour d’assises de la Seine-Inférieure en date du 11 mai 1877, le nommé FEZ Adolphe Émile âgé de 30 ans, né à Courtemanche (Eure), demeurant à Courtemanche (Eure), cultivateur déclaré coupable d’avoir à Courtemanche le 18 juin 1876 commis deux homicides et deux tentatives d’homicides volontaires, le tout avec préméditation et concomitance, a été condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité en vertus des articles 295 -296 – 302 – 304 et 463 du code pénal.

Le dit a commencé à subir sa peine le 16 mai 1877, jour où l’arrêt est devenu définitif.

 

Date de sortie de la prison, le 26 mai 1877.

Transféré à Saint-Martin-de-Ré par nous, agent comptable de la voiture cellulaire n°21.

Signé : Bauer

 



[1] La description d’Adolphe Émil Fez provient de l’article  du « Journal des débats politiques et littéraires » en date du 14 mai 1877.

[2] Journal « la presse » du 18 mai 1887

[3] Le prénom est écrit avec un E final dans le registre.

[4] Ci-contre sur le document étant les informations se trouvant ci-dessus dans le récit.

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