Arrivés à l’âge adulte, ils vivaient tous deux de la fabrication
du gruyère.
Dans leur commune, Charmey, ils n’étaient pas les seuls,
beaucoup de paysans tout comme eux fabriquaient du fromage à partir du lait de
leurs vaches.
Mais voilà ! Les deux frères Rimy faisaient un meilleur
profit !
Il n’en fallut pas plus pour que des regards accusateurs se
dirigent vers eux, que des langues assassinent les accusent.
Les accusent de quoi ? D’être des Milch-Zieher, des voleurs de lait.
Car si les deux frères avaient plus de lait, c’était bien
évidemment parce qu’ils volaient celui de leurs voisins.
Et comme les Rimy n’avaient jamais été pris sur le fait, c’était
parce qu’ils utilisaient la magie.
La rumeur grossit, s’enfla comme la « grenouille de la
fable de La Fontaine », et voilà Georges et François accusés de
sorcellerie comparaissant devant les juges.
Ils expliquèrent qu’ils ne volaient pas le lait de leurs
voisins, mais que leur production venait tout simplement d’une bonne gestion de
leur élevage.
D’abord, ils choisissaient leurs vaches.
« Une vache est toujours une vache, répondit le Juge qui
n’en avait jamais fait l’élevage.
–
Que non ! certaines sont meilleures laitières
que d’autres !
–
Et vous les trouvez où ces vaches
exceptionnelles ?
–
Sur les foires aux bestiaux, pardi ! Il faut
choisir des vaches de race « Schwytzer[1] ».
–
Et ces vaches produisent plus, dites-vous ?
Comme ça ? D’un coup de magie ? Poursuivit le Juge.
–
Nulle magie là-dedans, répondirent les frères. Une
vache, même très bonne laitière comme la « Schwytzer » doit être bien
soignée et bien nourrie.
Et voilà Georges et François rivalisant de commentaires,
expliquant avec beaucoup de passion leur travail, l’amour de leur troupeau qui
les remerciait par une abondance de lait à chaque traite.
Les voisins furent toutefois dubitatifs, pour eux, les deux
frères utilisaient des sortilèges.
Les juges, malgré de forts soupçons, non convaincus, car n’y
connaissant rien en matière de bovidés et de lait, libérèrent les frères Rimy.
L’histoire qui se passait au milieu du XVIIème siècle
s’arrête là, n’ayant aucune information des suites de l’affaire.
Mais, en fouillant, j’ai découvert des accusations similaires.
En 1517, un certain Christian Born fut également accusé d’être
un « voleur de lait ». Mais un siècle plus tôt, les croyances étaient
bien plus ancrées et cet homme qui ne sut se défendre fut brûlé au Guintzet[2] pour sorcellerie.
Sa femme, Collette, fut mise au pilori, accusée uniquement de
vol.
Le jeune Claude Bernard, âgé de douze ans, subit le même sort en
1651, son exécution eut lieu au Belluard[3].
Ils ne furent pas les seuls sorciers ou envoûteurs, nous le
verrons bientôt.
[1] Vache de couleur grise de petit format,
rustique, qui fournit des quantités respectables de viande et de lait - en
moyenne 3 600 kg de lait par période de lactation. Avec son faible poids,
elle ménage le sol. Elle est capable de paître même sur des terrains escarpés.
[2] Colline dominant la ville de Fribourg où se dressait le gibet et où le bûcher était élevé pour les exécutions.
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