1902 – un début d’année terriblement chaud !
Deuxième partie
La voiture fit demi-tour, direction en urgence à l’hôpital Tenon.
Ce fut ensuite une succession d’arrestations opérées par les agents de
la sûreté.
C’en était trop, il fallait remettre un peu d’ordre dans cette
escalade de violence !
18 janvier 1902 - 11 heures du matin – au 15 rue de Belleville dans
une chambre meublée.
Interpellation de Maurice Ponsard, dit le Rouquin, âgé de dix-neuf
ans, membre de la bande de la Courtille (celle à Manda).
Dans cette misérable chambre sans confort, se trouvait, avec lui,
Henriette Minouflet, dite la Môme de la Courtille, sa maîtresse, âgée de
vingt-cinq ans.
Le Rouquin, gisant sur la misérable paillasse du lit, semblait bien
mal en point. Il avait, lors de l’attaque de la rue du Bagnolet, reçu deux
balles dans un bras. La plaie s’était infectée. Pas beau à voir !
Ce même jour, 18 janvier 1902, à la même adresse, dans une chambre
contiguë, Louis Lechopier, « le Grand Louis ». Sans cette
arrestation, cet homme serait mort des suites de l’horrible blessure qu’il
avait reçue, un coup de poignard dans le dos. Atteint aux poumons, il souffrait
d’une pleurésie.

A l’hôpital, alors qu’il était au plus mal, Leca eut la visite de son
père. Malgré son grand affaiblissement, bien qu’il fût entre la vie et la mort,
il n’eut que des paroles de vengeance :
« C’est Manda qui m’a tué...............
c’est lui qui le 5 janvier m’avait tiré deux coups de revolver....................
c’est également lui qui m’a
poignardé.........père, venge-moi. »
9 février 1902. Sur un mandat d’amener, signé par Monsieur Le
Poittevin, deux inspecteurs de l’équipe de Monsieur Cochefert se sont rendus au
domicile d’Amélie Elie, afin de l’arrêter. Ce ne fut pas sans cri que la jeune
femme fut embarquée.
Pourquoi l’arrêtait-on ?
Quels motifs ?
Elle criait, hurlait même, son innocence.
Le juge souhaitait, tout simplement l’entendre, rien de plus.
Elle avait été témoin de la quasi-totalité des heurts entre les bandes
adverses, et de plus, tout ce raffut, tout ce sang qui coulait, n’était-ce pas
elle qui en été la raison ?
Bien évidemment, elle ne pouvait être accusée de tentative de meurtre
sur les personnes de Erst et Leca. Chacun pouvait témoigner qu’elle était aux
petits soins de ce dernier, son amant en titre, fort éprise qu’elle était de
lui.
Mais n’avait-elle pas eu une existence commune avec Joseph Pleigneur
dit Manda, à une époque où celui-ci trempait dans des affaires plus que
douteuses ?
« J’ suis pas au courant d’ tout ça, moi ! vociféra la jeune
femme, j’ suis innocente ! Et pis les affaires à Manda, ça me r’gardait
pas ! »
Certes, mais la demoiselle Elie n’était pas irréprochable, même en ne
prenant pas en compte son métier de gagneuse, elle avait tout de même écopée,
par la 9ème chambre correctionnelle de la Seine, d’une condamnation
de quinze jours de prison pour vol.
« C’était y a longtemps ! protesta-t-elle, depuis je m’
tiens à carreau ! »
Il était vrai que cette peine remontait à février 1899, époque où elle
vivait avec le nommé Manda.
Alors ?!?!
Après cet entretien, le juge Le Poittevin transforma le mandat
d’amener en mandat de dépôt. Il préférait, ce juge d’instruction, voir la fille
Elie sous les verrous, au cas où elle se mettrait à séduire d’autres individus
du même acabit que Manda et Leca.
Il ne faudrait pas qu’elle aille allumer le feu dans d’autres
quartiers de Paris et de sa couronne.
Après deux jours au dépôt, n’ayant aucun motif pour la retenir plus
longtemps, la justice dut remettre Amélie Elie en liberté, aussi sortit-elle de
la prison de Saint-Lazare, libre comme l’air.
Louis Lechapier fut également relâché. En ce qui le concernait, aucun
témoignage probant.
Les membres des deux bandes rivales s’assassinaient entre eux, mais se
tenaient les coudes face à l’ordre public.