Pour les beaux yeux d’Amélie.
Pour la chevelure blonde d’Amélie.
Unies derrière leur chef et dans l’intérêt de celui-ci, les deux
bandes s’affrontèrent de plus en plus souvent et ce ne furent qu’escarmouches,
batailles rangées, règlement de compte au couteau.
Le ton monta progressivement jusqu’à ce 30 décembre 1901.
Dix heures du soir, dans le 11ème arrondissement de Paris,
rue Popincourt, par une nuit sans lune dans le froid hivernal, Leca, col relevé et mains dans les poches, avançait
d’un bon pas. A ses côtés, Amélie, enveloppée dans un châle, se
plaignait :
-
Justement, en marchant vite t’auras moins
froid !
A cette réponse, la jeune femme haussa les épaules et se mit à bouder.
Leca pressait le pas, oui. Un mauvais pressentiment l’habitait, aussi était-il
sur ses gardes.
Il se retournait souvent, scrutant l’obscurité, à la recherche de
quelque silhouette suspecte, tapie dans l’encoignure d’une porte cochère.
Rien ! Pourtant, il en aurait donné sa main à couper. Il sentait
une présence. C’était certain, ils étaient épiés.
Ces pas qui résonnaient dans le silence de la nuit sur le sol gelé,
donnant écho à leurs propres pas et qu’il percevait derrière lui, n’étaient pas
le fruit de son imagination.
Et puis, cette intuition tenace qui le mettait si mal à l’aise. Leca n’était
pourtant pas homme à se laisser dominer par la peur, mais il savait Manda à sa
recherche, prêt à tout pour reprendre Amélie. Il connaissait son rival pour sa rancœur
et sa cruauté et, de ce fait, il ne se sentait nullement rassuré.
Il pressa encore son allure. Les pas, derrière lui, prirent le même
tempo.
Seule Amélie, qui s’était accrochée au bras de son homme, ronchonnait
de plus belle.
« Mais, ralentis donc ! Je m’ suis tordue la cheville.
-
Vas-tu te taire ! lui lança-t-il d’un ton
impérieux.
-
Ah ! Quel caractère !
Leca refusait de se retourner trop souvent, ne voulant pas donner, à
ses poursuivants, l’impression qu’il craignait pour sa vie. Mais, au moindre
bruit, il jetait un furtif regard en arrière.
« Mais, qu’est-ce c’ que t’as, à la fin ? T’as l’air bien
nerveux ? lança Amélie agacée.
-
Vas-tu te taire !
-
Oh là là ! Quel carac..............
La jeune femme acheva sa phrase dans un hurlement. Devant eux,
venaient de surgir deux hommes dont la caquette rabattue sur le haut du visage
et le col de la veste remonté jusqu’aux oreilles préservaient l’anonymat.
Précautions bien vaines, car les deux assaillants furent rapidement
identifiés par Leca et sa compagne, comme étant Manda et l’un de ses
lieutenants, un nommé Heil.
Une attaque fugace, juste le temps pour Manda de frapper son rival
derrière la tête avec une arme tranchante et de détaler avec son acolyte comme
un lapin poursuivi par un chasseur.
Ni vus, ni connus !
Difficile de prouver la culpabilité de qui que ce soit.
Abasourdi, Leca porta la main à la base de son crâne. Il saignait
abondamment. Même si la blessure ne semblait être que superficielle, son cuir
chevelu présentait une belle entaille de plusieurs centimètres. Amélie, remise
de ses émotions, aida son homme en appliquant son mouchoir sur la plaie afin
d’arrêter rapidement l’hémorragie.
Toutefois, les cris d’Amélie avaient alerté deux agents de la sécurité
qui patrouillaient non loin de là. Apercevant les deux fuyards, ces
représentants de l’ordre se mirent en devoir de les intercepter et de les
conduire manu militari au poste le plus proche.
Leca ne voulut pas porter plainte. Leurs problèmes, leurs règlements
de comptes ne regardaient personne et surtout pas la maréchaussée !
Manda et son lieutenant furent donc remis en liberté après une nuit en
cellule.
Affaire classée, en attendant la suite qui ne tarda pas à venir.
................ à suivre ................
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